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Au fil des ans, la querelle a changé de visage ; les Anciens perdent un à un leurs appuis les plus prestigieux, les plus grandes figures de l’âge classique, Racine, La Fontaine, La Bruyère, Bossuet ; Boileau, leur chef, une fois mort, des poètes comme Jean-Baptiste Rousseau (1671-1741) ou Louis Racine (1692-1763), une érudite comme Mme Dacier (1647-1720), un journaliste comme l’abbé Pierre Desfontaines (1685-1745) ne sauraient remplir dignement leur place. L’audience des Modernes s’agrandit au contraire.

Antoine Houdar de La Motte (1672-1731), élu à l’Académie en 1710, est plus que Charles Perrault (1628-1703) un auteur à succès. La caution de Fontenelle vaut plus en 1720 qu’en 1690.

Les changements dans le cadre social de la vie littéraire semblent jouer aussi en faveur des Modernes. C’est au café que La Motte tient séance tous les jours. Le salon de Mme de Lambert et surtout celui de Mme de Tencin sont actifs en faveur du parti moderne.

L’épisode central

(1687-1694)

À l’Académie, le 27 janvier 1687, Boileau se scandalise publiquement en écoutant lire un poème de Ch. Perrault, le Siècle de Louis le Grand, où les contemporains sont mis au-dessus des gloires antiques. Les écrits polémiques se succèdent pendant sept ans, allant de l’épigramme au traité. Des éclats se produisent, en 1693 notamment, lors de la réception de La Bruyère à l’Académie : les Modernes voient dans son discours de remerciement un affront pour eux autant qu’un outrage à la mémoire du Grand Corneille, dont la cause posthume se trouve largement liée à la leur (il y a à cela plusieurs raisons, dont la plus apparente, mais non la plus intéressante, est que Thomas, le frère du Grand Corneille, et Fontenelle, son neveu, sont parmi les premiers du parti). Entre Perrault et Boileau une réconciliation de pure forme a lieu en août 1694, sous les auspices du Grand Arnauld. La querelle devient moins voyante.

Les débats annexes

La querelle du merveilleux

Depuis le milieu du siècle, on a renouvelé l’épopée en puisant sa matière dans l’histoire des temps chrétiens et en substituant les miracles (le merveilleux chrétien) aux prodiges de la tradition épique. C’était à la fois s’affranchir de l’imitation des Anciens et alarmer une certaine piété. Jean Des-marets de Saint-Sorlin (1595-1676) réédite son Clovis (1673) avec une pré-

face qui retourne contre ses détracteurs le grief d’impiété. Boileau se saisit de la question et remanie en conséquence le chant III de son Art poétique, qui est près de paraître.

La querelle de l’harmonie

Elle paraît prendre forme vers 1709, date d’un Discours de La Motte sur la poésie. Les Modernes, au nom de la raison, proclament la supériorité de la prose sur la poésie, le pouvoir expressif des sons et du nombre étant nié ou déprécié. Long débat qui intéressera particulièrement le théâtre : possibilité d’une tragédie en prose, prééminence de la représentation sur le texte

théâtral.

La querelle d’Homère

En 1714, La Motte, qui ignore le grec, publie une Iliade en vers fran-

çais, réduite de vingt-quatre à douze chants et purgée de la grossièreté des premiers âges. Riposte très polémique downloadModeText.vue.download 59 sur 561

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2

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de Mme Dacier, savante traductrice d’Homère. Par contraste, la courtoisie que La Motte met dans sa réplique est remarquée.

La querelle néologique

Sous le nom de néologie, les Anciens attaquent dans les années 20 les audaces de style qui perpétuaient chez La Motte, Fontenelle et leurs amis une variété de préciosité ; Marivaux est une de leur cibles, qui ne craint pas d’affirmer que des pensées neuves demandent un langage nouveau.

Intérêt historique

de la querelle

On s’accorde à penser que le motif central de la querelle est le type du problème mal posé. L’intérêt historique de la querelle tient d’abord à ce qu’elle dénote la fragilité interne de la doctrine classique. Celle-ci ne pouvait pas concilier longtemps une inspiration rationaliste avec la vénération des Anciens. Ensuite, la querelle fait apercevoir une dualité idéologique profonde, car aux oppositions d’ordre littéraire qui ont fourni leur étiquette aux deux partis, on en voit s’ajouter de différents ordres, qui se superposent aux premières. Intellectuellement, les Anciens s’opposent aux Modernes

comme des humanistes à des scientifiques. Sur le plan philosophique, si un certain rationalisme est commun aux deux partis, les Modernes ont en propre la hardiesse avec laquelle ils critiquent l’autorité ; et ils formulent l’idée de progrès en véritables devanciers des philosophes. On remarque aussi que si les Anciens sont des car-

tésiens, leurs adversaires sont sensibles à l’influence de Malebranche. En religion, coïncidence à peu près sans faille entre l’appartenance ancienne et des penchants jansénistes ou du moins gal-licans ; symétriquement, connivence certaine entre Jésuites et Modernes. Du point de vue moral, les Anciens ont le goût du sérieux et se scandalisent volontiers. L’enjouement, la mondanité, l’indulgence, la courtoisie à l’égard de l’adversaire sont des valeurs dont les Modernes sont unanimes à se réclamer. Celles-ci sont bien illustrées par le Mercure galant, mensuel littéraire à l’usage des gens du monde, qui appartient au parti moderne. À l’égard des femmes, l’opposition des deux partis fut aussi significative. Les Modernes furent leurs partisans décidés. Derrière un « art poétique » se profilait une certaine idée de l’homme.

J.-P. K.

B A. Adam, Histoire de la littérature fran-

çaise au XVIIe s. (Domat, 1949-1956 ; 5 vol.). /

F. Deloffre, Marivaux et le marivaudage (Les Belles Lettres, 1955). / R. Bray, la Formation de la doctrine classique en France (Nizet, 1956). /

P. Clarac, Boileau (Hatier, 1965).

Andalousie

En esp. ANDALUCÍA, région de l’Espagne méridionale.

L’Andalousie est un ensemble de

huit provinces (Almería, Cadix, Cordoue, Grenade, Huelva, Jaén, Málaga et Séville ; 87 000 km 2 ; 5 971 000 hab.

[Andalous]), doué d’une forte originalité. Tous les voyageurs ont décrit ses paysages riants, la douceur de son climat, les splendeurs de son passé prestigieux, la chaleur de son peuple, dont les chants et les danses ont conquis une place de choix dans le folklore mondial. Pourtant, si enchanteresse qu’elle paraisse, cette région est l’une des plus pauvres d’Espagne : une masse misé-

rable de journaliers agricoles se dispute le travail de la terre, qui appartient à une minorité de grands propriétaires ; le chômage est chronique ; les grèves et les révoltes jalonnent son histoire.

Les ensembles

régionaux

Le bassin du Guadalquivir Vaste dépression triangulaire s’ouvrant sur l’Atlantique, barrée au nord par la sombre masse de la sierra Morena et dominée au sud par les falaises calcaires blanchâtres des premiers contreforts des cordillères Bétiques, le bassin du Guadalquivir constitue le coeur de l’Andalousie. Les sédiments essentiellement marneux qui s’y sont accumulés au Tertiaire ont été modelés en un fouillis de collines que dominent la Loma d’Ubeda à l’est et les Alcores et l’Aljarafe aux abords de Séville.

Repoussé vers le nord, le Guadalquivir étale sur sa rive gauche des niveaux de terrasses étagées. L’ouverture sur l’Atlantique facilite la pénétration des influences océaniques : si l’été est sec et torride (maximums supérieurs à 45 °C), pendant le tiède hiver les perturbations remontent la vallée et déversent des pluies non négligeables (600 mm dans la région cordouane).

Aussi, la mise en valeur de cette région fut-elle précoce. Dès l’époque romaine, les traits essentiels de la vie rurale étaient acquis : blé et olivier se partageaient le sol. L’olivier occupe les sols bien drainés (terrasses, Alcores, Aljarafe, piémont des cordillères Bétiques), et le blé les terres lourdes, les plus fertiles. Près de Montilla, les sols calcaires sont plantés de vigne.