Paris 1932).
L’apôtre de la
grève générale
Avocat à Saint-Nazaire, ce fils d’aubergistes dirige l’Ouest républicain : la rencontre de Fernand Pelloutier l’oriente vers le socialisme et le syndicalisme.
Ayant démissionné du barreau de
Saint-Nazaire en 1893, il s’établit à Paris et entre à la Lanterne, où il crée une rubrique ouvrière ; il sera bientôt secrétaire général du journal. Son activité est intense : il anime des réunions syndicales, organise des manifestations (1er mai 1893) et participe aux congrès socialistes (1892, 1899-1900, 1901).
Inlassablement, il défend l’idée de la grève générale, qui est à ses yeux le seul moyen pour les ouvriers de faire plier le capitalisme. Secrétaire du parti socialiste français (1901), qu’il a fondé avec Jaurès, il se heurte aux thèses doctrinaires de Jules Guesde et de Paul Lafargue et se lie avec Jean Jaurès, qui le convertit au réformisme.
Sans succès, il tente sa chance aux élections législatives de 1889, de 1893
et de 1897. Avocat au barreau de Pontoise, il se rend célèbre en 1901 en faisant acquitter l’antimilitariste Gustave Hervé ; peu après (1902), il est élu député de Saint-Étienne. Ce mandat lui sera renouvelé jusqu’en 1919 ; ensuite, il représentera la Loire-Inférieure au Parlement.
« La paix des
consciences... »
Le nouveau député attire d’emblée l’attention à la faveur d’une grève à
Terrenoire, au cours de laquelle un mineur est tué. Briand calme l’agitation, arbitre la grève, mais interpelle le gouvernement sur l’incident.
En 1904, Briand devient rapporteur de la commission des congrégations, qui étudie l’application de la loi de 1901 : il se révèle alors un debater de talent et un arbitre-né. Les relations avec le Vatican sont rompues, et les gouvernements Combes, puis Rouvier envisagent la séparation des Églises et de l’État ; Briand pense à une loi franche, loyale, honnête, qui ne soit pas « un pistolet braqué contre l’Église » et qui inaugure une « ère de paix entre les Français ». La loi Briand (9 déc. 1905) proclame les libertés de conscience et de cultes, mais elle ne reconnaît à l’Église que la gestion des édifices religieux.
Dans le même temps, Briand ambi-
tionne une place au gouvernement. La
« résolution » du congrès international d’Amsterdam (1904) interdit aux députés socialistes toute participation à un ministère bourgeois. Déçu, avide de liberté, Briand quitte le parti socialiste unifié (S. F. I. O.) de Jaurès, rejoint les socialistes indépendants (Millerand, Viviani) et accepte le portefeuille de l’Instruction publique et des Cultes dans le ministère radical Sarrien (14 mars 1906) ; c’est le premier des vingt-cinq portefeuilles ministériels de sa carrière.
Désormais, pendant un quart de
siècle, sa silhouette va hanter les couloirs du Palais-Bourbon. Voûté, le pas traînant, l’air distrait, les paupières à demi fermées, les moustaches tombantes, le vêtement peu soigné, la cravate lâche, une éternelle cigarette à la bouche, il a l’art de passer instantanément d’un calme un peu félin à un enthousiasme énergique. À la tribune, ses improvisations, servies par une voix chaude et envoûtante, charment downloadModeText.vue.download 114 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
1793
l’auditoire. Ayant conservé son por-
tefeuille dans le premier cabinet Clemenceau (1906-1909), il l’échange, en 1908, contre celui de la Justice, auquel les Cultes sont attachés.
« La paix des partis... »
À la chute du ministère Clemenceau, Briand est choisi pour former le cabinet (24 juill. 1909) ; il sera président du Conseil jusqu’au 2 novembre 1910, puis du 3 novembre 1910 au 27 février 1911 ; en même temps, il a le portefeuille de l’Intérieur et des Cultes.
Pour combattre les progrès de l’anti-parlementarisme, alimenté par le relè-
vement de l’indemnité des députés et par les campagnes de l’Action fran-
çaise, Briand propose, avec l’appui des socialistes, le remplacement du scrutin d’arrondissement, favorable aux inté-
rêts particuliers, par la représentation proportionnelle, qui débouche sur des programmes et des idées. Dans le
« discours de Périgueux » (oct. 1909), il envisage de « faire passer un grand souffle purificateur à travers les petites mares stagnantes, croupissantes qui se forment et s’étendent un peu partout dans le pays ». Attaqué par les radicaux sur la question électorale, Briand se heurte violemment aux socialistes sur le terrain des grèves. Car, situation paradoxale, « l’apôtre de la grève générale » brise celle des che-minots en octobre 1910. Il doit alors se défendre contre ses anciens amis (Jaurès), qui le traitent de renégat ; en vain Jules Guesde demande sa mise en accusation.
Démissionnaire (27 févr. 1911),
Briand favorise l’élection de Poincaré à la présidence de la République et, redevenu président du Conseil (1913), il fait voter la loi qui instaure le service militaire de trois ans ; ayant dénoncé le scrutin d’arrondissement, il démissionne (18 mars).
L’union des partis, qu’il a tant souhaitée, c’est la guerre qui la réalise.
Pour aider la Serbie, Briand, deux fois chef du gouvernement et ministre des Affaires étrangères (1915-1917), organise l’expédition franco-anglaise de Salonique (5 oct. 1915, général Sar-rail), qu’il maintient en dépit de l’opposition britannique et de la neutralité
grecque. Lors de la conférence interalliée de Paris (mars 1916), qui suit l’offensive de Verdun, Briand coordonne l’action militaire et économique de l’Entente, obtient le remplacement de Joffre, promu maréchal, par Nivelle (12 déc. 1916). À cette date, il réforme le ministère, y introduit un Comité de guerre permanent, où il fait entrer Lyautey, mais « sa faculté de se dérober à toute explication » sur la question grecque et la démission de Lyautey l’obligent à se retirer (18 mars 1917).
Déchargé du pouvoir, Briand se
consacre au rétablissement de la paix.
Par l’intermédiaire de la comtesse de Mérode, le diplomate allemand von Lancken propose de rencontrer Briand en Suisse (juin 1917) : Briand n’obtient pas l’accord du gouvernement Ribot, qui désapprouve le projet.
« La paix des peuples... »
Aristide Briand devient, après 1919, le « pèlerin de la paix ». Cependant, comme les hommes du Bloc national, Briand, de nouveau président du Conseil et ministre des Affaires étrangères (1921-1922), est d’abord un partisan de la politique d’exécution du traité de Versailles. Au titre des sanctions, il fait occuper Duisburg, Ruhrort, Düsseldorf, tout en continuant avec Walther Rathenau des
négociations. Les accords de Wiesbaden (6 oct. 1921) admettent la possibilité des prestations en nature, mais les industriels français et anglais se cabrent. Briand accepte alors de négocier avec l’Angleterre un moratoire des réparations, moyennant la garantie par la Grande-Bretagne de la sécurité française sur le Rhin, garantie que Clemenceau n’avait pas pu obtenir lors du traité de Versailles : c’est l’objet de la conférence de Cannes (janv. 1922).
Briand va y signer un accord dans ce sens, lorsque le nationaliste Poincaré, craignant de trop larges concessions, rappelle Briand, qui démissionne.
Lorsqu’il revient, pour sept ans, au quai d’Orsay (avr. 1925), la « politique d’exécution » est morte. Édouard Herriot a ouvert la voie à des négociations dans le cadre de la S. D. N. sur le thème
« arbitrage, sécurité, désarmement ».
Briand, qui va présider encore plusieurs gouvernements, incarne désormais l’« esprit de Genève », d’abord par inclination personnelle à la conciliation, mais aussi parce qu’il pense que la France souhaite la quiétude après l’hémorragie de la guerre. « Je fais la politique de notre natalité », déclare-t-il.
Tandis que les réparations sont amé-