gime républicain, proclamation d’une Constitution, laïcisation de l’enseignement et du statut personnel, affirmation de l’originalité et de la personnalité de la nation tunisienne, y compris vis-à-
vis des « pays frères » du monde arabe.
La République tunisienne
Le 25 juillet 1957, le chef du Néo-Destour supprime sans coup férir la monarchie ḥusaynide, qui ne jouit d’aucun appui populaire, et fait proclamer la république. Le 1er juin 1959, une Constitution de type présidentiel est promulguée. Élu président pour cinq ans (8 nov. 1959), Bourguiba est réélu en 1964 et en 1969. Il devient président à vie en 1974.
Le régime tunisien est, comme le dit le sociologue américain Clément Moore, une « monarchie présidentielle ». Se posant comme le fondateur de la nation tunisienne, Bourguiba, qui considère que la Tunisie n’est pas mûre pour un régime démocratique, lutte énergiquement contre toute forme d’opposition. En 1963, le parti communiste est interdit. En 1967, un étudiant, Ben Jennet, est condamné par un tribunal militaire à vingt ans de travaux forcés pour avoir participé, au cours de la guerre israélo-arabe, à une manifestation dirigée contre les ambassades de Grande-Bretagne et des États-Unis. En 1968, des membres du Groupe d’études et d’action socialistes, du parti communiste et du Baath sont accusés de complot contre la sûreté de l’État.
La politique de laïcisation
Féru de modernisme, Bourguiba s’attaque, une fois au pouvoir, aux courants traditionnels, qui reposent sur l’islam. Il compte sur l’enseignement, auquel il accorde un intérêt tout particulier pour transformer les « structures mentales » de la population. Il réserve jusqu’au quart du budget à l’Éducation nationale et supprime l’enseignement
traditionnel, représenté par l’université de la Zaytūna (Tunis), qui constitue un foyer des idées conservatrices.
Cette dernière mesure s’inscrit dans un ensemble plus vaste : la politique laïcisante, qui s’inspire des traditions anticléricales de la IIIe République, mais aussi de Mustafa Kemal.
Dès 1956, les aḥbās, biens de main-morte, inaliénables et sacrés, sont supprimés. La même année, les juridictions musulmanes sont abolies, et leurs attributions sont dévolues aux tribunaux séculiers. Au mois d’août 1956, Bourguiba fait promulguer un code du statut personnel qui modifie profondé-
ment certaines dispositions de la loi religieuse. Au début de 1960, le pré-
sident de la République s’engage dans une campagne contre le jeûne annuel du ramadān, appelant la population à rompre avec une pratique incompatible avec le développement économique du pays.
La politique économique
Dans ce domaine, Bourguiba n’est pas guidé par des principes rigides : il modifie sa politique économique selon les circonstances.
En 1956, croyant aux vertus du libé-
ralisme économique pour promouvoir le développement du pays, il ne voit pas de solutions en dehors du « laisser faire, laisser passer ». En 1961, l’expérience libérale ayant avorté, il opte pour une politique intervention-niste. Le gouvernement élabore alors un plan décennal. Cette politique, baptisée socialiste, ne touche pas en principe à la propriété privée, mais vise la modernisation de l’économie, l’augmentation du revenu national et la création d’emplois pour faire face à un taux élevé de croissance démographique. Elle se traduit par la création de coopératives qui touche essentiellement le secteur agricole traditionnel.
Il s’agit surtout de grouper les proprié-
taires dans de grands domaines pour les amener à exploiter ensemble, selon des méthodes modernes et avec l’aide technique de l’État, leurs propriétés.
Cependant, la bourgeoisie tunisienne manifeste beaucoup de réticence à
l’égard de la nouvelle politique économique, et, en 1970, le gouvernement constate l’échec du système coopératif, auquel il renonce.
La politique étrangère
La politique étrangère du président Bourguiba s’explique par sa formation de type occidental, par sa volonté d’affirmer l’originalité et la personnalité de la Tunisie à l’intérieur du monde arabe ainsi que par les liens économiques du pays avec les puissances occidentales et notamment avec les États-Unis.
Fidèle à sa politique de collaboration, Bourguiba essaie, dès l’indépendance, de préserver les relations de la Tunisie avec l’ancienne métropole.
Mais la guerre d’Algérie n’est pas pour lui faciliter la tâche. En octobre 1956, à la suite de la capture de Ben Bella et de ses compagnons alors en route pour Tunis, Bourguiba rompt les relations diplomatiques avec la France, pour les reprendre trois mois plus tard.
Le 8 février 1958, le bombardement, par l’armée française, de Sakiet Sidi Youssef, un petit village tout près de downloadModeText.vue.download 38 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
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l’Algérie, envenime davantage les rapports franco-tunisiens. Bourguiba exige l’évacuation des troupes fran-
çaises en Tunisie et obtient satisfaction le 17 juin 1958, moins d’un mois après l’avènement du général de Gaulle, avec cette réserve que Bizerte doit encore rester une base française. Le climat semble à la détente, et Bourguiba est même invité en France, où il s’entretient avec le général de Gaulle le 27 février 1961. Cependant, trois mois plus tard, le chef de l’État tunisien soulève la question de l’évacuation de la base de Bizerte. De graves incidents éclatent : les forces armées françaises interviennent (20-22 juill. 1961) et de laborieuses négociations aboutissent à un accord pour l’évacuation de la ville par les troupes françaises. La base de Bizerte est définitivement remise à la Tunisie le 15 octobre 1963, mais les rapports franco-tunisiens sont enveni-
més. En 1964, la nationalisation des terres de la colonisation les détériore davantage : il faudra attendre deux ans pour que les relations redeviennent cordiales entre les deux pays.
Déçu par l’ancienne métropole,
Bourguiba se tourne vers les États-Unis, qui substituent leur aide financière à celle de la France. En contrepartie, il soutient la politique des.
États-Unis, au Viêt-nam en particulier.
Parallèlement, Bourguiba se méfie de la République arabe unie, dont il dé-
nonce la volonté d’hégémonie. À partir de 1965, il prêche le réalisme et la modération envers Israël. Cependant, à partir de 1970, il opère un rapprochement avec l’Algérie et l’Arabie Saou-dite. En 1972, une visite officielle de Bourguiba à Paris consacre la réconciliation de la France et de la Tunisie. En 1974, un projet d’union avec la Libye tourne court.
M. A.
F Tunisie.
F. Garas, Bourguiba et la naissance d’une nation (Julliard, 1956). / R. Stéphane, la Tunisie de Bourguiba (Plon, 1958). / J. Lacouture, Quatre Hommes et leurs peuples, sur-pouvoir et sous-développement (Éd. du Seuil, 1969).
/ J. Rous, Bourguiba, l’homme d’action de l’Afrique (J. Didier, 1970). / C. Bégué, le Message de Bourguiba. (Hachette, 1972).
Bournonville
(August)
Danseur et chorégraphe danois (Copenhague 1805 - id. 1879).
D’origine française par son père, Antoine (1760-1843, naturalisé danois en 1792), il étudie la danse à l’école du Ballet royal danois sous la direction de celui-ci et de Galeotti, et fait ses débuts à l’Opéra de Copenhague en 1813. Il se rend à Paris (1820), où il travaille avec Auguste Vestris* et Pierre Gar-del (1758-1840) ; il danse à l’Opéra
de Paris (1826) et à Londres (1828).
De retour à Copenhague, il est nommé directeur de la danse (1829). Maître de ballet à Copenhague (1836), à Vienne (1854) et à Stockholm (1861), il se produit également à la Scala de Milan (1841). Partenaire des plus grandes danseuses de l’époque, il délaisse la danse (1848) pour se consacrer à l’enseignement et à la composition choré-