Выбрать главу

[v. Égypte], en Yougoslavie), il est possible et raisonnable d’étudier l’art turc à travers les oeuvres qui ont été créées et sont conservées en Anatolie et, en Thrace, à Edirne et à Istanbul*.

L’ART SELDJOUKIDE

À l’exception de la haute Mésopotamie, conquise au VIIe s. par les Arabes et ayant connu de vieux établissements musulmans, les territoires de la Turquie sont entrés relativement tard dans le monde de l’islām. Les régions sud-orientales du pays n’ont conservé d’ailleurs que peu de vestiges de la civilisation ‘abbāsside* : on en trouve un avec la Grande Mosquée de Diyarbakır, construite sur le plan à trois nefs parallèles de la mosquée des Omeyyades de Damas — comme le seront, plus tard, les Grandes Mosquées de Bitlis et de Dunaysır (1204) —, mais remaniée ultérieurement, à l’époque artuqide (ou ortokide), en particulier pour recevoir son porche à arc surbaissé orné des célèbres reliefs du lion terrassant le taureau. De même, les murailles en basalte de la ville, très anciennes et parfaitement conservées, ont été enrichies de tours (bastions de Yedikardeş et d’Ulubeden, 1208) et de nouveau décorées.

C’est à partir du XIIe s. que les Seldjoukides commencent à manifester avec

succès et dans diverses voies leur activité artistique. Leurs tapis, qui ne sont pas an-térieurs au XIIIe s., sont déjà réputés (peu nous sont parvenus) ; leurs céramiques, dont les collections viennent de s’enrichir des merveilleuses trouvailles de Kuba-dâbâd, capitale secondaire des sultans, égalent celles de l’Iran contemporain et en subissent profondément l’influence : technique raffinée, coloris éblouissants, décor de délicieuses figures ; leur travail du métal se révèle puissant et souvent original, ainsi dans les heurtoirs (musée de Berlin) ou dans les miroirs (musée de Topkapı à Istanbul) ; leurs menuisiers atteignent à une maîtrise qui ne sera jamais surpassée dans les vantaux de portes et de fenêtres, les sarcophages, les pupitres à Coran, les chaires à prêcher (minbar de la mosquée

‘Ālā al-Dīn de Konya, 1155)...

Plus que les arts mineurs cependant, l’architecture rend compte de leur génie créateur. Si leurs palais, en brique, presque tous disparus totalement, étaient déco-rés avec une délicatesse tout orientale, leurs autres monuments, en bonne pierre, semblent bien plus relever d’un art « barbare » que de la civilisation raffinée de l’islām. Parmi eux, les plus remarquables sont certainement les caravansérails (han), véritables basiliques du commerce, qu’on rencontre le long des pistes caravanières (seconde moitié du XIIe-XIIIe s.). Il en demeure plus de cent, mal ou bien conservés, mais éveillant tous la plus vive admiration.

Les plus impressionnants et les plus accomplis sont les han impériaux, composés d’une série de bâtiments ordonnés autour d’une vaste cour (han d’été) et d’une salle à haute nef en berceau brisé flanquée de bas-côtés (han d’hiver). Les porches en saillie reçoivent un décor varié et magistral ; les nefs, bien équilibrées, contrastent avec eux par leur sévérité : leur dépouillement et leur grandeur font penser à l’art cistercien (Sultan hanı d’Aksaray et de Kayseri, Akhan, Ağzıkara han, Alayhan, Zazadînhan, Evdirhan, Incir han, Alarahan, Susuzhan et Karatayhan).

Les mosquées* sont en comparaison

d’une assez grande indigence. Quelques-unes s’ouvrent par des portes majestueuses, réalisent un heureux équilibre des volumes, érigent leurs coupoles dans le ciel, disposent harmonieusement les spolia (éléments pris à des monuments antérieurs), ou encore laissent place à une

sculpture débordante (mosquées Alâeddin de Konya et de Niğde, XIIIe s. ; mosquée de Divriği, 1228-29). De plus nombreuses offrent seulement des murs nus, des nefs étroites délimitées par de lourds supports, des entrées exiguës et semblent avoir été faites sans souci artistique (grandes mosquées d’Erzurum, 1179 ; de Sıvas, 1197 ; de Kayseri, 1205). Presque toutes suivent ce qu’on nomme le plan arabe à nefs multiples s’entrecroisant, mais renoncent à la cour, peu utile dans un pays aux hivers froids. Un petit groupe très original est constitué par les sanctuaires à charpentes et colonnes de bois (mosquées d’Afyon, 1272 ; de Sivrihisar, 1275 ; de Beyşehir, 1297).

Les établissements d’enseignement et de science, hôpitaux, observatoires, qu’on désigne uniformément sous le nom de medrese (arabe : madrasa), sont, quant à eux, redevables à l’Iran de leurs plans et de leurs principaux organes. C’est le cas quand les quatre iwān sont disposés en croix autour d’une cour. De plus petits édifices, dont la cour a reçu une couverture en coupole, sont moins symétriquement structurés. Dans les uns et les autres, le décor trouve une place de choix, sur les porches, qui peuvent être flanqués de hauts minarets jumeaux, par exception en brique (Çifteminareli medrese d’Erzurum et de Sivas, fin du XIIIe s.), voire sur les fe-nêtres, les niches de façades, les tourelles d’angles. La sculpture y est géométrique, épigraphique, florale, animale ou même humaine. Des stalactites (muqarnas), des macarons, des disques et des rosés, des bandeaux à forte saillie accrochent les ombres. La logique n’est pas toujours respectée (colonnes ne supportant rien) et l’exubérance peut conduire à la limite exacte du mauvais goût. Du moins la fantaisie s’y donne-t-elle libre cours (hôpital de Divriği, 1228-29 ; Ince minareli medrese de Konya, v. 1258 ; Gökmedrese de Sıvas, 1271). L’intérieur peut être entièrement tapissé de faïences (Sırçalımedrese, 1242, et medrese de Karatay, 1251, Konya).

D’innombrables petits mausolées, de formes diverses — rectangulaires, plus souvent circulaires ou polygonaux et gardant alors le souvenir lointain de la tour fu-néraire d’Iran —, sont épars dans les villes, dans la steppe, par groupes (trois mausolées d’Erzurum) ou seuls. Kayseri, qu’on a nommé la « ville aux mausolées », possède

le plus connu, le Dönerkümbet (XIIIe s.), au décor assez mutilé ; mais celui de Mamaha-tun à Tercan (XIIIe s.) l’emporte sans doute pour l’intérêt, celui de Hüdaventhatun à Niğde (1312) pour la beauté.

Les murailles qui ceignaient les villes ont été en majeure partie détruites, souvent à une époque récente ; celles de Konya, dont nous possédons maintes descriptions, ont disparu après 1850, non sans qu’aient été recueillis plusieurs des nombreux reliefs antiques ou islamiques qui les ornaient : les Seldjoukides, par un trait insigne de civilisation, ne se contentaient pas d’utiliser en architecture les spolia, mais constituaient de véritables collections d’antiques dont ils ornaient leurs villes.

L’ART DES PRINCIPAUTÉS

L’art que nous disons seldjoukide s’est prolongé assez longuement, mais non sans évoluer, après la disparition de l’Empire, d’abord sous la domination mongole, puis au temps des principautés. Au cours du XIVe s., les artistes portent moins d’inté-

rêt à la sculpture : le figuratif se fait plus rare, les reliefs s’estompent, les stalactites deviennent plus molles, le méplat plus conventionnel ; dès le XVe s., elle perdra tout intérêt. En revanche, les revêtements de céramique occupent plus de place ; ils finiront par constituer, sous les Ottomans, la plus belle parure de l’édifice. En même temps se produit un renversement de l’ordre des priorités architecturales. Si l’on construit encore de beaux caravansérails (jusqu’à l’époque moderne), ceux-ci ne présentent plus les exceptionnelles qualités de leurs prédécesseurs.

La mosquée redevient le monument

essentiel qu’il est habituellement en islām. Autour d’elle se groupent les autres constructions qu’on peut considérer comme religieuses, les medrese d’abord (avec constitution de mosquées-medrese), les tombeaux, puis bientôt les annexes diverses formant un grand complexe (külliye). D’une façon générale, la mosquée de village des Seldjoukides, avec unique salle carrée sous coupole, devient un objet d’attention. Une science plus grande, qui permet l’élargissement des dômes, l’amé-