qui a assuré la pérennité de Wuthering Heights, c’est d’abord une certaine virtuosité sur le plan technique. Il faudra, après Emily Brontë, attendre un demi-siècle et Conrad pour retrouver une telle perfection dans la complexité narrative. Mais la source inépuisable de beauté et d’intérêt réside surtout dans l’aura poétique dont Emily a su baigner l’ensemble de son oeuvre et dans la vé-
rité étonnante de ses héros. Swinburne, malgré quelques réserves à propos de ce qui lui rappelle un certain naturalisme à la française, avait déjà souligné qu’il considérait le roman entier comme un poème dramatique. À cette oeuvre, les personnages d’Earnshaw, de Catherine et plus encore peut-être de Heathcliff apportent la dimension de leurs passions. La fureur presque démoniaque qui les anime leur confère une extrême densité humaine. Par l’excès même de leurs sentiments et de leur comportement, ils se détachent, intensément vivants, dans la lignée des héros du romantisme anglais, dont Wuthering Heights renferme en quelque sorte toutes les tendances retrouvées et fondues en une parfaite harmonie.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
1806
Anne (Thornton 1820 -
Scarborough 1849)
Nature fondamentalement religieuse, possédée par l’angoisse métaphysique, Anne Brontë fait reposer tout son édifice poétique (Poems by Currer, Ellis and Acton Bell, en collaboration avec ses deux soeurs, 1846) et romanesque sur la « conscience » et la « morale ».
Agnes Grey (1847), où elle se penche sur le sort des institutrices, lui est dicté par le besoin de tirer une leçon de ses propres expériences et d’en faire passer les conclusions dans le public. Le dépouillement extrême du style donne au récit un ton sans relief qui exprime fort bien ce que la vie d’une gouvernante d’enfants peut avoir d’aride et de monotone. Mais la vérité essentielle qui se dégage de l’ouvrage, c’est qu’à ceux qui vivent « droits et constants, à travers le Bien et le Mal », la récompense vient sous forme d’espoir et de
joie. La conviction d’avoir à délivrer un certain message spirituel apparaît encore avec plus de force dans The Tenant of Wildfell Hall (la Dame du manoir de Wildfell, 1848) : « J’ai voulu dire la vérité [mot qui revient souvent sous sa plume], car la vérité apporte toujours sa propre morale à ceux qui sont capables de la recevoir. » Son oeuvre est donc essentiellement morali-satrice et didactique. On retrouve chez Anne Brontë le mysticisme d’Emily.
Elle partage l’intérêt que Charlotte porte aux problèmes de la femme dans la société victorienne. Mais son talent créateur ne saurait se comparer à celui de l’une ou l’autre de ses soeurs, ni en puissance ni en profondeur.
Patrick Branwell
(Thornton 1817 - Haworth
1848)
Patrick Branwell a sa part et non des moindres dans les oeuvres d’enfance et d’adolescence des Brontë, communé-
ment désignées sous le nom de Juvenilia. Il laisse paraître dans les chroniques du royaume d’Angria, qu’il a imaginé avec Charlotte, une fougue d’imagination semblable à celle de ses soeurs, mais les promesses contenues dans ces manuscrits ne seront pas tenues, quant à lui. Dans le tableau célèbre, conservé à la National Portrait Gallery, qu’il fit de ses trois soeurs, une radiographie a permis de découvrir qu’il s’était d’abord représenté au milieu d’elles, puis qu’il avait effacé son image. Geste lourd de signification. Son instabilité le conduisit rapidement à l’impuissance artistique par le chemin de l’alcoolisme et des « paradis artificiels ».
D. S.-F.
E. Bentley, The Brontë Sisters (Londres, 1950). / T. J. Wise, A Bibliography of the Writings in Prose and Verse of the Members of the Brontë Family (Londres, 1965). / C. Maurat, le Secret des Brontë (Buchet-Chastel, 1967). /
W. Gérin, Charlotte Brontë (Oxford, 1968).
bronze (âge du)
Une des grandes divisions chronologiques de la préhistoire, distinguée au siècle dernier à la suite des travaux du Danois Christian Jürgensen Thomsen
(1788-1865), entre autres. L’âge du bronze précède l’âge du fer et succède au Néolithique souvent par l’intermé-
diaire du Chalcolithique, ou âge du cuivre. Ce dernier, d’importance très inégale suivant les régions, est parfois considéré comme une période autonome, mais souvent on le rattache soit au Néolithique final, soit au début du bronze ancien.
GÉNÉRALITÉS
Le caractère essentiel de l’âge du bronze est le développement de la métallurgie et la création de nombreux instruments en bronze destinés à l’armement ou à la vie domestique. Au cuivre et à l’or primitivement travaillés viennent s’ajouter des alliages de cuivre et d’étain, puis des combinaisons plus complexes, où le plomb apparaît en quantité parfois importante. De nombreuses techniques de fonderie sont inventées dès cette époque. La métallurgie entraîne une véritable révolution sociale, économique et religieuse. La quête des minerais, la vente des nouveaux produits manufacturés conduisent à la multiplication des échanges commerciaux et à la création de nouvelles catégories sociales de prospecteurs, forgerons et négociants. Aux mythes religieux de fécondité, symbolisés par les déesses mères du Néolithique, succèdent des cultes nouveaux, où le feu, le soleil, la roue, le cheval transposent sur le plan spirituel les préoccupations matérielles des artisans et commerçants. Par ailleurs, de nombreux mouvements ethniques marquent cette période : on voit dans certains groupes chalcolithiques les premiers Indo-Européens ; la « civilisation des tumulus » et celle des
« champs d’urnes » sont souvent considérées comme les phases préliminaires de la civilisation celtique.
L’âge du bronze apparaît précocement au Moyen-Orient, au cours du IIIe millénaire. Il gagne ensuite le secteur de la mer Égée, où s’épanouissent de brillantes civilisations, dont certaines sont déjà historiques. En Europe, il connaît un développement original entre 1800 et 700 av. J.-C., s’attar-dant quelques siècles de plus dans les régions nordiques. En Afrique, ses manifestations sont plus sporadiques,
mais on connaît des gravures rupestres (Haut-Atlas) et des centres de métallurgie du cuivre (Mauritanie). En Ex-trême-Orient, cuivres et bronzes sont fabriqués quelques siècles avant l’ère chrétienne. Mais, en Chine notamment, il s’agit de périodes parahistoriques liées à la tradition de dynasties légendaires (Shang [Chang]). Dans les autres parties du monde, l’âge du bronze est inconnu à l’heure actuelle, bien que des outils de cuivre primitifs aient été signalés en Amérique centrale.
Les éléments de datation
Typologie comparée
La typologie comparée permet de
suivre l’évolution chronologique et géographique des différents objets.
Dans les régions occidentales, les haches sont d’abord simples, dérivées des haches en pierre. À ces haches plates succèdent les haches à rebords, munies de saillants empêchant le glissement latéral du manche. Avec les haches à talon, une butée médiane bloque l’extrémité du manche. Les haches à ailerons sont caractérisées par le rabattement des saillants latéraux. Enfin, au bronze final, les haches à douille creuse sont d’usage courant. Dans les régions méditerranéennes, d’autres variétés de haches à emmanchement vertical, comme nos modernes haches, existent très tôt, dérivées de modèles inventés en Iran. Elles seront peu en usage sur le continent, excepté dans les régions danubiennes (Roumanie, Hongrie), où de magnifiques haches de combat ou des haches-marteaux décorées succé-