Выбрать главу

la rendre provocatrice. Le stratagème réussit. À Vienne, l’élément militaire, toujours prédominant, pousse à la guerre, que le jeune empereur — Fran-

çois-Joseph a vingt-neuf ans —, plein du souvenir des succès autrichiens de 1848-49, redoute moins que personne.

Les piqûres d’épingle du petit Piémont l’exaspèrent. Espérant réduire celui-ci avant que les Français n’interviennent, il prend en main directement la question primordiale du désarmement pré-

alable et fait remettre à Turin, par un envoyé spécial, une demande formelle d’y procéder promptement, en exigeant une réponse sous trois jours. Pareil ultimatum équivaut à une déclaration de guerre. Cavour, qui, peu auparavant, songeait au suicide, le reçoit le 23 avril avec un transport de joie ; il le repousse le 26, tandis que les premiers régiments français débarquent à Gênes. En rejoignant l’armée en mai, le général La Marmora, ministre de la Guerre, laisse son ministère à Cavour, qui a déjà le portefeuille des Affaires étrangères et celui de l’Intérieur (il a succédé à Rattazzi, démissionnaire en janvier 1858).

Tout le poids du gouvernement va pratiquement reposer sur Cavour seul.

La campagne d’Italie

Les premiers succès des armes franco-sardes à Montebello et à Palestro, de Garibaldi à Varèse et à San Fermo rendent tout de suite confiance aux Italiens dans l’issue de la lutte. Après la grande victoire de Magenta et l’entrée triomphale des deux souverains à Milan le 8 juin, Victor-Emmanuel appelle auprès de lui Cavour pour l’associer à un succès qui, à maints égards, est essentiellement son oeuvre. Le 9 juin, les Milanais lui font le même accueil enthousiaste. Continuant sa marche en avant, l’armée franco-piémontaise rejoint les Autrichiens le 24 et engage la sanglante bataille de Solferino, aux abords de Vérone. Malgré l’importance de la nouvelle victoire remportée sur l’ennemi. Napoléon III est inquiet des nouvelles reçues de Paris et, dès le lendemain, mande Cavour au camp pour lui interdire de rien laisser entreprendre contre la province frontière des Marches, territoire pontifical.

Puis c’est, le 12 juillet, le coup de

tonnerre de l’armistice de Villafranca, conclu entre les deux empereurs à l’insu de Victor-Emmanuel. Cavour, désespéré, arrive en hâte de Turin. Tout son plan paraît s’écrouler, bien que la cession par l’Autriche de la Lombardie à la France, qui rétrocède celle-ci au Piémont, soit déjà un immense avantage. Le roi, bien qu’humilié, l’a compris. Mais Cavour, en rencontrant le souverain à Monzambano, est toujours downloadModeText.vue.download 498 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

2177

si indigné contre Napoléon III et contre ce qu’il considère comme la faiblesse de Victor-Emmanuel lui-même qu’il s’oublie jusqu’à lui manquer de respect et lui remet sur l’heure sa démission. Il se rend ensuite à Leri, et de là en Savoie, puis en Suisse, laissant le terrain libre au nouveau ministère formé par le général La Marmora avec Rattazzi comme ministre de l’Intérieur.

Toutefois, le terrain où s’est engagé Napoléon III est une pente glissante, qu’il n’a pas prévue. Le grand-duc Léopold II a abandonné la Toscane le 27 avril ; le prince Jérôme Napoléon, qui a débarqué avec des forces destinées théoriquement à contenir les Autrichiens au sud, s’est tout de suite rendu compte que l’idée d’en empê-

cher la réunion au Piémont est absolument utopique, et il a même secondé le mouvement émancipateur déclenché par Ricasoli et les patriotes toscans qui l’entourent. Encouragé par cette constatation, Cavour reprend coeur et, rentré à Turin à la fin d’août, résolu à seconder même les éléments avancés rassemblés notamment par la Société nationale tout en les contenant contre tout excès, il attend le développement prévisible de la situation. À l’inté-

rieur, Rattazzi se révèle incapable de résister à l’extrême gauche et, malgré l’appui de l’Angleterre, qu’inquiètent les succès français, de tenir tête à Napoléon III ; il donne sa démission (janv. 1860) sous la pression de l’opinion publique, qui n’a confiance qu’en Cavour.

Oubliant sa rancune dans l’inté-

rêt national, le roi rappelle Cavour le 20 janvier au gouvernement, où il reprend, avec la présidence du Conseil, les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Dès le 18 et le 22 mars, après des plébiscites organisés pour complaire à Napoléon III, qui ne peut récuser le procédé grâce auquel il est parvenu lui-même au pouvoir, l’annexion de l’Emilie (avec les anciens duchés de Parme et de Modène) et celle de la Toscane au Piémont sont prononcées par décret royal. Aussitôt, la cession à la France de la Savoie et du comté de Nice, différée après Villafranca — car l’accord de Plombières ne la prévoyait que si le royaume de Sardaigne s’étendait jusqu’à l’Adriatique

—, est signée à Paris par le ministre sarde, le comte Nigra, secrétaire particulier de Cavour ; des avantages qui équivalent à la conquête de la Vénétie ont été en effet assurés au Piémont avec l’accord de l’empereur des Français.

La poursuite de l’unité

La phase suivante des opérations d’annexion est plus difficile, car l’instrument principal va en être Garibaldi, plébéien indomptable, habitué aux coups de force, au reste furieux de la cession à la France de Nice, sa ville natale, et non plus des aristocrates comme l’énergique baron Ricasoli et les nobles toscans qui ont formé avec lui le gouvernement provisoire. Il s’agit en outre de s’opposer à Naples à un jeune roi de vingt-trois ans dont la mère, très aimée du peuple, est une princesse de Savoie et qui est soutenu par les sympathies de toutes les cours, excepté celle d’Angleterre, ainsi qu’au pape, détenteur d’un pouvoir tenu pour sacré par la plupart des catholiques. Cavour, revenu au pouvoir, a envoyé à toutes les chancelleries européennes une circulaire où il déclare impossible au roi Victor-Emmanuel de s’opposer à la marche naturelle et fatale des événements, et une autre aux représentants du royaume à l’étranger, admettant qu’après les vains efforts de la diplomatie le devoir des populations est d’agir par elles-mêmes.

Cependant, il ne peut aller plus loin.

L’audacieuse expédition des Mille, qui conduit Garibaldi et ses fidèles, mazziniens pour la plupart, de Quarto, petit port voisin de Gênes, jusqu’au

port sicilien de Marsala, va prendre et conserver dans l’histoire de l’Italie une couleur de légende (6 mai - 7 sept.

1860). Cavour doit se borner à contenir l’indignation des cours étrangères et à faire valoir l’appui que le hardi condottiere recevait des populations ; mais il lui faut encore ordonner à l’amiral Per-sano, dont la flotte surveille le détroit de Messine, de laisser passer Garibaldi en Calabre, alors que le roi le lui a interdit, pour paraître condescendre au désir de Napoléon III.

François II s’est résigné à la perte de la Sicile, mais il espère encore, en annonçant une Constitution, en adoptant le drapeau italien, amener la Sardaigne à s’allier avec lui et ainsi préserver le reste de son royaume. Cavour paraît se prêter à ces négociations, mais il engage sous main Garibaldi à aller de l’avant. La marche de ce dernier du dé-

troit à Naples, accompagné seulement de quelques officiers, ne rencontre d’ailleurs aucun obstacle. Mais enivré de ses succès, pris entre les conseils opposés de Giorgio Pallavicino, qu’il a nommé prodictateur, et des mazziniens, représentés surtout par l’avocat sicilien Crispi, Garibaldi fait craindre à Cavour un coup de main contre l’État pontifical, qui aurait obligé de nouveau Napoléon III à intervenir, mais comme défenseur du pape. Pour le devancer, il faut que le gouvernement de Turin intervienne lui-même. Les représentants que Victor-Emmanuel envoie à Paris afin d’obtenir l’autorisation de rejoindre le royaume de Naples à travers les Marches et l’Ombrie reçoivent la réponse célèbre : « Faites, mais faites vite. »