Après Pickpocket (1959), le Procès de Jeanne d’Arc (1962), Au hasard Balthazar (1965), Mouchette (1967), Une femme douce (1969) et Quatre Nuits d’un rêveur (1971), Lancelot du Lac (1973), le doute n’est plus permis : Bresson poursuit avec opiniâtreté une ligne de conduite de plus en plus éloignée des concessions habituelles à la profession.
Ce « maniaque du vrai » n’emploie plus d’acteurs professionnels depuis le Journal : il se méfie des comédiens formés dans le cadre rigide des conservatoires et préfère faire appel à des inconnus choisis dans divers milieux sociaux. Il a la réputation d’être un metteur en scène inflexible, dont les exigences sur le plateau sont célèbres.
Celles-ci concernent non seulement le jeu des acteurs, mais encore et surtout leur diction. Son parti pris de neutralité vocale n’est pas sans irriter ceux qui estiment qu’une recherche trop poussée dans ce domaine conduit imman-quablement à une absence regrettable de « naturel ».
Tous les films de Bresson sont les maillons d’une même chaîne. Ce sont avant tout des oeuvres « disciplinées », attentives aux imperceptibles mouvements révélateurs des visages saisis à l’instant précis de leur tension psychologique maximale et profondément respectueuses des moindres détails qui trahissent les sentiments d’un homme avec une vérité plus cruelle que mille explications verbales (importance donnée aux gestes et aux objets dans Un condamné à mort s’est échappé et dans Pickpocket). Il est possible que, au-delà du dépouillement bressonien, ce soit le silence. Mais il se peut aussi que la voie rigide qu’il a décidé de suivre soit la seule capable de rendre au cinéma son autonomie par rapport aux autres arts.
J.-L. P.
R. Briot, Robert Bresson (Éd. du Cerf, 1957).
/ J. Semolué, Bresson (Éd. universitaires, 1960).
/ M. Estève, Robert Bresson (Seghers, 1963).
/ R. Droguet, Robert Bresson (Serdoc, Lyon, 1967). / The Films of Robert Bresson (Londres, 1969).
Brest
Ch.-l. d’arrond. du Finistère ;
172 176 hab. (Brestois). Second centre urbain et industriel de la Bretagne (après Rennes), Brest est aussi un port militaire et de commerce, une ville universitaire.
Le site
La ville est située sur la rive nord d’une baie où débouchent l’Elorn et l’Aulne.
La rade de Brest forme un plan d’eau de 15 000 ha (dont 4 000 à plus de 12 m de profondeur) communiquant avec la mer par le Goulet, zone d’effondrement qui a créé deux passes profondes, de 2 kilomètres de large. Ce site, fort propice à l’établissement d’activités maritimes, est contrarié par une situation difficile : manque de liaison avec l’arrière-pays à caractère essentiellement rural et difficultés d’accessibilité. Ces caractères ont déterminé dès le XVIe s. la vocation militaire. La ville s’est installée sur les bords de la Penfeld, petite rivière encaissée perpendiculaire au littoral en son embouchure et dont l’estuaire profond et abrité était propice à l’installation d’un port.
Après la création de l’arsenal au XVIIe s., deux foyers d’habitations se développèrent de part et d’autre de la Penfeld : Brest à l’est (6 000 hab. en 1681) et Recouvrance à l’ouest, réunis en 1683 par l’enceinte de Vauban. Dans la seconde moitié du XIXe s.
(61 000 hab. en 1851), la ville déborda sur les trois communes voisines : Saint-Pierre-Quilbignon, Lambézellec et Saint-Marc, qui furent annexées après la Seconde Guerre mondiale.
Voisine de 125 000 habitants en 1914, l’agglomération comptait moins de 100 000 habitants en 1946 en raison des destructions de la guerre. Brest retrouva sa population d’avant guerre en 1954, et depuis celle-ci n’a cessé d’augmenter. La population de l’agglomération avoisinait 140 000 habitants en 1962, et approchait 200 000 en 1975. À l’excédent des naissances sur les décès s’ajoute, en effet, un assez fort mouvement migratoire.
M.-M. F.
L’histoire
Brest, au IIIe s., n’est qu’un camp retranché qu’elle restera longtemps. Au Xe s., le château appartient aux comtes de Léon. Hervé III le cède au duc de Bretagne Jean Ier en 1240.
La mort sans enfants du duc Jean III, en 1341, ouvre la guerre de succession entre la maison de Blois, soutenue par
la France, et celle de Montfort, alliée des Anglais. Dès le commencement des hostilités, Édouard III d’Angleterre s’empare du château de Brest, dont il fait une place si forte que Bertrand du Guesclin ne peut la prendre (1373). Le duc Jean IV le récupère en 1397. Les efforts de la duchesse Anne pour conserver Brest avec l’aide des Anglais (1489) n’empêchent point Charles VIII de s’en rendre maître. Le 30 juillet 1558, la bourgade de 3 000 âmes, downloadModeText.vue.download 102 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
1781
qui s’est groupée au pied du château, échappe à une nouvelle occupation anglaise. Mais déjà les rois de France
— maîtres de la Bretagne — songent à tirer parti de l’admirable position de Brest.
La rade offre dans la Penfeld un abri sûr dont Anglais et Espagnols essaient à plusieurs reprises de s’emparer durant les guerres de religion. Proté-
ger cette rade, la doter d’un arsenal, y implanter les éléments d’une puissance navale, c’est le programme que propose Richelieu devant l’Assemblée des notables (1631) et que Colbert fait exécuter par l’ingénieur Louis Nicolas de Clerville à partir de 1667. Sous Louis XIV, Brest voit successivement les amiraux Duquesne et Tourville y commander de vastes flottes. Vauban, à la tête de forces terrestres, repousse le débarquement anglais de 1694 à Camaret. À la fin du XVIIe s., un certain déclin s’amorce en raison de la pénurie financière. Entre 1713 et 1720, la Penfeld s’envase et la base périclite. Il faudra la guerre de 1744 pour relancer les travaux et voir de nouveau des armements navals appareiller de Brest contre les Anglais. À partir de 1765, Choiseul rénove la marine française, et c’est à Brest que se formeront les grandes flottes de la guerre d’Amérique entre 1778 et 1783. La Révolution à ses débuts connaît des troubles sérieux dans la marine, mais, en 1793, Jean Bon Saint-André y rétablit l’ordre, et le combat de juin 1794 montre que les Français ont encore bonne figure en face de la Royal Navy. En 1799, l’ami-
ral Bruix arme à Brest une flotte de plus de trente vaisseaux et appareille en dépit du sévère blocus anglais qui, jusqu’en 1805, sera pour la base atlantique une véritable calamité. La flotte de l’amiral Ganteaume (1755-1818) ne sortira pas lors de la mise à exécution du plan de 1805 pour rejoindre Villeneuve ; celui-ci ayant rallié Cadix, il ne sera plus question pour nos forces de se rassembler devant Boulogne pour seconder le passage de la flottille en Angleterre.
Brest se relève sous la Restauration et la monarchie de Juillet. En 1830, l’École navale s’installe à bord de l’Orion en rade ; sous le second Empire, le port voit s’accomplir le passage de la voile à la vapeur, et, en 1865, le chemin de fer relie Brest à Paris.
Entre 1871 et 1914, les constructions navales vont bon train, et, à partir de 1917, le rôle de Brest, où transiteront 600 000 soldats du général Pershing, sera déterminant dans l’afflux en Europe des troupes américaines. En 1923, le croiseur Duguay-Trouin y est lancé, marquant le départ de la Marine de G. Leygues, et c’est à Brest, où, en 1936, est inaugurée une nouvelle École navale, que sont achevés en 1937 et 1940 les cuirassés Dunkerque et Richelieu.
L’occupation de la ville par les Allemands le 10 juin 1940 est le début d’un calvaire qui durera quatre ans. Sans cesse bombardée par les Anglais, Brest offre à sa libération, le 18 septembre 1944, un spectacle de complète désolation. La rade abri, encombrée d’épaves, ne peut accueillir que de petites unités, et il est un instant question de reconstituer l’ensemble de la base et de l’arsenal hors de Brest. Mais les autorités navales et municipales s’attellent à la reconstruction de l’ensemble portuaire et urbain. Tenant compte de la capacité de destruction des engins nucléaires, une partie de l’arsenal est aménagée dans les alvéoles creusés sous le roc.