L’industrialisation a perdu le paradis, dissocié la sensibilité et transformé
les hommes en monstres mécaniques.
Anderson décrit des « âmes provinciales » quittant la campagne pour faire carrière à Chicago, où elles ne trouvent qu’une vie dégradée, une sorte de mort vivante (« Bouteilles de lait »). Des nouvelles comme « l’OEuf » ou « Je suis un imbécile » sont les meilleurs exemples de la dénonciation du mythe de la « réussite » qui ne débouche que sur l’amertume. Des nouvelles comme
« Je voudrais savoir pourquoi » ou
« L’homme qui devint femme » sont caractéristiques de ce talent ironique et nostalgique, de cet humour triste et touchant : les hommes sont perdus, tandis que les chevaux représentent la perfection de l’état de nature (Horses and Men, 1923). Seuls les Noirs sont peut-être encore capables de spontanéité naturelle (Dark Laughter, 1925).
Ce drame de la déshumanisation,
Sherwood Anderson l’avait vécu lui-même. Ses romans (Many Marriages, 1923 ; Dark Laughter, 1925) drama-tisent son expérience personnelle. Né dans un milieu très pauvre, ruiné par la mécanisation (son père était artisan, fabricant de harnais pour chevaux), Anderson fut tour à tour fermier, livreur, palefrenier, débardeur avant de réussir dans la publicité et la vente par correspondance. Brusquement, à trente-six ans, il abandonna affaires, femme et enfants pour écrire et bourlinguer. Il avait réalisé que la « réussite » détrui-sait en lui l’homme. Il s’en explique dans un article qui symbolise pour une génération d’intellectuels américains la rébellion contre les valeurs maté-
rialistes d’une société dominée par l’argent : How I left Business for Literature (1924). Ce retour à la nature et cette quête de l’art salvateur s’inscrivent dans la tradition anarchiste américaine, qui, de Thoreau à Henry Miller, est toujours en quête d’amour et d’une communauté idéale où fuir Metropolis.
En 1917 déjà, dans un curieux roman social, Marching Men, Anderson dé-
nonçait la puissance de coercition et de destruction d’une Amérique embrigadée par une organisation totalitaire qui préfigure étrangement le fascisme.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2
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Sherwood Anderson n’a pas le
souffle d’un Dreiser, mais, héritier de la tradition réaliste américaine, il l’a transformée pour devenir sans conteste l’ancêtre de l’ « âge du roman américain », comme l’écrit Faulkner : « Anderson était le père de la génération d’écrivains à laquelle j’appartiens. Il incarne la tradition littéraire que nos successeurs poursuivront. Il n’a jamais été estimé à sa juste valeur. »
J. C.
▶ États-Unis / Nouvelle / Stein (Gertrude).
Anderson
(Carl David)
Physicien américain (New York 1905).
Anderson fait ses études à l’institut de technologie de Californie, à Pasadena ; il y obtient en 1939 une chaire dans la division de physique, mathématiques et astronomie. Toute son activité de chercheur est essentiellement consacrée à l’étude des rayons gamma et du rayonnement cosmique.
L’étude des rayons cosmiques, en vue de laquelle il participe à plusieurs ascensions stratosphériques, aboutit en 1932 à la découverte de l’électron positif ; cette découverte confirme la théorie de l’Anglais Dirac, qui avait postulé l’existence de cette particule, et vaut à son auteur le prix Nobel de physique pour 1936, à l’âge de trente et un ans.
Il faut noter qu’à cette époque on ne connaît que deux particules élé-
mentaires, l’électron négatif, de masse extrêmement petite, et le proton, notablement plus massif, mais électrisé positivement. Pour étudier le comportement des corpuscules cosmiques à leur traversée de la matière, Anderson utilise une grande chambre de Wilson à axe horizontal et place une lame de plomb formant écran au milieu de cette chambre ; il y fait aussi régner un champ magnétique intense, qui atteint une dizaine de milliers de gauss. Parmi les nombreux clichés ne montrant que des images classiques, il en découvre un qui retient aussitôt son attention : on y observe la trajectoire en arc de
cercle d’une particule, dont la courbure est différente au-dessus et au-dessous de l’écran. Le sens de parcours de la particule est manifeste, puisque celle-ci ne peut que perdre de l’énergie en traversant le plomb. Mais le champ magnétique incurve sa trajectoire vers la gauche, alors qu’un électron eût été dévié vers la droite. D’autre part, la finesse de la trajectoire exclut la possibilité d’un corpuscule aussi lourd que le proton ; il ne peut, en conséquence, s’agir que d’un électron positif.
Par la suite, Anderson et bien
d’autres, notamment Blackett*, Giuseppe Occhialini (né en 1907) et, en France, les époux Joliot-Curie*, observent la naissance de ce positon en même temps que celle d’un électron négatif. La production d’une telle paire correspond à la disparition d’un photon gamma. Et l’on est fondé à penser que le rayon gamma, immatériel, s’est matérialisé en deux particules de charges opposées, conformément à la formule d’équivalence de la masse et de l’énergie.
Cette même technique d’emploi
des chambres de Wilson va, en 1937, donner à Anderson et à Seth Henry Neddermeyer (né en 1907) l’occasion d’une deuxième découverte dans la composante pénétrante du rayonnement cosmique : il s’agit de celle du méson μ. L’existence de cet « électron lourd » avait été prévue quelques an-nées plus tôt par le Japonais Yukawa, qui voyait dans cette particule l’agent de cohésion du noyau de l’atome.
R. T.
Andes
Chaîne de montagnes de la partie occidentale de l’Amérique du Sud, du nord du Venezuela au détroit de Magellan.
Les Andes constituent un immense complexe montagneux dressant une barrière continue sur une longueur de près de 7 500 km.
Pourvues de climats variés, résultant de différences d’altitude et surtout de latitude, elles ont été, au moins dans leur partie centrale, le cadre de civili-
sations indiennes, précédant la pénétration espagnole.
Ces civilisations traditionnelles, confrontées avec l’époque coloniale, puis avec le monde moderne, n’ont pas pu s’adapter et peuvent être considé-
rées comme une des causes du sous-développement des Andes. Pourtant, l’occupation humaine présente d’importants contrastes.
Quelques points privilégiés,
quelques villes revêtent un aspect moderne par leurs constructions, leurs fonctions, leurs universités, tandis que les hauts bassins, les hautes vallées n’offrent encore qu’un habitat primitif, qui abrite un groupe humain analphabète et pratiquant une agriculture dont les méthodes n’ont guère varié depuis des siècles.
La division politique a fixé la répartition du complexe montagneux entre un certain nombre d’États. Ceux-ci, en général, possèdent non seulement la partie andine, à vrai dire la plus peuplée, mais également des plaines littorales à l’ouest et une partie des grandes plaines intérieures en contrebas des Andes à l’est.
Un immense complexe
montagneux
au climat varié
Le relief
L’architecture du relief s’organise autour de longs alignements de chaînes et de crêtes plus ou moins parallèles à la côte, formant un bourrelet continu entre le Pacifique et le reste de l’Amé-
rique du Sud. Ces longues chaînes sont séparées par des éléments de hautes terres plus ou moins planes ou par des vallées plus ou moins profondes. Les plus hauts sommets sont formés non pas par ces longues crêtes, mais par des reliefs surimposés, dus à des volcans : c’est ainsi que l’Aconcagua approche 7 000 m et que plusieurs autres volcans dépassent 6 000 m.
On peut diviser les Andes en trois grandes zones distinctes : les Andes septentrionales, les Andes centrales et les Andes méridionales.