/ P. Du Colombier, les Chantiers des cathé-
drales (Picard, 1953). / A. G. Martimort, l’Église en prière (Desclée et Cie, 1961). / Y. Christ, les Cathédrales de France (Éd. des Deux-Mondes, 1963). / W. Swaan, Gothic Cathedral (New York, 1967 ; trad. fr. la Cathédrale gothique, Nathan, 1970). / M. Florisoone, Dictionnaire des cathé-
drales de France (Larousse, 1971). / C. Jack et F. Brunnier, le Message des bâtisseurs de cathé-
drales (Plon, 1974).
Catherine II
(Stettin 1729 - Saint-Pétersbourg 1796), impératrice de Russie (1762-1796).
L’accession au trône
Le 28 juin 1762, une révolution de palais détrônait Pierre III presque sans coup férir, tant ce tsar s’était rendu odieux en obligeant son armée victorieuse à faire volte-face pour sauver Frédéric II aux abois et en humiliant ses sujets par son mépris affiché pour les traditions du peuple russe. Les observateurs contemporains réduisirent l’événement aux proportions d’un mélodrame où le romanesque côtoyait le tragique : la tête du complot était la propre femme de l’empereur, Catherine, prenant les devants pour éviter la répudiation, utilisant son amant Grigori Orlov pour soulever la garde im-périale et laissant assassiner son époux après l’abdication sans sévir contre les coupables. C’était méconnaître la personnalité de la nouvelle souveraine : si l’ambition l’avait poussée à usurper la couronne au détriment de son fils, l’habileté dont elle avait fait preuve en détournant au profit d’une étrangère une réaction nationaliste démontrait qu’elle en était digne.
Il lui avait fallu, en effet, une grande force de caractère pour se faire tolérer de la cour de Saint-Pétersbourg : fille d’un obscur principicule allemand, le duc d’Anhalt-Zerbst, soupçonné d’intelligences avec l’ennemi pendant la guerre de Sept Ans, elle s’était appliquée à apprendre le russe et à pratiquer scrupuleusement les rites de l’orthodo-
xie, que son mari affectait de tourner en dérision. Cette volonté délibérée de s’enraciner n’excluait pas, bien au contraire, la fidélité au cosmopolitisme intellectuel du temps, puisque la noblesse russe commençait à se piquer de parler français : tenue à l’écart des affaires politiques, la jeune princesse avait consacré ses loisirs forcés à la lecture et elle maniait aisément le langage des philosophes parisiens, à dé-
faut d’en approfondir la pensée.
La politique de prestige
Les circonstances mêmes de son
accession au trône lui dictaient donc les grandes lignes d’un programme que sa formation la préparait à remplir mieux que ses prédécesseurs : reprendre l’oeuvre de Pierre le Grand en liant, comme lui, la grandeur de la Russie à son européanisation. Il restait fort à faire pour réaliser les objectifs du réformateur, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Si la Pologne, soumise à un protectorat de fait, ne donnait plus guère d’inquiétudes, les Tatars de Crimée menaçaient toujours les steppes de l’Ukraine, et l’Empire, privé d’accès à la mer Noire, demeurait coupé de la Méditerranée. Malgré les victoires récentes des armées russes, ou peut-
être à cause d’elles, les grandes puissances traditionnelles, même alliées, downloadModeText.vue.download 470 sur 573
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n’avaient pas renoncé à écarter la Russie du concert européen. À vrai dire, on pouvait encore douter qu’elle méritât d’y figurer, tant les transformations de la Moscovie semblaient superficielles : un régime politique plus proche du despotisme asiatique que de l’absolutisme éclairé des monarchies occidentales, un système social plus semblable, malgré son nom, à l’esclavage antique qu’au servage médiéval. Sans détruire cette fâcheuse image de marque, il n’y avait aucun espoir de forcer la porte de l’Europe : l’adhésion tapageuse de Catherine II à la « philosophie des lumières » devait y pourvoir.
Sous le voile de cette propagande, savamment orchestrée par le zèle plus ou moins désintéressé des salons parisiens, elle poursuivit, tout au long de son règne, une politique de force froidement réaliste. Héritant de l’armée la plus nombreuse d’Europe, au moins sur le papier, elle sut y joindre une flotte suffisante pour neutraliser ses adversaires directs, Turcs et Suédois. Limitée dans ses ressources financières, elle ne prit pourtant pas volontiers l’initiative des conflits, tout en profitant des circonstances pour pousser ses avantages, comme le montre l’exemple de ses relations avec l’Empire ottoman.
En 1768, la déclaration de guerre du Sultan la prit au dépourvu, et un raid tatar ravagea impunément l’Ukraine.
L’audacieuse contre-offensive de la flotte russe en Méditerranée n’apporta qu’un succès tactique : l’incendie d’une escadre turque à Tchesme (1770). Il fallut plusieurs campagnes à l’armée russe pour assurer ses arrières et contraindre la Porte à signer le traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774).
Moins par ses avantages immédiats que par les occasions qu’il offrait, ce traité dédommagea l’impératrice des sacrifices consentis. Non que la « question d’Orient » en soit sortie, comme on l’a trop répété. Catherine songea bien à interpréter abusivement la clause fort vague où le Sultan s’engageait à respecter la religion orthodoxe : en 1782, elle soumit à Joseph II un projet de partage, qui prévoyait la restauration de l’Empire byzantin. Mais sa diplomatie ne cédait pas longtemps aux débordements d’imagination : dès que la France et l’Angleterre cessèrent d’être absorbées par la guerre d’Amé-
rique, elle évita de les heurter de front et parut renoncer à ses ambitions. À la fin du règne, elle alla jusqu’à défendre l’intégrité de l’Empire ottoman, pour mieux l’attirer dans la coalition contre la Révolution.
Sa victoire lui procura à terme des fruits plus tangibles. Soumis d’abord à un protectorat de fait sous le couvert d’une indépendance nominale, le khānat de Crimée fut annexé à l’Empire en 1783. En effaçant ce dernier vestige de la domination mongole, Catherine vengeait le peuple russe
d’une humiliation séculaire. L’occupation de la péninsule, où l’on fonda aussitôt un port de guerre à Sébastopol, consolidait également la position stratégique des Russes dans la mer Noire, qui commençait à prendre une importance économique depuis que Kaïnardji avait ouvert les Détroits au pavillon marchand des Moscovites. La tsarine y tenait beaucoup, tant pour désenclaver l’Ukraine que pour diversifier les relations économiques de son empire avec l’Occident en brisant le quasi-monopole dont bénéficiaient les Anglais sur les bords de la Baltique.
Les côtes méridionales, il est vrai, manquaient d’un bon port de commerce. Une nouvelle fausse manoeuvre des Turcs permit d’y remédier : en 1786, le Sultan, inquiet des armements russes, tenta de prendre les devants.
La Russie l’emporta difficilement, car le concours militaire des Autrichiens s’avéra décevant, tandis que le roi de Suède organisait une diversion contre Saint-Pétersbourg. Mais quand la fougue de Souvorov succéda aux lenteurs de Potemkine, la Porte reconnut sa défaite, et le traité de Iaşi (1792) porta la frontière au Dniestr. Dans le territoire annexé devait naître bientôt la ville d’Odessa, dont le port attira d’emblée les excédents de céréales dont regorgeait l’Ukraine polonaise.
Une seule déception : une fois de plus, les Turcs avaient refusé l’accès des Détroits aux navires de guerre russes.
Mais la formation d’une coalition internationale contre la France laissait espérer la solution prochaine de ce problème par une entente à l’amiable.
L’impératrice pouvait donc se flatter d’une réussite complète sur le terrain même où Pierre le Grand avait connu son plus grand échec. En revanche, la pression des circonstances l’obligea à abandonner la tradition du réformateur qui visait à neutraliser la Pologne plutôt qu’à la détruire. Les débuts semblèrent pourtant prometteurs : en plaçant sur le trône de la « République » son ancien amant Stanislas-Auguste Poniatowski, Catherine avait espéré maintenir la domination indirecte de la Russie sur sa voisine. C’était compter sans les ambitions de Frédéric II, qui voulait réunir les deux tronçons de son État : le roi de Prusse sut mettre à profit les difficultés