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Les Ptolémées d’Alexandrie pour-

suivirent l’élan créé par Hippocrate et Aristote en Grèce : ils favorisèrent en

Égypte la dissection humaine, tabou partout ailleurs dans le monde antique.

C’est ainsi qu’Hérophile, Grec de Chalcédoine qui vécut en Égypte du temps des premiers Ptolémées, se livrait à des dissections publiques et en fit, aux dires de Tertullien, plus de six cents.

Ennemi farouche des systèmes et partisan de la méthode expérimentale, il amena l’anatomie au niveau même où elle sera dix-huit siècles plus tard. Il a rédigé un ouvrage, De l’anatomie, qui n’a pas été retrouvé, mais on connaît quelques-unes de ses découvertes. Il vit dans le cerveau, qu’il disséqua, le siège de l’intelligence (que ses devanciers, Aristote compris, plaçaient dans le coeur) ; il distingua les nerfs des tendons musculaires (que la langue populaire continue de confondre), les artères des veines, décrivit les lymphatiques (qui ne seront redécouverts qu’en 1622

par Gaspare Aselli) et montra que les artères contiennent du sang et non de l’air, malgré leur nom, et qu’elles proviennent, comme les veines, du coeur et non du foie ; il décrivit et nomma le duodénum, et il fut le premier à utiliser le pouls comme moyen de diagnostic.

Érasistrate, un peu plus jeune qu’Hé-

rophile, fut élève de celui-ci à Alexandrie avant de professer à Antioche, puis à Samos. Plus systématique que son illustre maître, il adapta les faits à ses théories et redonna aux artères le soin de distribuer dans tout le corps le « souffle vital ». Il vit toutefois les valvules cardiaques, qu’il nomma, et se montra plus doué dans l’étude des fonctions que dans celle des structures, au point qu’on peut le considérer comme le « père de la physiologie ».

En 30 de notre ère, un Romain,

Aulus Cornelius Celsus, compila ses prédécesseurs et donna en latin des descriptions anatomiques qui, si elles n’étaient pas originales, n’en eurent pas moins un grand intérêt pour la nomenclature. C’est là qu’on trouve en effet des termes encore en usage aujourd’hui, comme abdomen, anus, cartilage, humérus, occiput, radius, scrotum, utérus, tibia.

L’école d’Alexandrie se maintint fort longtemps, et, au IIe siècle de notre ère, Galien (v. 131 - v. 201), Grec de Pergame, y vint apprendre l’anato-

mie avec Marin, dont les oeuvres ont downloadModeText.vue.download 51 sur 561

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été perdues, mais qui fut célèbre en son temps. Il fut longtemps médecin à Rome, auprès de Marc Aurèle, puis de Commode, et rédigea un très grand nombre d’ouvrages. Devant l’impossibilité, dans la Rome devenue chré-

tienne, de disséquer des cadavres, il expérimenta sur les animaux les plus proches de l’Homme, et notamment sur le Boeuf, le Porc et le Singe. Très imbu de lui-même, très polémique avec ses contradicteurs, plus soucieux de la perfection de ses théories que de l’exactitude de ses observations, il n’en fut pas moins célèbre en son temps, et son enseignement sera transmis, sans modification, pendant douze siècles. Ses connaissances du squelette et des muscles sont celles de son maître Marin. Ses théories du souffle cosmique, pénétrant le corps avec l’air inspiré, et des trois esprits, naturel (foie), vital (coeur) et animal (système nerveux), qui s’opposent aux découvertes qu’avait faites Hérophile, retarderont de plus d’un millénaire une découverte aussi fondamentale que celle de la circulation du sang, que les Grecs d’Alexandrie avaient soupçon-née, sinon démontrée. Galien se servit d’une nomenclature fort confuse et utilisa fréquemment des nombres. On lui doit toutefois des termes comme anastomose, carotide, épididyme, pancréas, uretère, glotte, péritoine, etc. Un contemporain de Galien, Julius Pollux, rédigea un Onomasticon (ou Lexique), glossaire d’anatomie où de nouveaux termes virent le jour, comme trochanter, atlas, axis, clitoris, amnios, gas-trocnémien, etc.

Jusqu’à Harvey (XVIIe s.)

L’appui conjugué que Galien trouva tant auprès de l’Empire romain que de l’Église fit considérer rapidement son oeuvre comme parfaite et définitive, et « gela » pendant près de dix siècles

toute recherche anatomique. Les travaux des médecins consisteront longtemps non plus à faire des autopsies ou des dissections de cadavres, mais à commenter un des textes de Galien.

C’est à Alexandrie que l’enseignement de Galien se maintint le plus longtemps, et c’est en 640, auprès de Paul d’Égine, que les médecins arabes puisèrent leur science, après avoir traduit Galien et Aristote. ‘Alī ibn al‘Abbās, qui vécut à Chīrāz au Xe s., écrivit le Kāmil al-

ṣinā‘a, qui servit longtemps de manuel aux étudiants. Avicenne* publia vers l’an mille le Canon de la médecine, ouvrage de pure compilation, qui atteignit l’Europe occidentale via l’Espagne. La transmission de ces textes anciens par l’intermédiaire d’une traduction arabe nous a laissé quelques termes arabes, comme nuque, saphène, céphalique, basilique, pie-mère et dure-mère.

La renaissance de l’anatomie eut lieu au XVe s. ; ce furent surtout les dessinateurs, tels Léonard de Vinci*, Albrecht Dürer*, Michel-Ange* ou Raphaël*, qui refirent des dissections.

Vinci, notamment, disséqua trente cadavres avant de se voir rappelé à l’ordre par le pape Léon X. Il fit des mesures de proportions et étudia les muscles, le coeur, le cerveau, les viscères, le foetus. On lui doit plus de sept cent cinquante dessins et plus de cent vingt notes anatomiques. Nombre de ses découvertes furent ignorées et downloadModeText.vue.download 52 sur 561

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perdues pour ses contemporains, mais Vinci prépara l’arrivée de Vésale, qui naquit quelques années avant sa mort.

Andreas Witing (1514-1564), Belge né d’une famille de médecins de Wesel (d’où son nom latin de Vesalius, francisé en Vésale), vint à Paris en 1533 étudier la médecine avec Sylvius (Jacques Dubois d’Amiens), qui connaissait bien mieux les textes de Galien que l’anatomie elle-même. Avec un de ses condisciples, Michel Servet, il voulut vérifier le bien-fondé des cours et se mit à disséquer des cadavres. Il poursuivit ses études à Venise, soutint sa

thèse à Padoue à l’âge de vingt-deux ans et devint, l’année suivante, professeur de chirurgie et d’anatomie. Plus courageux que ses collègues, surtout à une époque où il n’était pas rare de mourir de septicémie après avoir travaillé sur des cadavres non aseptisés ou mal conservés, il disséquait lui-même et notait les erreurs de Galien. Il compara en 1540 l’anatomie humaine à celle du Singe et comprit l’origine de certaines des erreurs de Galien, qui n’avait pu travailler sur l’Homme.

Après trois années de travaux, il publia à Bâle, en 1543, De corporis humani fabrica, livre fait uniquement de ses propres dissections et illustré par les dessins de Jean de Calcar, élève de Titien. Ce livre, qui apportait la révolution dans le monde de l’anatomie, reçut plus de critiques que d’éloges.

L’impulsion, toutefois, était donnée, et le siècle qui suivit vit une floraison de grands anatomistes, comme Fallope (1523-1562), Bartolomeo Eustachi (1524 - v. 1574), Fabrici d’Acquapendente (1533-1619), médecin de Galilée, ou Adriaan Van der Spieghel (1578-1625), qui ont tous attaché leur nom à quelque structure anatomique. De cette école italienne datent des termes comme alvéole, choane, synovie, corps calleux, amygdale, hippocampe. Le Suisse Michel Servet (1511-1553), condisciple de Vésale, découvrit la circulation pulmonaire.

William Harvey (1578-1657), qui

fut l’élève de Fabrici, publia en 1628

l’Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus. Dans ce livre, avec lequel il est classique de faire débuter la physiologie, Harvey

« suppose » l’existence de capillaires entre les troncs artériels et veineux, seule hypothèse raisonnable expliquant la circulation du sang. Ces capillaires, qu’il a cherchés toute sa vie sans les voir, c’est un Italien, Marcello Malpighi (1628-1694), qui les verra le premier sur une préparation de poumon de Grenouille, observée à la loupe.