La colonisation arabe
En 711 le Berbère Ṭāriq ibn Ziyād bat le dernier roi des Goths, Rodrigue, près du Guadalete (ou dans la lagune de La Janda, selon d’autres sources) ; la région passe ainsi aux mains des Arabes, de même que l’Espagne tout entière sept ans plus tard. Cordoue devient la capitale d’un émirat, puis d’un califat extrêmement important et l’un des centres les plus brillants de la culture musulmane en Occident. ‘Abd al-Raḥmān Ier, Omeyyade exilé et émir de 756 à 788, rompt les liens qui unissaient l’Espagne au califat ‘abbāsside.
Puis ‘Abd al-Raḥmān III* (912-961) se proclame calife en 929, et Cordoue fait régner son autorité sur tout al-Andalus.
Ses principaux successeurs sont : al-
Ḥakam II (961-976), Hichām II (976-1009) et Hichām III (1027) ; celui-ci est détrôné en 1031, ce qui provoque le morcellement de ce territoire en
« taifas* », ou principautés gouvernées par des roitelets. C’est sous le règne d’al-Ḥakam II, dont il est le grand cadi, et de Hichām II, dont il est le ministre tout-puissant, qu’apparaît Muḥammad ibn Abī ‘Āmir, le futur al-ManṢūr (1002), véritable Hannibal musulman, fléau de l’Espagne chrétienne.
Une fois le califat divisé en plus de vingt principautés, les chrétiens reprennent de plus en plus de terrain malgré les contre-attaques des Almoravides* et des Almohades*. Le personnage le plus attachant de cette période est sans doute Muhammad al-Mu‘tamid, roi de Séville de 1069 à 1095, fils et successeur d’al-Mu‘taḍid, de la dynastie des ‘Abbādides*. Il conquiert plusieurs villes et demande l’aide de l’Almoravide Yūsuf ibn Tāchfīn pour
lutter contre Alphonse VI de Castille, que Yūsuf bat à Zalaca (ou Sagrajas) en 1086. Mais Yūsuf le trahit, et al-Mu‘tamid, le roi poète, « le nouveau David », est battu par le « Goliath »
africain, qui, s’emparant de Séville, le fait enchaîner près de l’Atlas, à Ārhmāt, au sud de Marrakech.
La Reconquista*
La victoire almoravide n’est que de courte durée, d’autant plus que les souverains de Castille (Alphonse VIII), d’Aragon (Pierre II) et de Navarre (Sanche VII) donnent un nouvel élan à la Reconquista en écrasant les musulmans près de Jaén, à la bataille de Las Navas de Tolosa (1212). La Reconquista avance alors à grands pas ; cependant, les chrétiens ne viennent à bout du petit royaume de Grenade*
qu’en 1492. Les musulmans qui se maintiennent dans ces zones sont qualifiés de « mudéjars ».
L’Andalousie a donc été soumise
pendant huit siècles à l’influence de l’islām, et l’on ne saurait nier l’essor que celui-ci lui a donné notamment dans le domaine agricole (introduction de la culture de nouveaux fruits et de méthodes jusqu’alors inconnues). On assista aussi, grâce à l’islām, au développement de la vie urbaine, à laquelle participèrent de nombreux artisans, qui travaillaient le cuir, les métaux, le bois, la céramique, la laine et la soie, et de nombreux commerçants, subordonnés à une administration municipale pré-
cise et complexe. Partout resplendit l’art musulman et s’épanouit la vie intellectuelle. ℚu’on se souvienne d’Abū
Muhammad ‘Alī ibn Ḥazm de Cor-
doue (994-1064), auteur du Collier de la colombe, célèbre traité de l’amour platonique empreint d’une grande fraî-
cheur, d’Averroès* (1126-1198) et de Maimonide* (1135-1204).
Les « capitulaciones » de Santa Fe, qui marquèrent la fin de la Reconquista avec la prise de Grenade en 1492, reconnurent aux musulmans le droit de conserver le culte mahométan et la loi du Prophète.
Le problème
des morisques
Cependant, le cardinal Cisneros*, en désaccord avec l’excellente politique du comte de Tendilla, gouverneur militaire de Grenade, et du frère Her-nando de Talavera, premier évêque de la ville, veut obliger les mudéjars de Grenade à se convertir. Cette mesure provoque le mécontentement des Maures, qui tentent tout d’abord de se soulever (1500). Mais, après s’être heurtés aux troupes du roi Ferdinand le Catholique, ils décident de se soumettre ; en 1501 se produit un nouveau soulèvement, plus violent. Le roi veut tout d’abord se montrer clément, mais, sur le conseil de Cisneros, il finit par contraindre tous les mudéjars de Castille et de León à choisir entre l’expulsion et la conversion au christianisme.
La plupart d’entre eux optent pour la seconde solution ; à partir de ce moment-là, ils sont considérés comme des « morisques » et constituent l’une des couches les plus importantes de la société andalouse. Ils perfectionnent le système romain d’irrigation qui leur a été transmis par les « mozarabes » et introduisent dans la langue castillane un grand nombre de termes d’origine arabe.
Malgré les efforts de Philippe II, qui interdit la langue arabe et tente de faire disparaître les coutumes des anciens envahisseurs, l’assimilation et la conversion des morisques ne sont qu’apparentes (nouvelle insurrection de Grenade et des Alpujarras en 1568) ; aussi Philippe III décide-t-il de chasser ces derniers hors d’Espagne, ce qui entraîne de graves conséquences pour l’économie espagnole. En Andalousie même, ces répercussions se font beaucoup moins sentir, car le sud du pays est particulièrement prospère depuis la découverte de l’Amérique (1492) par Christophe Colomb, qui a choisi Palos (Huelva) comme port de départ. Séville jouit alors du monopole du commerce avec les nouvelles colonies, monopole qui en fait la ville la plus importante et la plus riche de la Péninsule.
Du XVIIe siècle à nos jours
En 1641 se produit la « conspiration d’Andalousie », soulèvement de nobles qui profitent du mécontentement géné-
ral de la nation pour essayer de faire
triompher des idées séparatistes : il s’agit de faire de l’Andalousie un royaume indépendant gouverné par Gaspar Alonso Pérez de Guzmán (†
1664), duc de Medinasidonia. Le complot échoue.
À la fin du XVIIIe s., le Péruvien Pablo de Olavide y Jáuregui (1725-1803) essaie vainement d’installer en Andalousie six mille colons d’origine allemande et flamande.
Pendant la guerre d’Indépendance, l’Andalousie est l’un des centres de résistance les plus acharnés aux Fran-
çais, aussi bien au point de vue militaire, comme le prouve la bataille de Bailén (1808), qu’au point de vue politique, comme le montrent les « Cortes de Cadix » (1810). C’est Cánovas del Castillo (1828-1899), originaire de Málaga, qui rédige le célèbre « manifeste de Manzanares », qui débouche sur la restauration, en vue de l’établissement d’une monarchie moderne.
L’un de ses camarades d’université, Emilio Castelar (1832-1899), né à Cadix, est de tendance politique plus li-bérale, ce qui l’amène à prendre part au mouvement révolutionnaire de 1866. Il doit s’exiler à Paris ; à son retour, il s’oppose à la candidature d’Amédée de Savoie au trône d’Espagne. Castelar est l’un des fondateurs de la Ire République (11 févr. 1873). On lui doit l’abolition de l’esclavage à Porto Rico et des ordres militaires traditionnels d’Alcántara, de Santiago, de Calatrava et de Montesa. Mais la dégradation sociale fait échouer sa politique de réformes.
La différence existant entre la classe possédante et le peuple, misérable, fait naître en Andalousie un brigandage endémique, essentiellement dans les zones les plus déshéritées de la sierra Morena.
Vers 1870 apparaissent en Andalousie les premiers groupes anarchistes.
En deux ans, ce mouvement prend
beaucoup d’ampleur.
Au XXe s., l’Andalousie connaît toute une série de réformes d’ordre social et économique. Les paysans anarchistes les jugent insuffisantes et, sous la dictature de Primo de Rivera, pourtant un