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(Rio 40 graus, 1955) et Rio zone Nord (Rio zona norte, 1957), annonce déjà le « cinema nôvo » par un engage-

ment socio-politique qui dépasse le cadre strict du documentaire. Parmi les cinéastes en vue, certains comme Carlos Hugo Christensen, Alex Viany et surtout Wálter Hugo Khouri (né en 1919, à São Paulo) [Étrange Rencontre (Estranho Encontro, 1958) ; Aux frontières de l’enfer (Fronteiras do inferno, 1959) ; le Gouffre du diable (Na Gar-ganta do Diabo, 1960)] sont influencés par le cinéma moderne européen.

D’autres comme Roberto Santos (le Grand Moment [O Grande Momento,

1958]) suivent une autre voie : cette voie empruntée par quelques francs-ti-reurs avant 1962 sera celle du « cinema nôvo » qui milite dès son avènement pour filmer la véritable expression de la culture brésilienne, refusant toute imitation d’autres formes cinématographiques. Cette éclosion d’un mouvement profondément original fait suite à l’apparition, dans certains pays du monde, d’une « nouvelle vague ». Mais le « cinema nôvo » brésilien a d’autres ambitions. Il se propose à l’aide d’un réalisme résolument critique de démonter un à un les rouages d’une société chloroformée par une tradition tenace de fatalisme et de confusion-nisme. Prenant, tout d’abord, comme sujet de prédilection le Nordeste, la région la plus déshéritée du Brésil, il s’attaque ensuite à la misère des villes et aux diverses aliénations provoquées par l’injustice sociale, le fanatisme religieux ou le manque de stabilité des structures politiques du pays. Situé en marge des milieux officiels, le mouvement n’en est pas moins — ô paradoxe

— le seul à défendre avec honneur les couleurs de son pays dans les festivals internationaux.

Gláuber Rocha (né en 1938, à Vi-

tória da Conquista, Bahia) devient l’un des chefs de file du « cinema nôvo ».

Ses films sont accueillis avec grand in-térêt dans le monde entier (Barravento, 1961-62 ; le Dieu noir et le Diable blond [Deus e o Diabo na Terra do Sol, 1964] ; Terre en transe [Terra em transe, 1967] ; Antonio-das-Mortes, 1969 ; Le lion a sept têtes [Der leone have sept cabezas, 1970] ; Têtes coupées [Cabezas cortadas, 1970]). Mais Gláuber Rocha, s’il est l’un des porte-parole les plus doués de la nouvelle école, n’est pas seul. De nombreux

cinéastes, musiciens, poètes, sociologues s’affilient à une tendance qui évite tout dogmatisme et laisse libre cours au tempérament de chacun. Parmi les réalisateurs les plus incisifs il faut citer Nelson Pereira dos Santos (né en 1928, à São Paulo), père spirituel du mouvement : Sécheresse (Vidas secas, 1963), Fome de amor (1968), l’Aliéniste (Azyllo muito louco, 1970), Comme il était bon mon petit Français (Como é gostoso o meu Francés, 1970), l’Amulette (O Amuleto de Ogum, 1975) ; Joaquim Pedro de Andrade (né en 1932, à Rio de Janeiro) : Garrincha, alegria do povo (1963), le Prêtre et la jeune fille (O Padre e a moça, 1966), Macunaïma (1969), Guerre conjugale (1975) ; Ruy Guerra (né en 1931, à Lourenço Marques, Mozambique) : la Plage du désir (Os Cafajestes, 1962), les Fusils (Os Fuzís, 1964), Tendres Chasseurs (Sweet Hunters, 1969, tourné en Europe), les Dieux et les morts (Os Deuses e os mortos, 1970) ; Paulo César Saraceni (né en 1938, à Rio de Janeiro) : Pôrto de Caixas (1962), O

Desafio (1966) ; Carlos Diegues (né en 1940, à Vitória, Espírito Santo) : Ganga Zumba (1963), la Grande Ville (A Grande Cidade, 1966), les Héritiers (Os Herdeiros, 1969) ; Roberto Farias (né en 1932, à Nova Friburgo) : Forêt tragique (Selva trágica, 1964) ; Leon Hirzsman (né en 1937, à Rio de Janeiro) : la Morte (A Falecida, 1965) ; Roberto Santos (né en 1928, à São Paulo) : Matraga (A Hora e Vez de Augusto Matraga, 1966) ; les frères jumeaux José Renato et Geraldo Santos Pereira (nés en 1925, dans le Minas Gerais) : le Grand Sertão (Grande Sertão, 1965). Appartiennent également au

« cinema nôvo » : Luiz Sérgio Person (São Paulo SA, 1965), Wálter Lima ju-nior (l’Enfant de la plantation [Menino de engenho, 1965]), Gustavo Dahl, Ar-naldo Jabôr. Mais le « cinema nôvo »

n’est néanmoins qu’une tendance, sans doute la plus intéressante, aussi bien sur le plan artistique que sur le plan social, du « nouveau cinéma » brésilien.

En dehors de cette école, d’autres réalisateurs se sont fait connaître comme Anselmo Duarte (né en 1920, à Salto do Itú, São Paulo), Grand Prix du Festival de Cannes en 1962 avec la Parole donnée (O Pagador de promessas), ou W. H. Khouri : les Célibataires (Noite

Vazia, 1964), le Palais des anges (O

Palácio dos anjos, 1970), qui s’attache à décrire la bourgeoisie urbaine.

Dépassant le cadre du continent

latino-américain, le cinéma brésilien soutient avec vigueur cette tendance moderne, ou mieux moderniste, du jeune cinéma mondial, qui, cherchant à élargir les notions traditionnelles du spectacle cinématographique, met l’image au service d’une analyse critique de la société.

J.-L. P.

F. Silva Nobre, Pequeña Historia do cinema brasileiro (Rio de Janeiro, 1953). / F. A. Villela Netto, le Cinéma au Brésil (I. D. H. E. C., 1956).

/ A. Viany, Introduçao ao cinema brasileiro (Rio de Janeiro, 1959). / G. Rocha, Revisión crítica del cine brasileiro (La Havane, 1965). / M. Es-downloadModeText.vue.download 101 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

1780

tève (sous la dir. de), le « Cinéma nóvo » brésilien (Lettres modernes, 1972-73 ; 2 vol.).

Bresson (Robert)

Metteur en scène de cinéma français (Bromont-Lamothe, Puy-de-Dôme,

1907).

Robert Bresson répugne à don-

ner des détails précis sur son activité durant les années qui ont précédé le tournage des Anges du péché, en 1943 : il tient pour négligeable sa première passion pour la peinture de même que sa collaboration comme scénariste à divers films tournés avant la guerre. Le pittoresque n’a pour lui aucune valeur réelle, et notamment tous les éléments biographiques qui le rendraient prisonnier d’un « vedettariat » en contradiction flagrante avec ses aspirations les plus profondes. Secret et peu enclin au bavardage, Bresson a tenté au fil des années d’affermir sa foi à l’égard du « cinématographe » (c’est lui qui insiste sur ce terme désuet qu’il se plaît à opposer à son abréviation la plus usuelle pour mieux souligner l’importance qu’il attache à l’autonomie d’un art trop souvent considéré par certains

comme le pâle succédané de tous les autres).

Les débuts de Bresson se font sous la protection de la littérature : c’est Jean Giraudoux qui signe le dialogue des Anges du péché, et c’est Jean Cocteau qui accepte de rajeunir et de moderniser le conte de Diderot servant de toile de fond aux Dames du bois de Boulogne (1944).

Le public, qui a été conquis par le premier essai de Bresson, est totalement décontenancé par le second. L’in-succès commercial des Dames inquiète les producteurs, mais il ne peut refréner l’enthousiasme de quelques critiques.

André Bazin, par exemple, résume en une formule choc son admiration : « Il n’a fallu que le bruit d’un essuie-glace d’automobile sur un texte de Diderot pour en faire un dialogue racinien. »

Pour son troisième film, Bresson fait encore appel à un écrivain, Georges Bernanos. Le Journal d’un curé de campagne (1950, prix Louis Delluc), comme Mouchette tourné seize ans plus tard, suit de très près le texte écrit, et pourtant rien n’est plus éloigné de ce qu’on appelle communément une

« fidèle adaptation » qu’un film de Bresson.

Lorsque Bresson projette de tourner Un condamné à mort s’est échappé, il précise ses intentions : « Je désire tourner un film d’objets et un film d’âme : on verra donc essentiellement des mains et des regards. J’ai choisi mes acteurs pour leur ressemblance morale avec les personnages qu’ils incarnent. » Dans le cinéma français, Bresson commence à avoir une singulière réputation : on se bat avec des mots en isme pour tenter d’analyser sa démarche : jansénisme, absolutisme, mysticisme, ascétisme.