Cette fascination du crépuscule de l’humain, que subit Céline dans ses premières oeuvres, devait l’amener à être le témoin du sordide crépuscule des dieux du nazisme et de leurs secta-teurs. On peut dire de Céline qu’il aura été un émigré « objectif », car rien, sinon son antisémitisme passionnel, qui lui tient lieu d’idéologie (et qui en est une), ne rapprochait l’écrivain des partisans de la collaboration. Récits de l’exil à Sigmaringen, D’un châ-
teau l’autre, et Féerie pour une autre fois ont la même tenue explosive que le Voyage. Pourtant, dans ces oeuvres crépusculaires et rageuses, il manque à Céline son objet essentiel : la misère des humbles et des aliénés sociaux. Il lui manque la vraie mort, qui n’est pas la mort dans l’âme, et aussi l’amour vrai, qui n’est pas la complicité.
On peut mesurer aujourd’hui l’apport de Céline à notre histoire — nous voulons dire à notre histoire concrète,
celle de notre société. Céline est le romancier d’un monde qui n’a pas encore basculé dans la consommation et qui ne connaît pas encore l’homme « uni-dimensionnel » de Marcuse. En dépit de son réalisme, l’oeuvre de Céline demeure à l’abri de l’univers concentrationnaire et de celui des autoroutes.
Voyage au bout de la nuit s’est arrêté à la nuit.
Les principales oeuvres de
Céline
Voyage au bout de la nuit (1932) Mort à crédit (1936)
Guignol’s Band (1943)
Féerie pour une autre fois (1952) Normance (1954)
D’un château l’autre (1957)
Nord (1960)
Le Pont de Londres (1964)
M. Z.
M. Hindus, The Crippled Giant, a Bizarre Adventure in Contemporary Letters (New York, 1950 ; trad. fr. Céline tel que je l’ai vu, l’Arche, 1951 ; nouv. éd., Éd. de l’Herne, 1969). / M. Han-rez, Céline (Gallimard, 1961 ; nouv. éd., 1969).
/ P. Vandromme, Louis-Ferdinand Céline (Éd.
universitaires, 1963). / Revue l’Herne, deux nu-méros spéciaux, mars 1963 et févr. 1965. / D. de Roux, la Mort de L.-F. Céline (Bourgeois, 1966).
/ F. Vitoux, Louis-Ferdinand Céline : misère et parole (Gallimard, 1973).
Cellini
(Benvenuto)
Sculpteur, orfèvre, médailleur italien (Florence 1500 - id. 1571).
Grâce à son autobiographie, la Vita, écrite entre 1558 et 1566, le personnage est mieux connu que son oeuvre, en grande partie perdue.
Publiée en 1728 seulement, elle fut traduite en anglais, en allemand (par Goethe), puis en français (plus récente traduction : Cellini, Mémoires, éd. Sul-
liver, 1951). Son succès fut immense au temps du romantisme (Benvenuto Cellini, opéra de Berlioz).
La Vita est un très intéressant document sur les moeurs et la psychologie des artistes et de leurs mécènes au XVIe s., mais on peut aussi bien la lire comme un récit des aventures souvent picaresques de Cellini, en plus de deux cents épisodes : à Florence apprend la musique et travaille chez un orfèvre ; rixe et bannissement ; à Rome, joue du cornet devant le pape ; duel ; chasse ; est atteint de la peste ; au siège de la ville, prétend avoir tué le connétable de Bourbon ; reçoit en pleine poitrine un boulet de canon ; revient à Florence et part pour Mantoue ;
Michel-Ange fait son éloge ; invité par le pape à retourner à Rome, en profite pour le voler ; devient maître des coins de la Monnaie ; accusé de faux monnayage, perd sa charge de la Monnaie ; encore que plusieurs fois accusé de sodomie, suit à Naples une jeune Sicilienne dont il est épris ; calomnié, dit-il, par l’orfèvre milanais Pompeo, le tue d’un coup de poignard, meurtre pour lequel il finira par être gracié ; pré-
sente ses oeuvres à Charles Quint ; appelé en France par François Ier, tombe malade et revient à Rome, où il se fait downloadModeText.vue.download 505 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
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arrêter sous l’accusation d’avoir volé les pierreries du pape Clément VII ; évadé du château Saint-Ange, est jeté dans la prison des condamnés à mort, puis relâché ; en 1540, part pour la France ; François Ier lui octroie un traitement égal à celui qu’avait eu Léonard de Vinci, des lettres de naturalisation et la seigneurie du Petit-Nesle ; devient père d’un enfant naturel, qu’il abandonne ; le Primatice et la duchesse d’Etampes intriguent contre lui ; craignant d’être pendu pour avoir commis des détournements au détriment du roi, rentre dans sa ville natale, où Cosme Ier lui concède une maison ; adopte un garçon dont il voudra faire un moine, se marie sur le tard et devient père de cinq enfants ; de peur de mourir empoi-
sonné, sollicite, en vain, l’autorisation de regagner la France. En 1568, Cellini publiera deux traités, l’un sur l’orfè-
vrerie, l’autre sur la sculpture.
La violence de son caractère et la brutalité de son comportement ordinaire contrastent absolument avec la préciosité de son style d’orfèvre et de sculpteur. Les premières oeuvres qu’on ait de lui sont des médailles et des monnaies qui témoignent de sa culture classique avant de refléter, vers 1535, l’influence de Michel-Ange*. Son chef-d’oeuvre d’orfèvre est la Salière de François Ier (commencée en 1539, musée de Vienne), au décor d’une riche complication, dominé par les statuettes en équilibre instable de Neptune et de la Terre. La Nymphe de Fontainebleau (v. 1543-44, musée du Louvre), relief de bronze à fond animalier, destiné à la porte Dorée du château, est une oeuvre charnière qui marque les débuts de Cellini dans la sculpture de grand format et confirme une orientation qui va faire de lui, bien au-dessus du froid Baccio Bandinelli (1488-1560), le meilleur sculpteur maniériste de sa génération, en contact avec les deux centres bel-lifontain (v. Fontainebleau) et florentin. Sans oublier le noble Crucifix en marbre de l’Escorial (commencé v.
1555), c’est en définitive au Persée de la Loggia dei Lanzi à Florence (1545-1553) qu’il faut demander la vraie mesure de Cellini. Réussite technique de la fonte à cire perdue, la statue allie une tension complexe, puissante, à la virtuosité anatomique et à l’élégance, tout en contrastant, trop fortement peut-être, avec le traitement orfévré qui éclate dans le socle aux statuettes d’un raffinement nerveux, au décor de masques, de cartouches, de guirlandes d’une surabondante richesse.
M. G.
H. Focillon, Benvenuto Cellini, biographie critique (Laurens, 1911). / E. Camesasca, Tutta l’opera del Cellini (Florence, 1955).
cellule
Unité fondamentale de tout être vivant végétal ou animal.
Une cellule peut former à elle seule
un individu autonome, un organisme unicellulaire (Bactérie, Protophyte et Protozoaire) ; plusieurs cellules peuvent s’associer, en se spécialisant diversement pour composer des organismes pluricellulaires (Métaphyte et Métazoaire). Les cellules sont généralement de taille inférieure au dixième de millimètre ; aussi leur découverte a-t-elle été concomitante de l’invention du microscope (1665), mais le caractère très général de la constitution essentiellement cellulaire de tous les organismes n’a été énoncé qu’en 1838-39 par le botaniste M. J. Schleiden et le zoologiste T. Schwann, et la théorie cellulaire complétée en 1860 seulement par R. Virchow : « Toute cellule est issue d’une cellule pré-existante. »
Jusqu’à la fin de la première moitié du XXe s., ce sont surtout les aspects variés de la morphologie et de la physiologie cellulaires qui ont été mis en évidence.
Grâce aux techniques dont le cytolo-giste dispose actuellement, il apparaît qu’en réalité les ultrastructures et les mécanismes biologiques fondamentaux présentent une remarquable uniformité.
Généralités
La cellule est faite de deux parties principales : une masse hyaline, le cytoplasme, renfermant un corps central, le nucléoïde, relativement diffus chez les Bactéries (Procaryotes) ; le noyau, bien délimité et réfringent chez tous les autres organismes (Eucaryotes). Le cytoplasme est limité par une mince pellicule (plasmalemme), éventuellement doublée extérieurement, chez les Végé-