ronne de France et assurait sa transmission au plus proche héritier mâle par le sang du souverain défunt, sans qu’il ait été jamais nécessaire de recourir à une prétendue loi salique qui ne sera évo-quée qu’à partir du règne de Charles V
pour justifier a posteriori l’avènement des Valois en 1328.
Pourtant, les événements de 1316 et de 1322 n’avaient pas entièrement ré-
solu le problème de la succession monarchique, car, dans les deux cas, les filles des souverains défunts écartées du trône n’avaient pas de fils. Or, leur inaptitude à assumer la dignité royale n’entraînait pas ipso facto leur inaptitude à la transmettre. En était-il ainsi en 1328 d’Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel, soeur de Charles IV
le Bel, mais aussi mère du roi d’Angleterre Édouard III, dont se trouvait par là même justifiée la candidature au trône de France concurremment avec celles des cousins germains du souverain défunt, Philippe de Valois et Philippe d’Evreux ? Ayant écarté ce dernier prince en raison de sa jeunesse relative et de son manque d’ambition, ayant refusé la couronne à Édouard sous le pré-
texte de l’inaptitude des femmes à la transmettre à leurs descendants mâles, ce qui revenait à poser un principe nouveau en matière de droit successoral monarchique, une nouvelle assemblée, composée exclusivement de barons et de prélats réunis à Paris, porta son choix sur le second de ces princes, fondateur de la dynastie de Valois. Sous le nom de Philippe VI, celui-ci devait être couronné à Reims le 29 mai 1328, et, malgré quelques protestations de pure forme mais non dénuées de valeur juridique, Édouard III se résignait à lui prêter hommage à Amiens le 6 juin 1329 et à reconnaître ledit hommage comme « lige » par des lettres patentes munies du grand sceau d’Angleterre le 30 mars 1331.
Le serment d’Édouard III ne devait pourtant pas lier le souverain au détriment de la défense de ses intérêts. Or, ces derniers ne l’opposaient pas à Philippe VI de Valois sur les seuls plans du droit féodal et du droit dynastique, mais aussi sur celui de l’économie.
Menacée de voir avec la Guyenne lui
échapper un marché viticole particulièrement avantageux sur le triple plan de la qualité, de la quantité et des prix, l’Angleterre pouvait difficilement accepter que la politique des rois de France et de leurs agents, qui visait également à replacer le comté de Flandre sous leur étroite autorité, lui fasse perdre le contrôle de cette principauté territoriale dont les villes drapantes constituaient un débouché lucratif et presque unique aux laines d’outre-Manche. Enfin, il faut ajouter que, fidèle à une tradition inaugurée par ses prédécesseurs en 1295, Philippe VI de Valois accueillit et soutint le roi d’Écosse David Bruce contre son rival Édouard de Baliol, qui bénéficiait de l’appui d’Édouard III, tandis que ce dernier contractait alliance depuis 1336
avec les adversaires du roi de France en Flandre et en Hainaut.
Ainsi il ne faut pas s’étonner que le roi de France ait prononcé pour la troisième fois, le 24 mai 1337, la confiscation de la Guyenne, et que le roi d’Angleterre ait riposté le 7 octobre suivant en reniant l’hommage prêté en downloadModeText.vue.download 516 sur 573
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1329 pour la Guyenne et pour le Ponthieu et en revendiquant le royaume de France pour lui-même. La guerre ouverte franco-anglaise commençait : elle devait durer plus d’un siècle.
Les forces en présence
Forces démographiques et
économiques
Apparemment, elles étaient disproportionnées. Maître d’un royaume dont la population s’élevait entre 12,5
et 15,6 millions d’habitants, le roi de France disposait de terrains aux productions très diversifiées (céréales, vignobles, pastel) et d’une rentabilité parfois assez élevée (Île-de-France, Normandie, Flandre), capables de subvenir aux besoins des actives populations urbaines de la Flandre, de l’Artois (travail des textiles, fabrication des draps), du Sud-Ouest (commerce
du vin) et surtout de Paris, qui, riche de ses 100 000 à 200 000 habitants, se classait en matière démographique au second rang des villes européennes, immédiatement après Constantinople.
Facilités depuis le régime de Louis IX
par la mise en circulation déçus d’or ainsi que par le transfert définitif en 1309 du siège de la papauté à Avignon, les échanges commerciaux stimulaient l’essor économique du royaume, encore que les grands bénéficiaires en fussent les Lombards et que l’ouverture de la route terrestre du Saint-Gothard, en 1237, et celle de la route maritime de Gibraltar, en 1277, eussent contribué à détourner vers la vallée du Rhin et vers l’océan Atlantique une partie du trafic italo-flamand qui avait fait au XIIIe s. la prospérité des foires de Champagne.
Peuplée au plus de 4 millions d’habitants à la veille de la guerre de Cent Ans, faiblement industrialisée (début de la draperie) et surtout très médiocrement urbanisée puisque Londres ne comptait pas 40 000 habitants, l’Angleterre d’Édouard III vivait de ses ressources céréalières et surtout de ses exportations d’étain et de laine, qui bénéficiaient également aux marchands étrangers (Italiens, Hanséates, etc.).
Forces financières et politiques Favorable à la France en matière dé-
mographique et économique, le rapport des forces était plus équilibré en matière financière et politique. Sur le premier point, les deux royaumes souffraient d’un égal manque d’argent, que les souverains tentaient de compenser en taxant lourdement les transactions (taxe sur les laines en Angleterre, complétée dans ce pays par l’institution du privilège et de la compagnie de l’Etape), en recourant aux levées d’impôts extraordinaires, toujours mal supportées par les populations, surtout rurales (les maltôtes), enfin en procédant à des emprunts, en particulier auprès des marchands étrangers ; ces emprunts étaient d’une telle ampleur que leur non-remboursement par Édouard III entraîna la faillite des compagnies des Peruzzi en 1342 et des Bardi en 1346, auxquelles il devait respectivement au moment du dépôt de
leur bilan 600 000 et 900 000 florins.
Egalement faibles sur le plan financier, les deux souverains paraissaient également forts sur le plan politique ; l’autorité personnelle d’Édouard III, bien appuyée sur une excellente administration locale, celle des sherifs, lui permettait de faire du Parlement un auxiliaire précieux de son pouvoir, tandis que Philippe VI de Valois disposait en France d’une autorité indiscutée sur les deux tiers de son royaume (le domaine) et d’une influence décisive tant auprès des cinq derniers princes apanagés qu’auprès des chefs de trois des quatre dernières principautés territoriales ayant conservé une relative autonomie, Flandre, Bourgogne et Bretagne, la Guyenne seule échappant à son emprise directe ou indirecte.
Forces diplomatiques et militaires Par contre, en matière diplomatique et militaire, le rapport des forces se ren-versait en faveur du roi d’Angleterre.
Philippe VI ne pouvait, en effet, compter que sur l’appui trop brouillon du chevaleresque roi de Bohême, Jean de Luxembourg ; trop laborieux du roi de Castille, Alphonse XI ; trop faible du comte de Flandre, Louis de Nevers ; trop incertain des évêques de Liège et de Metz ; trop mesuré du pape d’Avignon, Benoît XII (1334-1342), que sa position de chef de la chrétienté empê-
chait de se prononcer totalement en sa faveur.
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Par contre, Édouard III d’Angle-
terre avait su se ménager des alliés autrement efficaces soit par la voie diplomatique (Hainaut, Berg, Clèves, Brabant, Limbourg), soit par la voie financière, l’empereur Louis IV ne lui ayant promis son appui en juin 1337