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çait à transgresser le principe initial du travail au marteau : éludant les difficultés de la rétreinte, elle adoptait le coulage en moule, « réparé » au ciselet.

Henri Auguste, entrant dans la carrière, y trouvait établie cette conception commode qui, pourtant, faisait de l’or-fèvre un fabricant. Recevant, dès son accession à la maîtrise, d’importantes commandes, il les traita dans le goût sévère et monumental que le formalisme « Empire » codifiera, témoin sa soupière d’argent de 1789, dont celle qu’offrira la Ville de Paris à Napoléon, à l’occasion de son sacre, apparaît comme une réplique.

Auguste appliqua délibérément les techniques nouvelles. Il fut le premier à poser à froid, par écrous et vis, les

« accompagnements » des pièces : anses, versoirs et becs. Ces procédés permettaient des amplifications dimensionnelles auxquelles ne pouvait son-

ger l’orfèvre de tradition. Il put, de la sorte, réaliser des ouvrages tels que la toilette de l’impératrice et la garniture d’autel qu’offrit Napoléon à l’église de Saint-Denis en 1806. L’effet général en est solennel, mais les ornements appliqués sur le corps des pièces apparaissent comme étrangers.

La société n’en approuvait pas

moins la volonté de renouvellement dont témoignaient ces orfèvreries, qui manifestaient dans leur domaine la rénovation industrielle que stimulaient l’Empereur et son entourage. Auguste, à l’exposition de 1806, présenta des ouvrages façonnés par estampage. Au travail du marteau, voire au coulage en moule, il substituait l’emboutissage par le « mouton », c’est-à-dire au moyen d’une presse mécanique. Bientôt, il adoptera le tour au pied. L’orfèvrerie n’est plus un art, mais un métier, qu’Auguste, par ses talents mêmes, a contribué à détourner de ses traditions.

Le maître s’éteignit peu après 1816.

G. J.

▶ Argenterie / Orfèvrerie.

Augustin (saint)

Évêque d’Hippone, Père de l’Église latine (Tagaste [auj. Souk-Ahras] 354 -

Hippone 430).

Cet homme, à la fois philosophe, théologien, pasteur et, pourrait-on dire, poète, est placé à l’un des « seuils »

les plus étonnants de l’histoire des hommes. Derrière lui : la Rome antique, le monde ancien, païen encore sous le manteau chrétien. En 380, alors qu’Augustin a vingt-six ans, Théodose, que Gratien vient d’associer à l’Empire, édicte, à Thessalonique, que tous les peuples à lui soumis doivent « se rallier à la foi transmise aux Romains par l’apôtre Pierre ». Mais, la même année, Théodose doit abandonner la Pannonie aux Ostrogoths et établir les Wisigoths au sud du Danube ; en 392, Eugène usurpe le pouvoir impé-

rial, mais c’est avec l’appui des soldats germains. En 397, les Wisigoths sont dans l’Illyricum, ces mêmes Wisigoths qui, en 410, s’emparent de Rome, alors

que les Vandales passent en Espagne et de là en Afrique. Augustin mourant les entendra battre les murs assiégés de sa ville épiscopale.

La vie d’Augustin s’écoule ainsi au rythme des catastrophes, mais l’espé-

rance chrétienne, unie à une vue très haute de l’histoire, lui permet de voir grandir, au-delà de l’immédiat désespéré, un monde nouveau voué à une vocation surnaturelle. La conscience, chez Augustin, du drame présent et de l’exaltation future de l’humanité se retrouve dans l’admirable Cité de Dieu, qui demeure, selon l’expression d’Henri Marrou, « le traité fondamental de la théologie chrétienne de l’Histoire ».

La vie de saint Augustin

Le temps du désordre

C’est dans une petite ville de Numidie que naît Augustin, le 13 novembre 354. Ce Romain d’Afrique appartient à l’une de ces familles provinciales qui, en 212, ont obtenu le droit de cité à la suite d’un édit libérateur de Caracalla. Romain, Augustin le sera tout entier par sa formation et sa tournure d’esprit ; l’Afrique, ce sera surtout la vénérable Église d’Afrique, portion la plus vivante de l’Église romaine. Son père, Patricius, est un petit fonctionnaire de la classe des curiales qui fait d’énormes sacrifices pour assurer à son fils une position sociale supérieure à la sienne. La formation intellectuelle d’Augustin — à Madaure puis à Carthage — est essentiellement latine ; sous la plume du docteur de l’Église, plus tard, les références aux meilleurs écrivains latins seront spontanées et continuelles.

Par ailleurs, si le jeune Augustin assimile parfaitement les méthodes et le processus de la rhétorique, il fré-

quente, un peu en autodidacte, mais avec passion, les philosophes latins, et aussi les grecs, dans le texte latin il est vrai ; car Augustin n’a pas été un helléniste, et c’est probablement le défaut d’assimilation directe de la culture et de la patrologie grecques qui a fait une partie de l’originalité de la pensée augustinienne.

Le père d’Augustin est païen ; sa mère, Monique, est chrétienne. Inscrit parmi les catéchumènes dès le début de son existence, il ne reçoit pas le baptême : il en est très souvent ainsi dans la primitive Église. On songe à le baptiser quand, vers sa douzième année, une maladie grave met ses jours en péril ; puis on n’en parle plus. Lui-même ne se presse pas ; mal surveillé par ses parents, livré à lui-même sous l’ardent ciel d’Afrique, Augustin semble avoir été emporté très jeune par l’ardeur des passions ; les aventures sensuelles ont certainement été nombreuses dans sa vie, à Carthage notamment, où ce bel étudiant aura un fils, Adéodat (né en 372), d’une jeune maîtresse à qui il restera lié durant quatorze ans.

Cependant, les liens charnels

laissent intacte chez Augustin la quête de la vérité. Il est vrai qu’une formation religieuse insuffisante et les orages de la vie sentimentale brouil-leront longtemps les pistes de cet itinéraire. C’est la méditation ardente de l’Hortensius de Cicéron qui entretient en lui un désir que, d’abord, la lecture de la Bible n’assouvit pas ; l’Écriture sainte semble à Augustin ne pouvoir satisfaire que les esprits simples et bornés. Hanté, comme beaucoup, par le problème du mal, il est gagné par le manichéisme, qui lui apparaît comme une forme supérieure du christianisme.

Ses études terminées, le jeune rhé-

toricien ouvre à Tagaste, à l’automne de 373, une école de grammaire. La vie dans sa ville natale lui est tout de suite intolérable : son père est mort chrétien ; sa mère le poursuit de ses objurgations à briser avec le désordre et le manichéisme ; un ami cher lui est enlevé par la mort. Dès 374, Augustin s’installe à Carthage et y enseigne la rhétorique : il y reste neuf ans, déçu semble-t-il par son enseignement et se détachant lentement de la doctrine manichéenne.

Vers la conversion

Des relations lui permettent d’établir sa chaire d’éloquence à Rome (383), puis à Milan (384), où le suit sa mère, et où il devient orateur officiel. C’est à Milan que la grâce l’attend ; mais il

faudra deux ans de lutte pour qu’elle puisse s’engouffrer dans cette âme inquiète. Des conversations qu’il a eues, à la veille de son départ pour l’Italie, downloadModeText.vue.download 554 sur 561

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2

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avec le grand homme des manichéens, Fauste de Milève, l’ont un peu plus éloigné de la doctrine de Manès. La lecture, à Milan, de Platon et surtout de Plotin et de Porphyre le projette au coeur de la philosophie néo-platonicienne, dont le christianisme milanais est imprégné ; c’est à la fois, dans l’âme d’Augustin, un émerveillement et un déblaiement auxquels concourt la prédication de l’évêque de Milan, Ambroise*. Le monde spirituel, le monde des mystères s’ouvre aux yeux d’Augustin.

Tandis que l’Évangile lui révèle les deux grandes vérités inconnues des platoniciens — le Christ sauveur et la grâce qui donne la victoire —, les prières de Monique et des entretiens avec le futur successeur d’Ambroise, Simplicianus, qui lui raconte la conversion d’un célèbre rhéteur néo-platonicien, préparent la voie à la grâce. Celle-ci terrasse Augustin, en août 386, dans le jardin de sa maison de Milan, où il médite près de son ami Alypius. Une voix d’enfant lui dit : « Tolle ! lege ! »