vaurien (Kavuklu). Les personnages féminins (secondaires) étaient joués par des hommes, ce qui permettait
d’entretenir une équivoque qui se voulait comique.
Le Karagöz est non pas un théâtre
d’ombres, mais la projection sur un écran d’images colorées translucides.
Ces silhouettes présentent toujours un même profil. Le spectacle est accompagné au tambourin et à la flûte. Bien que l’islām ait interdit la représentation des êtres vivants par le dessin ou la sculpture, le Karagöz a été, après une courte phase d’interdiction, toléré en raison de son symbolisme mystique.
Une représentation comporte deux parties : la conversation (muhavere) et le jeu (fasıl), plus complexe que celui de l’Ortaoyunu, mais qui comporte, comme ce dernier, deux personnages qui s’opposent : Pişekâr s’appelle ici Hacivat, et Kavuklu Karagöz. Pour
le théâtre populaire comme pour le théâtre classique, on ne dispose de sources précises qu’à partir du XVIe s.
On a connaissance dès la période préislamique d’une forme théâtrale liée à la religion chamaniste en Asie centrale.
On évoque, à côté du théâtre populaire, un théâtre villageois qui semble avoir été la survivance d’anciennes réjouissances religieuses et en particulier d’un vieux culte phallique.
Au XVe et au XVIe s., les Juifs venus d’Espagne et du Portugal ont introduit une forme théâtrale appelée hokka-bazlık qui n’est pas sans rapport avec le Karagöz et l’Ortaoyunu. Mais il faut attendre le XIXe s. pour voir apparaître un théâtre vraiment ottoman, et joué par des Ottomans.
La littérature de 1840 à
la révolution kémaliste
Vers 1840 commence une ère de ré-
formes qui va durer quelque quarante ans, jusqu’à l’absolutisme d’Abdülhamid II : c’est l’ère du Tanzimat. Parallèlement se développe un mouve-
ment littéraire, l’école du Tanzimat, à laquelle participent : Şinasi (1826-1871), fondateur de la presse turque, simplificateur de la langue et auteur de nombreuses traductions d’oeuvres fran-
çaises ; Namik Kemal (1840-1888),
poète, journaliste, dramaturge et his-
torien, considéré comme le père de la littérature moderne (il écrit le premier roman « turc » et la première pièce de théâtre « turque », jouée en 1873).
Aux côtés du romancier Samipaşazade Sezai (1860-1936) et du poète Ab-dülhak Hâmid Tarhan (1852-1937), on distingue des poètes et des prosateurs comme Ahmed Midhat (1844-1912),
Recaizade Mahmud Ekrem (1847-
1914), Ziya Paşa (1825-1880) et, dans un second temps, Nabizade Nâzim
(1862-1893), Ismail Safa (1867-1901), Mualli Naci (1850-1893), Halid Ziya Uşakligil (1866-1945), Mehmed Rauf (1875-1931) et Cenab Şahabeddin
(1870-1934).
Avec le règne d’Abdülhamid II
commence, du point de vue littéraire, une phase moins active. Cependant, en 1891, Ahmed Ihsan Tokgöz (1868-1942), traducteur de romanciers fran-
çais, crée un nouveau mouvement :
Edebiyatı Cedide (Nouvelle Littérature), appelé aussi littérature du Ser-vet-i Fünum (Trésor des sciences), dont la direction est assumée à partir de 1901 par Tevfik Fikret (1867-1915).
On retrouve dans ce mouvement des
écrivains tels que Cenab Şahabeddin et Halid Ziya Uşaklıgil (1866-1945), mais aussi Hüseyin Cahid Yalçin
(1867-1942), Süleyman Nazif (1869-
1927) et Ahmed Hikmet Müftüoğlu
(1870-1927).
À l’écart du mouvement, Hüseyin
Rahmi Gürpınar (1864-1944) et
Ahmed Rasim (1864-1932) décrivent, dans le jargon de la bureaucratie impé-
riale, la vie populaire et les milieux littéraires de l’époque.
Il en est du théâtre comme de la litté-
rature : à la phase de libéralisme qui se manifeste avec la fondation par Güllü Agop (1840-1891) d’un théâtre ottoman (le théâtre, jusque-là, avait surtout été le fait d’auteurs et d’acteurs armé-
niens tels que Bedros Heronimos Ata-myan, Tomas Fasulyeciyan et Mardi-
ros Mınakyan) succède une période de pression politique sur les auteurs, qui downloadModeText.vue.download 629 sur 631
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19
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écrivent souvent en cachette : Nigâr Hanım, Fikri Paşazade, Ömer Lüfti et Silistireli Mustafa Hamdi marquent l’histoire du théâtre ; leurs oeuvres ne furent jouées qu’ultérieurement.
Après la chute d’Abdülhamid II, les idées libérales purent de nouveau apparaître au grand jour. En littérature, le mouvement Fecriati (l’Aube qui vient), dont la grande figure fut Ahmed Hâşim (1883-1933), s’inspire en poésie des symbolistes français et en prose d’Ana-tole France et de Maurice Barrès.
Cependant, l’esthétisme littéraire va disparaître devant le nationalisme au moment de la guerre des Balkans.
Dès avant la guerre, on distingue trois tendances : le panislamisme (ittihad-ı islâm), représenté surtout par Mehmed Âkif (1873-1936), pour lequel la morale musulmane et la solidarité islamique doivent être le remède à toutes les maladies sociales ; l’ottomanisme (osmanlılık), qui prône l’union de tous les sujets de l’Empire sans distinction de races et de religions ; enfin, le panturquisme (türkçülük), appelé aussi touranisme (turancılık).
En 1911 est fondée à Istanbul, par un publiciste originaire de l’Azerbaïdjan, Ahmed Ağaoğlu (1868-1939),
et par un officier natif du Turkestan, Yusuf Akçura (1879-1935), une revue, Türk Yurdu, qui devient l’organe de l’association Türk Ocakları (Foyers turcs), dont font partie Ahmed Hikmet Müftüoğlu, Halide Edip Adıvar (1884-1964), Hamdullah Suphi Tanriöver
(1886-1966) et Köprülüzade Meh-
med Fuad. Ce mouvement absorbe un
autre groupe, celui de la revue Genç Kalemler (Jeunes Plumes) [1911-12], dirigée par le nouvelliste Ömer Seyfeddin et le poète et critique Ali Canib ; ce groupe veut utiliser le turc parlé comme langue littéraire. La défense de la langue courante contre la langue littéraire est menée surtout par Ziya Gökalp (1876-1924), poète et sociologue, qui souhaite également redonner sa valeur à l’ancienne littérature folklorique et préislamique ; c’est dans ce sens que Ziya Gökalp est considéré comme l’inspirateur du touranisme.
La littérature
contemporaine
La guerre et la révolution kémaliste amènent une rupture brutale avec la vieille culture orientale. En 1928, l’alphabet latin remplace l’alphabet arabe.
Prose et poésie se développent, de 1920
à 1940, selon les mêmes lignes. Les poètes de la République — mis à part Yahya Kemal Beyatlı (1884-1958), qui continue à utiliser la métrique de la littérature du divan — emploient une langue simple et des formes métriques régulières (métrique syllabique dite hece) : ainsi Orhan Seyfi Orhon (né en 1890), Yusuf Ziya Ortaç (1895-1967), Faruk Nafiz Çamlibel (né en 1898), Kemalettin Kamu (1901-1948), Enis
Behiç Koryürek (1891-1949).
Nâzım Hikmet Ran (1902-1963), qui
débute en employant le hece, devient le plus grand représentant du vers libre. Décrivant la destinée des peuples d’Anatolie et commentant la guerre d’indépendance, il ouvre de nouvelles voies dans la littérature, tandis que Zeki Ömer Defne (né en 1903) et Ârif Nihat Asya (né en 1904) reprennent dans
leurs poèmes les vieilles croyances populaires et des éléments folkloriques.
Dans le genre de la nouvelle, Sait Faik Abasıyanık (1906-1954) et Sabahattin Ali (1906-1948), qui ont pris la succession de Ömer Seyfeddin (1884-1920), Halide Edip Adıvar, Yakup Kadri
Karaosmanoğlu (né en 1889), Reşat
Nuri Güntekin (1889-1956) et Ahmed Naim (1904-1967), renouvellent à partir de 1935 la littérature turque, l’un par des nouvelles dont l’action est en géné-
ral située à Istanbul, l’autre en puisant ses sujets dans la vie anatolienne.
Sans avoir participé à la Seconde