Les Bretons du Moyen Âge avaient en propre un pèlerinage fameux et très fréquenté : c’était le Tro-Breiz, le
« tour de Bretagne ». Les voyageurs allaient à pied, de cathédrale en cathé-
drale, rendre visite aux saints évêques qui passaient pour avoir fondé les principaux diocèses du duché : Vannes, Quimper, Saint-Pol-de-Léon, Tréguier (auquel sera associé Saint-Yves à partir du XIVe s.), Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol, Rennes* et Nantes*.
Parmi ces neuf cathédrales, il faut mettre à part celle de Quimper. Sa svelte façade aperçue entre les vieilles maisons de la rue Kéréon est d’un accent nerveux : qui pourrait se douter que les deux flèches ont été montées seulement en 1854 ? Le choeur avec déambulatoire et chapelles est commencé vers 1240, sur les modèles de Chartres et de Reims, avec des traces d’influences normandes. La nef, désaxée, est entreprise à partir de 1424. Celle de Saint-Pol-de-Léon (XIIIe-XIVe s.) fut élevée avec de la pierre transportée de Caen ; le choeur (1430-1480) est traité en granité du pays. Tré-
guier, comme Saint-Pol, a perdu son évêque à la Révolution. La cathédrale de granite rose, avec ses trois clochers, son grand porche sud et l’admirable cloître du XVe s., est empreinte d’une poésie très particulière.
À Saint-Brieuc, la façade guerrière fut dressée en pleine guerre civile de succession, vers 1350, par l’évêque Guy de Montfort : échauguettes,
mâchicoulis, créneaux subirent trois sièges en 1375, 1394, 1395. À Saint-Malo se juxtaposent le style angevin de la nef et du transept (fin XIIe s.) et le choeur du début du XIVe s., d’inspiration normande : église disparate où le granité est le seul élément autochtone en accord avec la cité corsaire.
Dol a la cathédrale la plus vaste et sans doute la plus belle de la province.
La nef est du premier tiers du XIIIe s., le choeur de la fin du siècle, à chevet plat probablement marqué par l’Angleterre ; un monument funéraire imposant : le tombeau de Thomas James, dû au Florentin Jean Juste (1507).
y Malgré la résistance de la tradition gothique, une relative connaissance de la Renaissance italienne va conduire à des création originales et typiquement bretonnes à partir de 1535, surtout dans le nord, autour de Tréguier et de
Morlaix. Clochers de Bulat-Pestivien, Bourbriac, Quelven, Plouaret sont les premières expériences avant les réussites de la seconde moitié du XVIe s.
(Lampaul-Guimiliau, 1573 ; Pleyben, 1588).
Les oeuvres accomplies se situent autour de 1 600 dans le Léon et les monts d’Arrée, grâce à l’émulation de la Confrérie des arts. Les enclos parois-siaux (Commana, Guimiliau, Saint-Thégonnec, Sizun) groupent, autour de l’église et de son porche monumental, ossuaire, arc de triomphe, calvaire, fontaines. Ce sont des créations sans équivalent en France : dans aucune province l’art classique réinventé n’a su dégager des oeuvres aussi pleines de saveur et de spiritualité.
y Cette profusion de l’art religieux ne doit pas masquer les productions civiles. Quantité de manoirs et gen-tilhommières sont à la mesure d’une noblesse peu fortunée. Mais des forteresses féodales des XIVe et XVe s.
gardent fière allure : Tonquédec, ruine romantique, la Hunaudaye, aux échos de bataille, le fort de la Latte, sur son éperon de bruyère face à la mer, Josselin, fief des Rohan, avec son admirable cour intérieure ouvragée (1490-1505), le mélancolique Suscinio, près de Sarzeau, résidence d’été abandonnée par les ducs de Bretagne, qui lui préféraient leur château de Nantes.
Une étude entière serait à consacrer aux places fortes défendant la frontière vers le royaume de France. Du sud au nord : Clisson, domaine du connétable compagnon de Du Guesclin ; le donjon d’Elven-Largoët, bâti par la famille de Malestroit (fin du XIVe s.) et brûlé pré-
cisément, en 1487, par les Français de Charles VIII venus annexer le duché ; Saint-Aubin-du-Cormier, lieu de la bataille décisive ; les tours d’entrée de Vitré (XVe s.), inspirées de Pierre-fonds et de Langeais ; Fougères, la
« Carcassonne du Nord » selon Victor Hugo. Combourg demeure hanté par Chateaubriand. Dinan et Saint-Malo, enfin, possèdent les derniers ouvrages stratégiques aménagés par la duchesse Anne avant qu’elle ne devienne deux fois reine de France.
La Renaissance ne supprime pas toute préoccupation défensive. Kerjean (seconde moitié du XVIe s.) le montre bien, qui est, à une échelle presque princière, un émule breton de Fontainebleau ou d’Anet, mais prêt à tirer le canon. Quant aux ensembles urbains et bourgeois, en est-il de plus juste que la place de Locronan ?
Avec le XVIIIe s., les demeures
prennent le ton de Paris, et l’art breton perd sa force vive. Mais, au XIXe s., les artistes du dehors redécouvrent, audelà du folklore, une source d’inspiration qui bouleverse Gauguin* et ses amis. Une « école » naît à Pont-Aven vers 1886, et le Christ jaune de 1889
rejoint la gravité primitive des vieux calvaires de granité.
F. E.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
1790
Les belles-lettres
La culture intellectuelle est déjà très réelle aux XIe et XIIe s., à en juger par le nombre d’écoles, capitulaires, épiscopales ou autres, ouvertes en diverses villes par des maîtres réputés. À côté de la littérature hagiographique, qui occupe une place importante, les « lais » bretons en tiennent une autre, ainsi que l’épique Chanson d’Aquin, les oeuvres des trois évêques-poètes Marbode de Rennes (v. 1035-1123), Baudri de Dol et Étienne de Fougères, et les annales et chroniques, en particulier la Chronique de Nantes.
La connaissance de l’histoire bretonne inspire la Chronique de Saint-Brieuc, écrite entre 1394 et 1415 par Guillaume de Ven-del, à qui on l’attribue, ou plus vraisemblablement par Hervé Le Grant. Ce n’est encore qu’une compilation empreinte de partialité dans un but politique. Celle de Jean de Saint-Pol, vers la fin du XVe s., et les Grandes Chroniques de Bretagne d’Alain Bouchart, imprimées en 1514, sont plus sérieuses, mais le nom d’historien revient à Pierre le Baud pour ses Chroniques et histoires des Bretons, imprimées en 1638. Son sens critique, son souci de la vérité et les documents authentiques qu’il utilise avec
discernement et sincérité confèrent à son oeuvre le caractère d’une histoire nationale. Le XVe s. ne néglige pas la poésie, et Jean Meschinot (v. 1422-1491), en composant ses Lunettes des princes, y a écrit son nom.
Au XVIe s., Noël du Fail (v. 1520-1591) se révèle par ses Propos rustiques (1547) et ses Contes d’Eutrapel (1585). Bertrand d’Ar-gentré (1519-1590), sénéchal de Rennes, écrit une Histoire de Bretagne (1582), mais attache surtout son nom à un Commentaire de la coutume de Bretagne (1568) qui dénote une grande science juridique.
Les bénédictins dom Lobineau et dom Morice publient tour à tour une monumentale Histoire de Bretagne en 1707 et 1750, tandis qu’Alain Lesage se fait connaître par son roman Gil Blas, qui inaugure en France le roman réaliste.
Chateaubriand et Laennec donnent à la Bretagne au XIXe s. une place de choix dans le domaine des lettres et de la médecine.
Après eux, il convient de citer Renan, Jules Verne, Anatole Le Braz (1859-1926), le cel-tisant Joseph Loth (1847-1934) et le grand historien moderne de la Bretagne Arthur de La Borderie, dont l’oeuvre est continuée par Barthélémy Pocquet du Haut-Jussé.
F Brest / Cent Ans (guerre de) / Charles VIII /
Chouans (les) / Corsaire / Côtes-du-Nord / Finistère / Guesclin (Bertrand du) / Ille-et-Vilaine / Lorient / Louis XI / Louis XII / Morbihan / Quimper /
Rennes / Saint-Brieuc / Saint-Malo / Vannes.
Dom G. A. Lobineau, Histoire de Bretagne (F. Muguet, 1707 ; 2 vol.). / Dom P. H. Morice, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne (Delaguette, 1750-1756 ; 2 vol.). / A. de La Borderie et B. Pocquet du Haut-Jussé, Histoire de Bretagne (Plihon, Rennes, 1896-1914 ; 6 vol.).