rapporta, dans un grand navire royal, avec son couvercle, et une fausse porte, et une table d’offrandes. Jamais on n’avait accompli pareille chose pour aucun serviteur ; mais c’est que j’étais excellent pour le coeur de S. M., j’étais agréable au coeur de S. M., c’est que S. M. m’aimait. » (Biographie d’Ouni ; downloadModeText.vue.download 57 sur 561
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2
594
règne de Pepi Ier, VIe dynastie.) Le fa-voritisme était né. Vienne un souverain faible...
Si le roi incarne l’omnipotence de l’État, dieu, il est aussi le supérieur naturel de tout clergé : il dispose absolument du pouvoir spirituel.
C’est lui le constructeur de tous les temples des dieux ; il est seul officiant sur tous les bas-reliefs. Pour chaque culte, il délègue ses pouvoirs à un grand prêtre ; celui-ci est le représentant du roi, qui le nomme ; ce sont les fils mêmes du souverain qui exercent souvent cette fonction dans les sanctuaires importants (celui de Ptah à Memphis, celui de Rê à Héliopolis) ; en province, ce sont fréquemment les monarques.
Le grand prêtre officie au nom du roi ; il est aussi administrateur des biens du temple : si le souverain veut favoriser un dieu, il fait notamment don de terres, qui accroissent le domaine sacerdotal et le pouvoir temporel du grand prêtre, que sa richesse même pourrait inciter à quelque indépendance. Cette fusion État-clergé, temporel-spirituel, peut donc, progressivement, entraîner un danger politique.
Le roi, instance supérieure de tout élément directeur du pays, est le chef d’une société de type féodal. Immé-
diatement autour du souverain, en son palais de Memphis, vit une cour de parents et de hauts fonctionnaires choisis par lui (« gens royale » selon A. Moret) ; les dignitaires provinciaux viennent rejoindre en leur vieillesse cette cour, à laquelle aspire tout fonctionnaire. Au-delà, hors de l’attirance
directe du palais, le reste de la population, citadins, agriculteurs, artisans, ouvriers, travaille pour le roi, la cour et les temples. Pas d’esclavage, mais des tenanciers libres, ou des corvéables, ou des serviteurs qui pouvaient être vendus ou loués, mais qui pouvaient aussi détenir des biens et en disposer à leur gré.
De cette société, la famille est la cellule essentielle : autorité paternelle (jusqu’à la majorité des enfants), droit d’aînesse, indépendance juridique de la femme en sont les principaux ressorts légaux. Le droit, respecté, de chacun n’empêche pas la cohésion familiale.
« Prends femme tandis que tu es jeune encore, afin qu’elle puisse te donner des fils, car un homme est considéré en proportion du nombre de ses enfants
[...]. Fonde un foyer et aime ta femme dans la maison, ainsi qu’il convient, nourris-la, habille-la, le parfum est un remède pour son corps. Rends son coeur joyeux, aussi longtemps qu’elle vit ; elle est un champ fertile pour son seigneur. » — Les fils sont « un bâton pour le grand âge ». (Sagesse de Ptahhotep, vizir du roi Isesi, Ve dynastie.) La vie en société relève d’une morale idéaliste, d’un humanisme profond, né sur les rives du Nil. Trois mille ans avant les Évangiles, une morale purement laïque (un vizir en son grand âge transmet à son fils des conseils, fruits de son expérience) propose les grands principes de charité, d’humilité, d’amour, de justice, de concorde et de paix : « Si tu es devenu un grand après avoir été petit, si tu as acquis de la richesse après avoir connu le besoin dans la ville, n’oublie pas les temps anciens. Ne sois pas avare de tes richesses, qui te sont venues comme un don du dieu. Ne sois pas orgueil-leux de ce que tu sais et ne te fie pas au fait que tu es un homme savant.
Prends conseil de l’ignorant comme du sage, car les limites de la science ne peuvent être atteintes [...]. Une parole heureuse est plus cachée que la pré-
cieuse pierre verte, et on peut la trouver chez les servantes penchées sur la pierre à moudre. Ce ne sont pas les dispositions des hommes qui se réalisent, mais bien le dessein du dieu. La vérité est bonne, et sa valeur est durable [...]
elle est comme un droit chemin devant l’homme, qui ne sait pas ; l’aventure du mal n’a jamais conduit à aucun port. Ne mets pas la crainte chez les hommes, ou le dieu te combattra de même. Car si quelqu’un prétend employer la violence pour gagner sa vie, le dieu lui ôtera le pain de la bouche ; s’il le fait pour s’enrichir, le dieu lui dira : « Je retirerai « de toi cette richesse » ; si c’est pour battre les autres, le dieu en fin de compte le réduira à l’impuissance. Ne mets pas la crainte devant les hommes, car telle est la volonté du dieu. Préserve-leur la vie dans la paix et tu obtiendras qu’ils te donnent volontiers ce que tu serais obligé de leur prendre par la menace [...]. Que l’amour que tu ressens passe dans le coeur de ceux qui t’aiment, fais que les hommes soient aimants et obéissants. »
(Ptahhotep.) La miséricorde est fait banal en Égypte ancienne, avec cette profession de foi indéfiniment répétée :
« J’ai donné du pain à celui qui avait faim, j’ai donné de l’eau à celui qui avait soif, j’ai donné des vêtements à celui qui était nu... » Société nouvelle, mais civilisation déjà vieille et raffinée.
Les pays étrangers
(khasout) la politique
extérieure
Pays jouxtant l’Asie, tendu de
l’Afrique à la future Europe, l’Égypte de l’Ancien Empire n’avait pas de frontières politiques, mais des frontières naturelles : la mer Méditerranée, une zone de déserts à l’est et à l’ouest, les cataractes du Nil au sud (peu à peu franchies).
La civilisation impériale (mais non encore impérialiste) a une double vocation, comme ses terres : l’agriculture, la plus ancienne, mais aussi le commerce et les échanges, vers lesquels l’attirent les villes de la côte depuis les débuts de l’histoire.
L’armée, formée alors de milices locales recrutées selon les besoins par les monarques et placées sous leur contrôle (mis à part le petit corps de police permanent directement rattaché à l’autorité royale), était un moyen d’expéditions commerciales beaucoup plus que de conquêtes : infanterie essentiellement, armée de la fronde et de
l’arc.
Pour les rois de l’Ancien Empire, qui voulaient seulement accroître leurs ressources par le commerce, trois directions essentielles :
— Vers le sud, la Nubie, en quête d’or et de pierres précieuses, de plumes d’autruche, d’ivoire et d’ébène ; sous le roi Djer (Ire dynastie), il semble que des expéditions égyptiennes aient atteint la deuxième cataracte (Ouadi-Halfa) ; le long des pistes, des graffiti témoignent de ces marches. Sous la Ve dynastie, ce point fut même dépassé ;
— À l’est, vers le Sinaï et le pays de Pount (Somalie) par la mer Rouge ; le roi Snefrou (IVe dynastie), le premier, semble-t-il, envoya d’importantes missions royales vers les mines de cuivre.
Des allusions, dans les textes, à des ex-péditions vers Pount, riche en produits précieux : myrrhe, électrum, encens ;
— Au nord-est, il semble que, dès la Ve dynastie, Byblos, le grand port phénicien, reconnut la suzeraineté de l’Égypte ; le roi Ounas est représenté en effet, dans le temple de la ville, embrassé par la « Dame de Byblos », figurée comme une déesse Hathor ; et le plus ancien acte de Byblos connu est écrit en hiéroglyphes. Cette intervention est évidemment dictée par des motifs économiques (assurer un dé-
bouché précieux aux villes du Delta), certainement plus importants encore, à cette époque, que l’intérêt militaire et politique qu’avait l’Égypte à surveiller ses accès asiatiques. Il semble que la Ve dynastie ait également étendu le protectorat pharaonique sur l’intérieur du pays ; les bas-reliefs de la tombe d’Inti à Dechacheh content l’expédition qui amena la prise de la ville de Nedia sur le territoire de la future Palestine (la Palestine existe à partir de la XIXe dynastie égyptienne [Nouvel Empire]) : une garnison égyptienne y fut vraisemblablement installée pour assurer la garde de l’importante voie commerciale qui reliait la côte « syrienne » à la mer Rouge et à l’Arabie.