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1926 sous le titre de Dni Tourbinykh (les Jours des Tourbine), l’adaptation théâtrale de ce roman révèle chez Boulgakov un sens remarquable du downloadModeText.vue.download 12 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

1691

dialogue et de la construction dramatique, confirmé par Beg (la Fuite, 1928), tragi-comédie inspirée par les tribulations de l’émigration, et par les comédies satiriques Zoïkina Kvartira (l’Appartement de Zoïka, 1926) et Ba-grovyï ostrov (l’Ile pourpre, 1929), qui ridiculise la censure théâtrale. Toutes les oeuvres de Boulgakov, jugées

« contre-révolutionnaires », exposent ce dernier aux attaques des critiques

« prolétariens », qui obtiennent l’interdiction ou le retrait de toutes ses pièces, à l’exception de Dni Tourbinykh, retirée de la scène en 1929, mais reprise en 1932. Constatant, dans une lettre adressée en 1930 au gouvernement soviétique, que toute activité littéraire lui est désormais interdite, il demande l’autorisation de s’exiler ou, à défaut, l’attribution d’un emploi dans un théâtre. L’intervention de Staline (qui favorise la reprise de Dni Tourbinykh) lui permet d’entrer au théâtre d’Art en qualité d’assistant-metteur en scène (et, occasionnellement, d’acteur).

Le thème de l’artiste condamné au compromis, à la servitude et au silence par un pouvoir oppresseur domine l’oeuvre des années 30, en partie iné-

dite. Traité sur le mode ironique dans Teatralnyï roman (le Roman théâtral, 1936-37 ; publié en 1962), roman à clefs inspiré par les déboires de Bielaïa Gvardia au théâtre Stanislavski, ce thème est évoqué par des analogies historiques dans Kabala sviatoch (la Cabale des dévots, interdite en 1936 après sept représentations) et Poslednie dni (les Derniers Jours, 1933-1935 ; jouée en 1943), pièces inspirées l’une par la vie de Molière, dont Boulgakov a tiré aussi un récit biographique, l’autre par celle de Pouchkine. Ce thème est au centre du chef-d’oeuvre de Boulgakov, le roman Master i Margarita (le Maître et Marguerite, 1928-1940) : auteur d’un roman interdit, le Maître est sauvé de la misère et de la folie par sa bien-aimée, Marguerite, grâce au secours du diable, qui apparaît à Moscou sous les traits d’un magicien et qui sème le désarroi dans le monde de bureaucrates conformistes qui opprime le Maître.

Ponce Pilate, que ce dernier a choisi pour héros de son roman, incarne la compromission de l’intelligence et de la culture avec l’ordre établi, tandis que Yeshua Ha-Notzri (Jésus le Naza-

réen) représente la négation absurde, obstinée, paradoxale, mais moralement triomphante de la toute-puissance du mal. Quant au diable, il apparaît moins comme l’esprit du mal que comme un grand mystificateur qui réalise le dessein de la Providence en faisant éclater l’ordre de la bêtise et de la lâcheté.

Bilan philosophique et artistique d’une vie et d’une oeuvre sans compromis, Master i Margarita, publié en 1966

seulement, a considérablement enrichi le panorama de la littérature soviétique des années 30.

M. A.

Boulle (André

Charles)

Ébéniste français (Paris 1642 - id.

1732).

André Charles Boulle, dont les dé-

buts sont mal connus, mais qui était déjà membre de l’académie de Saint-Luc, reçut en 1672 le brevet d’ébéniste du roi. Par malheur, le brevet omettait la profession de fondeur en bronze que pratiquait pourtant le grand artiste, ce qui devait attirer à deux reprises les instances judiciaires de la communauté des Fondeurs, qui s’estimait lésée.

Dès son entrée au service du roi, Boulle prit part aux entreprises décoratives du règne, exécutant, selon l’usage du XVIIe s., parquets et estrades en ébène incrustée de filets de cuivre, meubles de cette marqueterie d’écaillé « tortue »

et d’étain dont les exemples venaient d’Italie. Mais l’ébénisterie transalpine composait des décors géométriques.

Boulle, dessinateur et peintre, imagina des gerbes de tiges dont les principales, largement « écrites », sont incrustées d’un cuivre haut en couleur, et les ti-gelles plus minces d’étain. C’est tout un jeu de valeurs qu’ordonne l’ébé-

niste sur un fond d’écaille au naturel.

En outre, il va créer un procédé nouveau : c’est au cuivre qu’il demande aussi bien ses fonds, pour y insérer des découpes d’écaillé. C’est là le travail

« en contrepartie ». Boulle fixait l’une contre l’autre deux ou quatre feuilles de cuivre et d’écaille (ou de bois) pour les découper d’un même trait de la scie

à contourner, « en sorte que remplis-sant les vuides d’une de ces feuilles des morceaux qui sortent de l’autre, le mé-

tail puisse servir de fond au bois, et le bois au métail » (Savary des Brûlons, Dictionnaire universel de commerce, 1723).

Une superbe armoire du Louvre et un cabinet du musée de Versailles fournissent des exemples de marqueteries de bois exécutées par Boulle. Le maître utilisa-t-il pour ces chefs-d’oeuvre des marqueteries de ses débuts ? On relève, dans l’inventaire de ses biens, détruits en 1720 par l’incendie partiel de ses ateliers, la mention de « cinq caisses remplies de différentes fleurs, oiseaux, animaux, feuillages et ornements de bois de toutes sortes de couleurs naturelles, la plupart du sieur Boulle, faites en sa jeunesse ». Sans doute la marqueterie de bois de rapport, qu’on appelait « peinture en bois », se pratiquait-elle en France, mais rarement ; et l’illustre clientèle de Boulle exigeait ces ouvrages d’écaillé et de cuivre qui l’avaient rendu célèbre et en lesquels rivalisaient avec lui Pierre Golle († 1684), Philippe Poitou (v. 1640-1709), Jacques et Charles Sommer ainsi qu’Alexandre Oppenordt (1639-1715), qui exécuta, sur des prototypes de Boulle, les cabinets aujourd’hui conservés au Louvre.

À partir de 1680, Boulle et Pierre Golle exécutaient le lambris et le parquet du cabinet du Grand Dauphin, à Versailles, oeuvre considérable qu’il fallut détruire dès 1688, les découpes de cuivre s’en détachant au gré des variations hygrométriques. Boulle n’avait pu consolider ses marqueteries murales par les bronzes, dont il sut faire un magnifique emploi dans ses meubles. Avant lui, personne ne s’était avisé d’en fixer sur les parties vulné-

rables des marqueteries : leurs coins, leurs bordures, leurs centres mêmes qui reçoivent des mascarons du plus beau style.

Boulle était non seulement un praticien supérieur de la marqueterie, mais aussi un inventeur de formes.

Il ne semble pas qu’on ait créé avant lui ces cabinets montés sur une table d’appui, dont la façade présente une

légère avancée décorée d’une figure allégorique en bronze, par exemple un Hercule ressemblant étrangement à Louis XIV. Boulle est aussi l’inventeur du scabellon en gaine, piédestal à usage varié. Le musée des Arts décoratifs expose un certain nombre de ses projets, en lesquels s’exprime avec force sa méthode, allant d abord aux indices principaux, fermement établis, avant d’esquisser les accessoires.

Jusqu’à la fin du XVIIe s., Boulle avait conservé certaine tournure d’esprit compliquée : notamment pour ses pié-

tements à supports multiples. À cette formule ressortissent encore les deux célèbres commodes de la chambre de Louis XIV à Versailles. Leur invention même est de Boulle : avant lui, le meuble de rangement était le coffre (v.

mobilier).

Le maître était cultivé, connaissait les arts et collectionnait avec passion les oeuvres du passé. Il dévorait même en achats d’estampes, de toiles et de marbres les larges honoraires qu’il recevait. Sa prodigieuse vitalité le servit lors de l’incendie de 1720 : il avait alors soixante-dix-huit ans. Il se remit à l’ouvrage, reconstitua ses ateliers, qu’il dirigea jusqu’à sa mort, à quatre-vingt-dix ans. Il laissa quatre fils, tous ébénistes.

G. J.

F Louis XIV (style).

C. Asselineau, André Boulle, ébéniste du roi (Dumoulin, 1855). / H. Havard, les Boulle (Alli-son, 1893). / P. Verlet, les Meubles français du XVIIIe siècle, t. II : Ébénisterie (P. U. F., 1956).