que contre le versement d’une somme de 300 000 florins. En outre, Robert d’Artois et les villes flamandes ne lui refusèrent pas leur soutien, le premier par haine à l’égard du roi de France, qui l’avait dépossédé de ses biens
pour crime de félonie, les secondes par hostilité à l’encontre de ce même souverain, qui avait écrasé leur milice à Cassel en 1328 et auquel elles reprochaient, en outre, sa politique antian-glaise, qui amenait la rupture des courants traditionnels d’importation de laine en provenance d’outre-Manche.
La supériorité militaire des Anglais était encore plus décisive que leur su-périorité diplomatique. Elle se manifesta d’abord au niveau des hommes, Édouard III et ses successeurs ayant eu recours, pour former leur cavalerie, au volontariat d’hommes d’armes recrutés par contrats (endentures de guerre), et, pour constituer leur infanterie, aux levées d’autorité dans les comtés par les commissaires d’arroi, qui choisis-saient de préférence de rudes montagnards gallois ou anglais déjà aguerris au combat par de longues campagnes au pays de Galles et surtout en Écosse.
Par contre, l’armée du roi de France juxtaposait une chevalerie anarchique groupée en bannières, elles-mêmes réunies en batailles, une infanterie mé-
prisée, la piétaille, formée de milices communales inexpérimentées et de mercenaires étrangers surtout génois (les arbalétriers). Sans doute certains nobles acceptèrent-ils de se placer à partir du règne de Philippe IV le Bel sous le commandement d’un capitaine qui les constituait en compagnies (plus tard dénommées bandes ou routes), dont l’importance crût avec le temps, mais trop lentement pour pouvoir jouer un rôle décisif dans la guerre avant la mort de Jean II le Bon. D’ailleurs, l’insuffisance de ressources financières de la monarchie française l’empêcha de mettre sur pied des armées numériquement supérieures à celles des Anglais, c’est-à-dire dépassant une dizaine de milliers d’hommes.
L’infériorité des troupes françaises était d’ailleurs aggravée par la médiocrité de leur armement. Ne tirant que deux carreaux ou que trois ou quatre flèches à la minute, l’arbalète fran-
çaise, trop lente, et l’arc génois, trop lourd, ne pouvaient égaler en efficacité meurtrière et psychologique le grand arc anglais en bois d’if (long bow), qui tirait dix à douze flèches dans le même
temps, la coutille, couteau long et effilé que le fantassin anglais glissait par le défaut des cuirasses jusqu’aux parties vitales des chevaliers français tombés à terre et immobilisés sous le poids de leurs chevaux, la bruyante bombarde, enfin, première arme à feu, qui tirait rarement mais qui semait la panique parmi les hommes et les chevaux.
En laissant, par ailleurs, aux Anglais l’initiative stratégique de mener contre eux une guerre d’usure dont l’instrument le plus efficace fut la chevauchée, qui ne laissait après son passage que morts et que ruines, en se refusant sur le plan tactique à laisser l’infanterie des archers et des arbalétriers affaiblir l’adversaire avant de lancer la cavalerie à l’assaut de ses positions ébranlées, les Français achevèrent d’aggraver en leur défaveur le déséquilibre des forces en présence, déséquilibre qui se tradui-sit rapidement par de cruelles défaites.
Les étapes de la guerre
de Cent Ans
Coupée par une longue période de trêves (1388-1411), la guerre de Cent Ans se divise, en réalité, en deux temps essentiels (1338-1388 et 1411-1453), au cours desquels la marée anglaise, après un premier flux victorieux (1338-1360 et 1411-1435), connaît un reflux presque total, et dont le second s’avère décisif (1360-1388 et 1435-1453).
La conquête anglaise (1338-1360) Dans la première période, les opérations s’engagent en Flandre en raison de l’attitude de Jacob Van Artevelde, capitaine de la ville de Gand, le 3 janvier 1338. Celui-ci prend en effet la tête d’une révolte qui gagne rapidement les autres villes flamandes, avec lesquelles Édouard III signe le traité d’alliance du 3 décembre 1339 en échange de la levée de l’embargo sur les laines à destination de la Flandre ; peu après, le roi d’Angleterre prend solennellement le titre de roi de France (janv. 1340).
Mais déjà les opérations ont débuté sur terre par une vaine chevauchée d’Édouard III à travers la France du Nord, et notamment à travers le Cambrésis, le Vermandois, le Soissonnais
et la Thiérache, en septembre 1339, et sur mer par des raids des marins fran-
çais contre les ports de la côte sud de l’Angleterre.
Mais, ayant réussi à infliger le 24 juin 1340 une défaite navale décisive près de L’Ecluse (Sluis), avant-port de Bruges, à la flotte de Philippe VI, composée de 200 navires français ou italiens (surtout génois), le roi d’Angleterre acquiert la maîtrise de la mer qui lui permettra, ainsi qu’à ses successeurs, de faire passer en France sans difficulté les renforts nécessaires à la poursuite du conflit jusqu’en 1453.
S’étant engagées en Flandre par le vain siège de Tournai par Édouard III, les opérations sont interrompues par la trêve d’Esplechin du 25 septembre 1340 jusqu’au 24 juin 1342, avant de reprendre en Bretagne jusqu’à la trêve de Malestroit, le 19 janvier 1343, et jusqu’à l’inutile conférence d’Avignon (oct.-déc. 1344). Perdant la Flandre (assassinat de Jacob Van Artevelde en juill. 1345), élargissant les opérations à la périphérie de la Guyenne (1345-1346), Édouard III entame alors la chevauchée décisive qui de Saint-Vaast-la-Hougue le mène par Caen (20 juill.) et Poissy (16 août) jusqu’à Crécy, où, le 26 août, la chevalerie française est écrasée, ce qui permet à Édouard d’occuper après onze mois de siège la ville de Calais* (4 sept. 1346 -
4 août 1347), dont il fait la base d’une patrouille de la mer et où il transfère en 1363 l’étape de la laine. Le désastre de Philippe VI de Valois est d’ailleurs aggravé par ceux que subissent ses alliés, Charles de Blois-Châtillon en Bretagne et David II Bruce en Écosse.
Aussi recherche-t-il une trêve, qu’il obtient le 28 septembre 1347 et qui est renouvelée jusqu’en juin 1355.
Empêchées par la « peste noire » et ses conséquences depuis la fin de 1347, limitées par les difficultés financières (appel de Philippe VI aux états de langue d’oïl en 1343, en 1346 et en nov.
1347) ainsi que par le ralliement des villes de Flandre à leur comte, Louis II de Mâle, les opérations reprennent pourtant sous le règne de Jean II le Bon (1350-1364). Pour effacer les désastres paternels, celui-ci a, en effet, tenté de réorganiser son armée en créant de
nouvelles catégories de combattants (les hommes de cheval, plus légèrement armés), en multipliant les corps spécialisés (arbalétriers, quelques archers), en augmentant les soldes, en instituant l’ordre de l’Étoile. L’importance de cette oeuvre n’empêche pourtant pas le nouveau souverain de subir downloadModeText.vue.download 518 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
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de nombreux échecs, diplomatiques et militaires.
Malgré les négociations de Guînes en avril 1354, malgré celles d’Avignon en 1355, il ne peut en effet mettre fin aux hostilités ; surtout, il ne peut empê-
cher le roi de Navarre, Charles le Mauvais, de se rapprocher du roi d’Angleterre, bien qu’il lui ait donné sa fille en mariage et qu’il lui ait cédé le comté de Beaumont-le-Roger et la majeure partie du Cotentin par le traité de Mantes en février 1354 : aussi doit-il l’arrêter au château de Rouen le 5 avril 1356. Cet acte provoque aussitôt une chevauchée d’Henri de Lancastre en Normandie, moins décisive que celle qu’entreprend en août le Prince Noir, Édouard, qui, à son terme, bat et fait prisonnier Jean II le Bon près de Poitiers le 19 septembre 1356. Après une ultime chevauchée qui mène Édouard III de Calais (oct.