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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
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Le traité franco-
bourguignon d’Arras du
21 septembre 1435
Il fut signé à l’issue du congrès européen d’Arras (le premier de tous), réuni le 5 août 1435 en présence de deux médiateurs pontificaux, le cardinal de Sainte-Croix, légat du pape, et le cardinal de Chypre, congrès auquel participèrent des délé-
gués anglais (qui se retirèrent le 6 septembre), bourguignons et français, et qui scella la réconciliation de Charles VII et de Philippe III le Bon. Le roi de France désavouait le meurtre de Jean sans Peur, s’engageait à faire célébrer quotidiennement une messe expiatoire à Montereau et une autre à Dijon pour le repos de l’âme de la victime, et s’obligeait à construire à Montereau un monastère de chartreux et à dresser à l’endroit du meurtre une croix expiatoire. Il promettait également de verser au duc de Bourgogne 88 200 écus d’indemnité et de lui céder les comtés de Mâcon et d’Auxerre ainsi que les villes de la Somme (Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville, etc.) et le comté de Ponthieu, qu’il pourrait racheter contre une indemnité de 400 000 écus. Renonçant, en outre, à son alliance avec l’empereur Sigismond, Charles VII acceptait, à titre personnel, de dispenser Philippe le Bon (mais non ses successeurs) de l’hommage qu’il lui devait pour ses fiefs du royaume. N’abandonnant
que des terres qu’il ne possédait plus, ne consentant à des concessions importantes que sur le plan moral, Charles VII obtenait en contrepartie la reconnaissance de sa légitimité par son plus puissant vassal et la possibilité de concentrer toutes ses forces contre celles des Lancastres.
La reconquête (1435-1453)
S’étant ainsi assuré la neutralité bien-veillante du duc de Bourgogne, s’étant rapproché par ailleurs du duc de Bretagne, Jean V, en disgraciant en 1433
La Trémoille au profit de son frère le connétable Arthur de Richemont, Charles VII peut réorganiser ses finances et par suite son armée, dont les hommes, bien équipés et soldés régulièrement, sont organisés en corps de cavaliers (les compagnies d’ordonnance) et de fantassins (les francs archers), créés respectivement en 1445 et en 1448 et dotés par les frères Jean et Gaspard Bureau d’une artillerie* plus légère et par là plus efficace. Aussi peut-il achever la reconquête, qui se fait en deux temps. Dans le premier, qui précède les grandes réformes militaires (1435-1444), Richemont doit se contenter de nettoyer la Champagne et l’Île-de-France, puis d’occuper Paris le 13 avril 1436, avant d’accepter de conclure les trêves de Tours du 28 mai 1444, qui sont consolidées par le mariage d’Henri VI avec Marguerite d’Anjou, nièce de Charles VII.
Dans le second, qui est consécutif à la promulgation des grandes réformes militaires (1444-1453), Charles VII prend l’avantage décisif. S’emparant du Mans le 16 mars 1448, reprenant Rouen le 29 octobre 1449, il achève la reconquête de la Normandie par la victoire de Formigny, qui lui livre la Normandie le 15 avril 1450. En 1451, la Guyenne succombe à son tour (capitulations de Bordeaux le 30 juin 1451
et de Bayonne le 19 août). Après un retour en force des Anglais de Talbot, qui reprennent Bordeaux le 23 octobre 1452, les Français, vainqueurs à Cas-tillon le 17 juillet 1453, reprennent définitivement Bordeaux le 19 octobre suivant. En fait, bien qu’aucun accord n’ait été signé par les Français et les Anglais avant la conclusion de la paix de Picquigny, le 29 août 1475, et bien que Calais soit restée la possession de
ces derniers jusqu’en 1558, la guerre de Cent Ans était achevée.
Bilan
Exceptionnelle par sa durée, traditionnelle par ses mobiles (féodaux ou dynastiques) et souvent par ses méthodes (charges folles de la chevalerie), idéologique par ses buts affirmés (défendre une cause juste), la guerre de Cent Ans a été coupée d’innombrables trêves qui ont limité à un maximum de sept ans la durée des combats continus entre les forces des deux royaumes. Elle développa la xénophobie réciproque de leurs deux peuples et contribua par là même à exalter chez eux un nationalisme virulent qui se renforça de la rupture de l’unité linguistique. Le conflit favorisa, par contrecoup, la naissance du sentiment national, dont la base est ce « patriotisme instinctif »
dont parle Bernard Chevallier et dont Jeanne d’Arc est la plus magnifique illustration.
Coûteuse en hommes, particulièrement éprouvante pour la noblesse fran-
çaise, décimée à Crécy, à Poitiers et à Azincourt, favorisant par contrecoup la mobilité géographique et sociale des hommes, la guerre de Cent Ans eut des conséquences économiques diamétralement opposées pour les deux belligé-
rants, l’Angleterre ayant pu développer sa production agricole et industrielle à sa faveur, alors que celle de la France se trouva gravement amputée par les combats livrés sur son sol. Mais alors que son issue entraîna le regroupement du baronnage anglais contre la monarchie anglaise, regroupement en partie responsable de la guerre des Deux Roses, elle contribua par contre à accé-
lérer l’unification institutionnelle du royaume de France, et donc sa marche vers l’absolutisme, sans pour autant faire disparaître les particularismes locaux, lesquels devaient se maintenir durant des siècles.
La guerre de la Succession
de Bretagne (1341-1365)
À la mort sans héritier direct du duc de Bretagne, Jean III le Bon, en avril 1341, le neveu par alliance de ce dernier, Charles
de Blois-Châtillon, et le demi-frère du dé-
funt, Jean de Montfort, revendiquent également la succession. Invoquant le premier le principe de la représentation féminine, le second celui de la succession masculine par ordre de primogéniture, les deux compétiteurs firent appel au roi de France Philippe VI de Valois, qui trancha en faveur de son neveu Charles de Blois par l’arrêt de Conflans du 7 septembre 1341. En fait, sans attendre ce dernier, Jean de Montfort s’était emparé de Nantes et avait sollicité l’appui d’Édouard III (séjour en Angleterre en 1341) ; celui-ci débarqua en Bretagne et fut reconnu comme roi de France par l’impétueuse Jeanne de Flandre, épouse de Jean de Montfort, qui avait été fait prisonnier à Nantes par Philippe VI venu au secours de son vassal Charles de Blois.
Ainsi, en provoquant l’intervention des rois de France et d’Angleterre dans les affaires intérieures de leur duché, les princes bretons entraînaient celui-ci dans le conflit franco-anglais, dont la guerre de la Succession de Bretagne devint l’un des épisodes majeurs. Au cours de celui-ci, la cause de chacun des princes bretons se trouvait donc soutenue par un souverain qui invoquait pour justifier ses droits à la couronne de France un principe contraire à celui auquel ils se référaient pour défendre les leurs ; en même temps, les habitants de la province se divisaient, la petite noblesse, les villes et la Bretagne bretonnante prenant parti pour Jean de Montfort, alors que le baronnage, le clergé, les campagnes et la Bretagne française se ralliaient à Charles de Blois.
Engagées au terme de la trêve d’Esplechin, conclue le 25 septembre 1340, les hostilités furent interrompues par la trêve de Malestroit le 19 janvier 1343, qui dura jusqu’au 29 septembre 1346.
Libéré entre-temps en septembre 1343, Jean IV (III) de Montfort était décédé en 1345, laissant un fils en bas âge, Jean IV
(V), qu’Édouard III prit sous sa garde et éleva en Angleterre jusqu’en 1362. Placée dès lors sous l’autorité directe de ce dernier monarque, qui y agit en souverain, la Bretagne devint avec la Flandre* et la Guyenne* l’un des trois champs de bataille essentiels de la guerre de Cent Ans, celui où des capitaines d’aventure tels que les Anglais Thomas de Dagworth, Hugh Cal-verly ou le Français Bertrand du Guesclin (1315 ou 1320-1380) inaugurèrent une nouvelle forme de combat, faite de coups