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La mort du dauphin François en

1536 fit de l’époux de Catherine l’hé-

ritier du trône. Stérile durant dix ans, la dauphine prit à coeur de s’imposer peu à peu par sa douceur et son intelligence. Elle s’instruisit et étudia particulièrement l’histoire. Elle trouva à la cour raffinée des Valois un terrain propice à la culture de son esprit. Aimant le luxe et les fêtes, elle fut une véritable princesse de la Renaissance, mais, à la différence de bien d’autres, elle se fit remarquer par la pureté de ses moeurs et la fidélité à tous ses devoirs.

La naissance d’un fils, le futur Fran-

çois II, bientôt suivie par celle de neuf autres enfants, dont six survécurent, acheva de consolider sa position. À

la mort d’Henri II (10 juill. 1559), les Guises, oncles de la reine Marie Stuart, la tinrent à l’écart et gouvernèrent sous le nom du faible et maladif Fran-

çois II. Cependant, dès cette époque, pour la première fois, elle apparaît sur le devant de la scène. Au moment de la conjuration d’Amboise, lorsque les Guises perdent la tête et obtiennent une répression cruelle, Catherine seule garde son sang-froid ; elle publie une amnistie et s’efforce de sauver les coupables. Elle s’appuie sur le chancelier, le sage Michel de L’Hospital, pour imposer l’édit de Romorantin (mai 1560), qui atténue les persécutions contre les

protestants. Cette attitude lui gagnera leur sympathie.

Cependant, cette nièce du pape était en matière religieuse le contraire d’une fanatique. Son drame fut de devoir gouverner un pays où les passions confessionnelles les plus exacerbées, et compliquées d’intérêts politiques, n’allèrent qu’en s’amplifiant jusqu’à sa mort. On peut même dire que son erreur la plus grande fut d’avoir minimisé l’importance du facteur religieux.

C’est à la mort de François II (5 déc.

1560) qu’elle donne toute la mesure de son habileté. Charles IX n’a que onze ans. Catherine profite du manque de sens politique des princes, d’un Bourbon, d’un Condé, pour se faire accorder aux états généraux d’Orléans la régence assortie des plus grands pouvoirs. Aussitôt maîtresse du royaume, elle abolit la peine de mort en matière d’hérésie et autorise le prêche dans les maisons privées. C’est déjà l’esquisse de la politique que suivra le tiers parti, celui des « politiques », et qui triom-phera sous Henri IV.

Désireuse de conciliation, elle réunit à Poissy, en septembre 1561, les chefs des deux religions en vue de parvenir à un accord. L’antagonisme entre Théodore de Bèze et le cardinal de Lorraine lui montre l’abîme qui les sépare. Cependant, elle persiste dans son attitude malgré l’opposition du roi d’Espagne Philippe II, qui craint de voir la France passer à l’hérésie. Par l’édit de janvier 1562, elle accorde aux calvinistes la liberté de conscience et le droit de célébrer un culte public hors des villes ; c’est avec trente-six ans d’avance la préfiguration de l’édit de Nantes d’Henri IV.

Alarmés, les princes catholiques se regroupent, et le duc de Guise, le maré-

chal de Saint-André et le connétable de Montmorency forment un triumvirat qui, après le massacre de Wassy (1er mars 1562) et le soulèvement de Condé, va s’imposer par la force à la régente.

Il faut ici considérer, pour comprendre l’âpreté des luttes qui ensanglantent la France, les mécanismes qui

régissent les rapports entre les Grands et le pouvoir royal. S’il n’y a plus de féodalité que comme fiction juridique, la réalité est ailleurs, dans ce qu’on appelle le « patronage » illimité des grands seigneurs, de ceux qui ont puissance et prestige par leurs charges et leurs possessions territoriales, ce qui leur donne des clientèles impressionnantes et même des armées de fidèles qui vivent de leurs largesses.

Un autre facteur, non moins important, est le poids décisif de l’attachement de la majorité des Français d’alors à la foi catholique. Cette pression de l’opinion, appuyée sur les ambitions de quelques grandes familles, va imposer les troubles sanglants de la guerre à une régente pourtant assoiffée de paix.

En 1562 commence une série de

luttes confuses terminées par des paix boiteuses où alliés et ennemis échangent tour à tour leur rôle dans un incroyable imbroglio. Après la prise de Rouen par les triumvirs au cours de la première guerre, le hasard va débarrasser Catherine des plus turbulents des princes ; coup sur coup, Antoine de Bourbon est tué à Rouen, Saint-André à Dreux et François de Guise est assassiné par Poltrot de Méré à Orléans.

Aussi Catherine revient-elle à sa politique de paix, elle proclame l’édit d’Amboise (19 mars 1563), qui accorde aux protestants la liberté de conscience et réglemente le culte public, puis elle réconcilie les adversaires, Condé et Montmorency, qui vont reprendre Le Havre aux Anglais. Au service de cette tâche de pacification et de réconciliation. Catherine mettra une persévé-

rance inlassable.

De 1564 à 1566, elle entreprend un long voyage à travers la France par Lyon, la Provence, le Languedoc et Bordeaux, dans le dessein de montrer le jeune roi Charles IX au royaume et de revivifier la foi monarchique des populations. Durant ce voyage, elle réforme, elle ordonne, elle rend la justice ; surtout elle prend contact avec les forces vives du pays.

À son retour, en 1567, les troubles reprennent lorsque Condé et Coligny.

pour mettre la légitimité de leur côté, essaient d’enlever le roi. C’est un échec.

En mars 1568, la paix de Longjumeau rétablit exactement l’édit d’Amboise.

Mécontente des protestants, Catherine commet l’erreur de renvoyer le chancelier Michel de L’Hospital. Se sentant menacés, les huguenots reprennent la lutte, soutenue par le cardinal de Lorraine, Birague et Tavannes. Catherine prend l’offensive en Poitou contre les huguenots, qui sont battus à Jarnac et à Moncontour (1569) par son fils préféré, le duc Henri d’Anjou.

Soucieuse de paix et d’équilibre, craignant les Guises, Catherine signe pourtant en août 1570 la paix de Saint-Germain, qui renouvelle, elle aussi, l’édit d’Amboise, mais avec une innovation qui va se révéler dangereuse : l’octroi aux protestants de quatre places de sûreté, La Rochelle, Montauban, La Charité et Cognac. À ce moment, Catherine semble se rapprocher des calvinistes, fait le projet de marier le duc d’Anjou à Elisabeth d’Angleterre et fait même entrer Coligny au conseil.

On décide de l’union du roi de Navarre avec une soeur du roi, Marguerite de Valois, gage d’une politique d’entente entre protestants et catholiques.

Cependant, l’amiral de Coligny, qui est un mauvais diplomate, s’impose peu à peu au faible Charles IX (majeur depuis 1563) et veut dresser le fils contre la mère ; surtout, il persuade le roi d’un vaste projet militaire consistant à attaquer l’Espagne aux Pays-Bas avec l’appui anglais. Catherine, amie de la paix, incrédule quant au succès, sachant que le royaume est trop divisé intérieurement pour poursuivre une politique aussi aventureuse, prend peur, croit voir Philippe II vainqueur et ses enfants détrônés.

C’est pourquoi elle n’hésite pas à faire arquebuser Coligny par un tueur professionnel, le 22 août 1572, mais la victime n’est que blessée ; Charles IX

menace, et Catherine, affolée, laisse les Guises organiser le massacre de la Saint-Barthélemy dans la nuit du 23 au 24 août. Ce crime est une grande faute politique : il ne résout pas le problème protestant, puisqu’une autre guerre éclate aussitôt ; de plus, le massacre

fait basculer l’équilibre en faveur des Guises et du parti catholique. En 1573, la paix de La Rochelle, la quatrième en dix ans, maintient le « statu quo ».