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En Angleterre, le cardinal Henry Edward Manning (1808-1892), archevêque de Westminster à partir de 1865, multiplia les interventions en faveur des ouvriers et des grévistes ; le discours qu’il prononça à Leeds, en 1874, sur The Dignity and Rights of the Labour eut un grand retentissement. Aux États-Unis, la puissante association ouvrière américaine des Chevaliers du travail (Knights of Labour), fondée en 1880, fut protégée et défendue par le cardinal James Gibbons (1834-1921), archevêque de Baltimore (1877).

C’est en Allemagne que le catho-

licisme social connut alors son plus grand développement. Les catholiques allemands étaient très sensibles à l’ébranlement des structures sociales anciennes par le capitalisme libéral.

Dès 1848, les assemblées annuelles des catholiques d’outre-Rhin mirent à leur ordre du jour la question sociale.

Déjà un ancien cordonnier devenu prêtre, l’abbé Adolf Kolping (1813-1865), avait organisé l’apprentissage et orienté l’action sociale des catholiques vers l’organisation de la profession.

Mais le catholicisme social allemand n’aurait pas eu ce dynamisme exceptionnel sans l’action de l’évêque de Mayence, Mgr von Ketteler, dont l’ouvrage essentiel, la Question ouvrière et le christianisme (1864), indiquait que la solution du problème ouvrier ne se concevait qu’en fonction d’une conception générale de l’État et de la société ; le prélat s’y montrait résolument hostile aussi bien au socialisme étatique qu’à la bourgeoisie capitaliste.

Mgr von Ketteler fut en fait le premier théoricien du corporatisme chrétien.

Les idées lancées par Ketteler rencontrèrent un succès tout particulier en Autriche grâce au baron Karl von Vogelsang (1818-1890), qui, après la mort de Ketteler (1877), fut considéré durant un temps comme le principal doctrinaire du catholicisme social.

Du corporatisme au

syndicalisme (1871-1914)

Cependant, les ruines sanglantes de la Commune de Paris (1871) avaient ouvert les yeux de deux gentilshommes français, Albert de Mun et René de La Tour du Pin, sur l’abîme existant entre les classes possédantes et les classes populaires : eux-mêmes avaient été marqués par la pensée de Mgr von Ketteler. Pour combler cet abîme, ils fondèrent et animèrent (1871) les cercles catholiques d’ouvriers : dans leur esprit, ces cercles auraient dû être le point de rencontre de tous les hommes de bonne volonté des classes dirigeantes et des classes populaires ; mais, trop paternalistes, ils ne se développèrent pas.

Par la suite, La Tour du Pin et A. de Mun évoluèrent vers un idéal repré-

sentatif et corporatif qui ne fut efficacement incarné que dans la filature du Val-des-Bois, dirigée par Léon Harmel.

L’influence de ces hommes dépassa les frontières de la France : ils étaient entrés en contact avec le groupe de chré-

tiens-sociaux de langue allemande qui se réunissait à Francfort et avec le Comité d’études sociales créé à Rome, en 1882, sous le patronage de Léon XIII.

Surtout, ils participèrent aux travaux de l’Union catholique d’études sociales de Fribourg (1884-1891), animée par l’évêque de cette ville. Mgr Mermillod.

Ces travaux inspirèrent largement downloadModeText.vue.download 485 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

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l’esprit et le contenu de l’encyclique Rerum novarum (15 mai 1891), consa-

crée par Léon XIII au problème social.

Ce document, qui prônait la réconciliation des classes dans l’accomplissement de leurs devoirs réciproques, fut désormais considéré comme la charte du catholicisme social.

Dans le sillage de cette encyclique se leva une nouvelle génération qui, dans l’ensemble, lia la cause de la démocratie chrétienne au catholicisme social.

Léon XIII ayant, par ailleurs, prôné le ralliement à la république, les catholiques sociaux se libérèrent de l’hypothèque politique de la monarchie, encore que l’Action* française ait eu aussi une doctrine sociale, proche du corporatisme d’Ancien Régime. Les mouvements qui se multiplièrent alors visèrent à atteindre les masses. Ce fut le cas du Sillon*, de l’Association catholique de la jeunesse française, de la Fédération des groupes d’études. Et tandis que les « abbés démocrates » —

Paul Naudet, Pierre Dabry, Jules Le-mire, Hippolyte Gayraud — remuaient les foules, le catholicisme social atteignait à l’autonomie et à la stabilité grâce à des organes propres comme les Secrétariats sociaux, les Semaines sociales, l’Action populaire.

Grave lacune : malgré l’existence d’un syndicalisme chrétien né en 1887, le catholicisme social, atteint par la lutte antimoderniste et plus particulièrement par la condamnation du Sillon (1910), insuffisamment étayé sur le plan doctrinal et par ailleurs divisé et compartimenté, manquait de cadres proprement ouvriers. En 1914, en France notamment, il apparaissait encore comme adolescent.

En Belgique, l’« école de Liège », qui réclamait l’intervention de l’État et de la législation dans le règlement de la question sociale, eut comme animateurs Mgr Victor Joseph Doutreloux (1837-1901), évêque de Liège, Mgr Antoine Pottier (1849-1923), professeur au grand séminaire de Liège, et l’historien Godefroid Kurth (1847-1916) ; le syndicalisme chrétien ouvrier eut parmi ses principaux propagandistes Gustave Eylenbosch et Léo Brugge-man. Parallèlement à la ligue des paysans, ou Boerenbond, fondée en 1890

par l’abbé Jacobus Ferdinand Mellaerts (1845-1925), Joris Helleputte (1852-

1925) et Frans Victor Schollaert (1851-1917), se développèrent la Ligue nationale des travailleurs chrétiens et la Ligue ouvrière féminine.

En Autriche, les chrétiens-sociaux entrèrent dans la politique avec Karl Lueger (1844-1910), le bourgmestre de Vienne, puis avec Mgr Ignaz Seipel (1876-1932).

Tandis qu’en Grande-Bretagne des rapports se nouaient entre les ouvriers catholiques, les trade-unions et le mouvement travailliste, des évêques américains tels que Mgr John Ireland (1838-1918), évêque de Saint Paul, couvraient de leur autorité le syndicalisme naissant.

Après la Première Guerre mondiale, le catholicisme social s’épanouit en France.

Sur le plan doctrinal, les Semaines sociales jouèrent un rôle décisif, chaque session rassemblant un nombre grossissant de participants attirés par les cours et les débats organisés autour d’un thème social étudié à la lumière de la doctrine catholique. La formule des Semaines sociales s’était d’ailleurs répandue dans dix-sept pays.

Trois foyers de doctrine et

d’action sociale

« La Chronique sociale »

Cette revue, qui s’intitula d’abord Chronique des comités du Sud-Est, fut créée à Lyon, en 1892, par deux catholiques sociaux : Victor Berne et Marius Gonin. En 1907, elle devint la Chronique du Sud-Est et en 1909 la Chronique sociale de France : elle se fondit alors avec la Démocratie chrétienne créée dans le Nord par l’abbé Paul Six. Elle reflète depuis son origine l’enseignement des Semaines sociales.

Diffusée dans toute la France et au-delà, elle reste cependant l’expression de l’école lyonnaise du catholicisme social, la plus ancienne et la plus dynamique.

L’Action populaire

À la fois centre intellectuel et foyer de propagande sociale, elle fut créée à Lille en

1903, par un jésuite, le P. Leroy, qui, devant l’attitude défiante du patronat du Nord, s’installa dès 1904 à Reims avec le P. Desbuquois, qui succéda au P. Leroy († 1917) à la tête de l’Action populaire et installa celle-ci à Vanves, où elle est encore.

L’activité de cet organisme — essentiellement animé par les jésuites — s’est exercée par de nombreuses publications : Revue de l’Action populaire (devenue Projet en 1966), le Mouvement social, les Dossiers de l’Action populaire, auxquels succédèrent, en 1945, les Travaux de l’Action populaire, les Cahiers d’action religieuse et sociale, etc.