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nagement de ce qui est un compromis entre le portique et le narthex lui donnent une apparence monumentale. À Iznik (Nicée), les Ottomans en tireront parti (mosquée Verte, 1378-1391). Quant aux

grandes mosquées, elles voient le nombre de leurs nefs diminuer, la cour à portiques réapparaître, la coupole plus souvent employée. À Selçuk (Éphèse), la mosquée d’Isa Bey n’a plus que deux nefs et une travée abritée par deux dômes (1375). Dans ce processus de transformation, la Grande Mosquée de Manisa marque une étape importante (1366). Il semblerait qu’elle soit faite par insertion dans un édifice à huit nefs et six travées d’une mosquée à coupole villageoise. Curieusement, une telle solution avait déjà été employée par les Seldjoukides à la Grande Mosquée de Silvan (XIIe s.), mais alors par démarquage d’Ispahan.

PREMIÈRE ARCHITECTURE OTTOMANE

C’est dans leur première capitale, Brousse*

(Bursa), que les Ottomans donnent vraiment naissance à un nouveau type de mosquée. Ils s’inspirent de la structure même de la medrese seldjoukide, des efforts faits à Iznik, des recherches architecturales de leurs rivaux, auxquels ils empruntent divers éléments, de modèles étrangers (arcs géminés italianisants de la mosquée de Murad I, 1363). La Grande Mosquée de Brousse (1379-1421) est encore divisée en nefs et en travées, mais celles-ci reçoivent à leur intersection une série de petites coupoles. Elle représente une exception insigne dans une production considérable qui reprend, en le transformant, l’ancien plan cruciforme et aboutit à des édifices remarquables par leur silhouette et leur originalité mais fort mal adaptés au culte musulman (mosquées d’Orhan, 1339 ; de Bayezid, 1400 ; mosquée Verte, 1424).

Autour de la mosquée de Murad II (1424), des mausolées, entourés de verdure, font un jardin de la nécropole royale. Ailleurs, d’autres tombeaux laissent, comme ceux-ci, apparaître l’héritage seldjoukide (tombeau Vert, XVe s.). C’est à Édirne (Andrinople), la capitale européenne, que les Ottomans reviennent à un plan plus canonique. L’Üçşerefeli Cami (1437) présente une grande cour bordée de portiques devant une salle rectangulaire que couvre un dôme de 24 m de diamètre flanqué de quatre coupoles plus petites.

L’ART OTTOMAN CLASSIQUE

Les recherches passionnées des architectes turcs sont prodigieusement stimulées après la prise de Constantinople par l’exemple de Sainte-Sophie. Sinaneddin

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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Yusuf († 1578) puis Hayreddin (1481-1512) ont l’idée de buter la coupole centrale d’abord sur une demi-coupole (première mosquée de Fatih, refaite depuis), puis sur deux ou quatre demi-coupoles. C’est cette solution que systématisera l’époque classique (XVIe-XVIIe s.). On a pu la sous-estimer en voyant en elle une copie de la basilique chrétienne : en fait, les Turcs, qui approchaient déjà de cette solution, n’ont pas imité servilement Sainte-Sophie. Le tambour de leurs mosquées est plus haut, le dôme est surhaussé, les fenêtres plus abondantes, les coupoles et les demi-coupoles s’étagent habilement, créent un effet pyramidal ; les longs minarets fuselés, terminés en éteignoirs, contribuent encore à l’allégement de l’ensemble. Istanbul* offre un choix unique de grandes mosquées, dont les dates sont connues approximativement : celles de Bayezid (1501-1505), de Selim (1520-1522), de Şehzade (1544-1548), la mosquée Süleymaniye (1550-1557), celle de Sultan Ahmed, dite aussi

« mosquée Bleue » (1609-1616) ; mais il s’en trouve dans toutes les villes provinciales (Diyarbakır, Konya, Amasya, etc.), et la plus belle est sans conteste celle d’Edirne, la Selimiye (1569-1575). Le grand Sinan*

la fit à l’âge de quatre-vingts ans ! Son audace, son équilibre, l’ingénieux décrochement du mur du fond lui donnent une valeur inégalable. Autour d’elle, comme autour de tous les grands sanctuaires, se groupent plus que jamais les autres bâtiments, et leur composition finit par occuper tout un quartier de la ville (külliye de la Süleymaniye).

L’époque classique ottomane, pour

grande qu’elle soit, ne tient pas toutes les promesses du XVe s. En ce temps d’exceptionnel humanisme, les Turcs ont interrogé le monde entier et ont paru capables de tout assimiler. L’Album du conquérant (musée de Topkapı), collection de dessins et de peintures sous influences chinoises, centre-asiatiques, iraniennes ou italiennes, rend bien compte de la curiosité intellectuelle qui les anime (oeuvres de Nakkaş

Sinan Bey, et d’Abdal Musa). Ce sont pourtant les oeuvres de Mehmed Siyahkalem

(Danse des chamans noirs, Derviches, Camp de nomades), réalistes ou surréalistes, aussi éloignées que possible de ce que nous croyons être la peinture islamique, qui nous permettent de mieux la mesurer.

Au XVIe et au XVIIe s., pour les tapis, pour les céramiques (école d’Iznik), pour les tissus, pour la peinture de manuscrits (Ni-gârî, 1492-1582), les Turcs ont fait retour à l’Orient. Leur art s’enferme presque aussi étroitement que s’enferment les princes dans le magnifique palais de Topkapı, véritable anthologie de l’architecture palatiale du XVe au XIXe s. (salle d’audience, XVe s. ; cuisines, XVIe s. ; kiosque de Bagdad, XVIIe s. ; chambre d’Ahmet III, XVIIIe s. ; nouveau kiosque, XIXe s).

LA DÉCADENCE

À partir du XVIIIe s., l’appauvrissement du pays et l’ouverture à l’Europe amènent la décadence de l’art turc. La lenteur de l’évolution peut, pendant un temps, faire illusion et laisser espérer la naissance d’un style nouveau : il y a encore de grandes beautés et un sens créateur réel dans les peintures d’Abdülcelil Levnî († 1732) ou dans la mosquée Nuruosmaniye d’Istanbul (1748-1755). Mais, quand, dès cette époque, le baroque trouve droit de cité en Turquie, il n’est plus possible de douter que l’art islamique est à la veille de disparaître. Il donnera encore quelques oeuvres intéressantes, soit en recopiant simplement, mais avec talent, ce qui fut fait avant (mosquée de Bebek, sur le Bosphore), soit en mêlant de façon quelque peu choquante les éléments européens et musulmans (mausolée de Nakşıdil Sultan à Istanbul, 1817 ; mosquée Aziziye de Konya, 1874).

Aujourd’hui, l’artisanat lui-même est bien déchu. Les céramiques de Kütahya sont de valeur nulle en comparaison de celles d’Iznik. L’art des tapis est toujours florissant, mais bien des ateliers imitent les dessins européens. On trouve encore de bons tisserands et dinandiers. Quant à l’architecture religieuse, elle est incapable de se renouveler, et les mosquées « ottomanes » en béton finissent par porter pré-

judice à celles qu’elles imitent sans aucun talent.

L’architecture civile, après un essai de panislamisme et de style néo-musulman, est devenue de style international. De même se rattachent aux courants internationaux les arts plastiques de conception occidentale (peinture, sculpture...), introduits en Turquie dans la seconde moitié du XIXe s. et qu’animent aujourd’hui de nombreux artistes des grands centres urbains.

J.-P. R.

F Brousse / Islām / Istanbul / Sinan.

A. Gabriel, Monuments turcs d’Anatolie (De Boccard, 1933-34, 2 vol.) ; Voyages archéologiques dans la Turquie orientale (De Boccard, 1942). / C. E. Arseven, l’Art turc depuis son origine jusqu’à nos jours (Istanbul, 1942) ; les Arts décoratifs turcs (Istanbul, 1952). / B. Ünsal, Turkish Islamic Architecture in Seljuk and Ottoman Times, 1071-1913 (Londres, 1959). / S. K. Yet-kin, l’Architecture turque en Turquie (G.-P. Maisonneuve et Larose, 1962) ; l’Ancienne Peinture turque du XIIe au XVIIIe siècle (Klincksieck, 1970).

/ O. Aslanapa, Turkish Art and Architecture (Londres, 1971). / A. Goodwin, A History of Ottoman Architecture (Baltimore, 1971). / F. Roiter et F. Stark, Turquie (Atlantis, Zurich, 1971).