Estimant que la reprise de la guerre franco-anglaise serait un moyen pour lui d’affermir par la victoire une dynastie contestée (révolte des lollards en 1414, conspiration et exécution de son cousin Richard de Cambridge en 1415), revendiquant la totalité des anciens fiefs continentaux des Plantagenêts, sinon même la couronne de France en tant que descendant des Capétiens et en vertu des clauses de renonciation du traité de Brétigny-Calais, pourtant non ratifiées par ses prédécesseurs, le nouveau souverain entame dès 1413
des négociations que l’ampleur de ses revendications rend vaines par avance, mais qui lui laissent le temps d’achever ses préparatifs militaires.
En 1415, la campagne décisive s’engage. Débarquant le 14 août en Normandie, Henri V s’empare de Harfleur downloadModeText.vue.download 519 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
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le 22 septembre après un mois de siège, puis, prenant comme son prédécesseur la route de Calais, il décime au passage à Azincourt, en Artois, le 25 octobre
1415, la noblesse française, qui n’a pas su tirer profit des leçons de Crécy et de Poitiers. Sans doute le roi d’Angleterre renonce-t-il à exploiter stratégiquement sa victoire, puisque, par Calais, il regagne aussitôt son pays. Mais il a désormais les mains libres pour achever la conquête méthodique de la Normandie : les Anglais s’emparent de Caen en septembre 1417 et occuperont Rouen en janvier 1419. La faiblesse mentale de Charles VI, l’âpre querelle qui oppose les Armagnacs et les Bourguignons, dont le chef Jean sans Peur occupe Paris le 28 mai 1418, leur permettent de progresser sans danger vers cette ville et d’occuper Mantes le 5 fé-
vrier 1419. Sept mois plus tard, l’assassinat du duc de Bourgogne par Tanguy Du Châtel à Montereau, le 10 septembre 1419, jette dans son camp le fils de la victime, Philippe III le Bon (duc de 1419 à 1467), dont l’appui décisif lui permet d’imposer à Charles VI la signature du traité de Troyes du 21 mai 1420. En fait, Henri V ne peut ceindre la couronne de France, dont il est dès lors l’héritier reconnu, puisqu’il meurt le 31 août 1422, quelques semaines avant que ne disparaisse, le 21 octobre suivant, son beau-père Charles VI, auquel il devait succéder. Aussi est-ce finalement au profit du jeune Henri VI que se fait l’union des deux Couronnes, mais sous une double régence : en Angleterre, celle du cardinal Henri Beaufort et de Humphrey, duc de
Gloucester ; en France, celle de Jean de Lancastre, duc de Bedford, le duc de Bourgogne s’étant récusé. Mais à Mehun-sur-Yèvre le dauphin Charles se proclame aussitôt roi de France sous le nom de Charles VII, remettant ainsi en question les clauses du traité de Troyes, qui fondaient la double monarchie lancastrienne.
Dès lors, il n’y eut plus deux, mais trois Frances. La première, celle des Lancastres, couvrant près du tiers du royaume, comprenant d’une part les pays dotés d’une administration autonome (Calais et ses marges, la Normandie et la Guyenne) et d’autre part les pays de conquête, situés essentiellement au nord de la Loire, dont l’occupation est presque achevée à la suite des victoires de Cravant en Bourgogne,
le 30 juillet 1423, de Verneuil-sur-Avre en Normandie, le 17 août 1424, et de la prise du Mans le 2 août 1425. À
cette date, trois villes seulement restaient entre les mains de Charles VII au nord de ce fleuve : Angers, Tours et surtout Orléans, dont les Anglais allaient commencer le siège le 12 octobre 1428. Pour activer la conquête de la France, le duc de Bedford disposait encore de troupes anglaises, d’ailleurs peu nombreuses (7 000 hommes tout au plus), mais ne pouvait plus compter que sur les seules ressources financières des territoires occupés, chaque royaume devant couvrir ses propres dé-
penses. Aussi escomptait-il l’appui de Philippe III le Bon. dont il avait épousé la soeur Anne de Bourgogne.
Philippe III le Bon régnait de fait sur un immense territoire s’étendant à la fois dans l’Empire et dans le royaume.
Mais, très prudent, il n’apporta que des secours militairement et financièrement limités à son beau-frère, chargé de réduire la France de Charles VII, le
« roi de Bourges ».
À l’exception de la Guyenne,
Charles VII maintenait son autorité sur les pays situés au sud de la Loire, qu’il débordait vers le nord dans la région de Tours et d’Angers. Il disposait d’un outil gouvernemental et administratif de qualité (conseil de Bourges, parlement de Poitiers, etc.), et était bien soutenu par les chefs de grandes maisons princières, d’Orléans et d’Anjou notamment ; sa belle-mère, Yolande d’Aragon, pouvait compter par ailleurs sur l’appui d’une bonne partie de l’opinion publique, qui, à l’exception d’une fraction de la bourgeoisie marchande et du clergé, contestait la légitimité des Lancastres. Il paraissait capable d’entreprendre la reconquête de son royaume. Malheureusement, il lui manquait l’argent, les hommes (malgré les alliances conservées de la Castille et de l’Écosse) et surtout le caractère. Dé-
couragé sans doute par la défaite subie par ses forces à Rouvray le 12 février 1429 (journée des Harengs), le roi de Bourges songeait à abandonner la lutte.
C’est alors qu’apparut Jeanne d’Arc.
Arrivée à Chinon en février 1429 à l’appel de ses « voix », examinée par les théologiens de Poitiers, qui recon-
nurent son orthodoxie, Jeanne réussit à entrer dans Orléans le 29 avril 1429
et à faire lever le siège de cette ville par les Anglais le 8 mai. Victorieuse à Patay le 18 juin, elle gagnait Reims, où elle faisait sacrer Charles VII le 17 juillet, conférant à ce souverain la légitimité dont les Lancastres pré-
tendaient être les détenteurs depuis la signature du traité de Troyes. Sans doute, après ce succès, Jeanne d’Arc n’éprouva-t-elle plus que des échecs, devant Paris le 8 septembre, devant La Charité-sur-Loire en décembre, enfin à Compiègne, qu’elle ne put défendre.
Faite prisonnière sous les murs de cette ville le 23 mai 1430, remise finalement aux Anglais, qui la firent condamner comme sorcière au bûcher, elle fut sup-pliciée à Rouen le 30 mai 1431. Mais ses bourreaux ne tirèrent aucun profit de sa mort. Bien que Bedford lui eût cédé à titre définitif la Champagne et la Picardie, dans l’espoir qu’il en entre-prendrait la reconquête sur les troupes de Charles VII, Philippe le Bon, qui n’avait plus rien à attendre de l’alliance anglaise, préféra traiter avec son royal cousin. Conclue à Lille pour six ans le 13 décembre 1431, la trêve générale fut transformée en traité de paix définitif à Arras, le 21 septembre 1435.
Le traité de Troyes
L’alliance conclue en décembre 1419 entre Henri V de Lancastre et le nouveau duc de Bourgogne, Philippe III le Bon (1419-1467), désireux de tirer vengeance de l’assassinat de son père à Montereau, la haine réprimée par ailleurs par la bourgeoisie parisienne à l’égard des Armagnacs, dont elle avait eu à subir les exactions entre le 1er septembre 1413 et le 28 mai 1418, facilitent la conclusion du traité franco-anglais de Troyes du 21 mai 1420, dont les clauses sont ratifiées mais non pas approuvées par la reine Isabeau de Bavière.
Dénonçant les crimes et délits du « soi-disant dauphin du Viennois », dont la légitimité se trouve ainsi indirectement contestée, le traité de Troyes abandonne à Henri V de Lancastre la propriété personnelle du duché de Normandie et stipule son mariage avec Catherine de France, fille de Charles VI, dont il doit gouverner le royaume avec le titre de régent jusqu’à ce que sa mort fasse de ce roi d’Angleterre
le successeur des Valois. Par cette atteinte flagrante au droit successoral pratiqué en France depuis leur avènement en 1328, le traité de Troyes jette les bases d’une union personnelle entre les deux royaumes, mais non pas d’une fusion, chacun d’eux devant conserver ses institutions et ses coutumes particulières sous l’autorité d’un même souverain. Conforme à l’esprit du temps, qui accepte les unions dynastiques de plusieurs royaumes sous un même souverain (Germanie, Arles et Italie depuis 962 ; Lituanie et Pologne depuis 1386 ; Danemark, Suède et Norvège depuis 1397), la création de la double monarchie franco-anglaise heurte trop les sentiments nationaux pour pouvoir s’imposer à l’ensemble des opinions publiques, anglaise et surtout française.