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L’entre-deux-guerres et le

dilemme du Rubicon

Pendant l’absence de César, à Rome, les politiciens ont poursuivi le cours de leurs intrigues. Le tribun Clodius entraînait le peuple à sa suite et l’excitait contre Pompée. Celui-ci, ne pouvant s’appuyer pleinement sur le sénat, où d’intransigeants républicains lui demeuraient hostiles, avait, en 55, renouvelé l’accord de triumvirat avec Crassus et César. Il était entendu que les pouvoirs de celui-ci étaient renouvelés jusqu’au début de 50. Mais Pompée devait perdre son épouse, Julie, fille de César, en 54 et Crassus devait mourir en 53. Il ne reste donc pratiquement rien alors du triumvirat. Les républicains ont à présent beau jeu d’opposer César et Pompée.

Le sénat nomme Pompée seul consul (51), avec l’objectif d’abattre César.

Tout se passe en bordure de la légalité. De part et d’autre, on s’efforce d’en respecter les formes tant que c’est possible, mais, inévitablement, on la viole. César pose sa candidature à un nouveau consulat et obtient du sénat l’autorisation de le faire tout en restant absent de Rome, c’est-à-dire près de ses armées. Faute de cette autorisation, il redevient simple particulier, ce qui le met à la merci de ses adversaires. Malgré l’intercession formelle des tribuns de la plèbe, qui le défendent, Pompée fait escamoter par une nouvelle loi l’autorisation sénatoriale : il pousse véritablement César à agir, lui aussi, en dépit des lois républicaines. L’année 50 s’écoule dans les atermoiements.

On apprend que César concentre

ses troupes en Cisalpine. Le consul M. Claudius Marcellus somme Pompée de prendre ses dispositions pour marcher contre lui. César a conservé ses fonctions au-delà de la date limite : il propose d’y renoncer si Pompée en fait autant. En refusant et en décrétant le rappel de César, le sénat jette définitivement les deux rivaux l’un contre l’autre. Pompée envisage de refuser la bataille : il espère lasser les armées de César. Mais il a désappris le métier de chef militaire et, à ses côtés, il a surtout des politiciens véreux. Au contraire, le camp de César est rempli d’officiers d’une fidélité aveugle à leur chef. César s’est attaché ses lieutenants et ses hommes avec un art consommé. Il les appelle non pas « soldats » mais « compagnons ». Aussi, « quand il s’engagea dans la guerre civile, les centurions de chaque légion lui promirent d’équiper chacun un cavalier à leurs frais, et les soldats lui offrirent leurs services gratuitement, sans ravitaillement ni solde, les plus riches se chargeant d’entretenir les plus pauvres » (Suétone). César entre donc dans la guerre civile avec d’énormes atouts, mais une chose le gêne : le fait d’avoir à se mettre lui-même hors de la légalité. C’est ce qui doit arriver s’il franchit avec ses soldats le Rubicon, la rivière qui sépare sa province de l’Italie (péninsulaire), territoire sur lequel il ne lui a pas été confié de commandement. Il hésite jusqu’au dernier instant et en débat avec les siens. Un incident précipite les choses : des soldats suivent un pâtre qui jouait du chalumeau jusqu’au-delà du pont. César... suit. Le sort en est jeté (nuit du 11 au 12 janv. 49 = 16-17 déc.

50 du calendrier julien).

La guerre civile

La guerre se déroulera, de 49 à 45, à travers tout le monde romain. Pompée se fait illusion sur ses forces : il doit lui suffire de frapper du pied le sol de l’Italie pour en faire jaillir des légions, et tout le monde est persuadé de la faiblesse de César. Celui-ci s’est pré-

paré avec discrétion. Puis, une fois le Rubicon franchi, il fonce : cinq jours plus tard, Pompée et ses partisans quittent Rome en proie à la panique. Ils cherchent à barrer le sud de la pénin-downloadModeText.vue.download 567 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

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sule. César a tenté de tourner Rome par l’est : il a parcouru les régions du versant adriatique. L. Domitius Ahe-nobarbus, qui n’a pas suivi la consigne de repli, l’attend à Corfinium : il est débordé par le nombre des césariens, qui s’étaient regroupés en quelques jours, et capitule (21 févr.). César se montre clément et entraîne avec lui ses soldats. Pompée se replie sur Brindes.

César arrive à son tour, mais ne parvient pas à l’empêcher d’embarquer, discrètement, de nuit. Il revient donc sur Rome, où il ne trouve qu’un sénat réduit : les partisans de Pompée sont partis avec lui. Il se tourne alors vers les pompéiens d’Espagne, mais il se heurte en route aux Marseillais, qui, peu satisfaits des conséquences économiques de la guerre des Gaules, se sont rangés parmi ses adversaires : il les assiège en mai 49, et ceux-ci capitulent en octobre. En Espagne, la forteresse d’Ilerda (Lérida), où les pompéiens sont installés, capitule en août.

César revient à Rome, s’y fait donner la dictature, puis le consulat pour 48

et s’y convainc de plus en plus de la légitimité de sa position face aux sénateurs exilés avec Pompée. Avant de reprendre la poursuite de ses adversaires, il prend la précaution, d’une part, de faire désigner des arbitres pour la réé-

valuation des dettes, de manière à éviter l’effondrement du crédit, et, d’autre part, d’amnistier ceux qui avaient été condamnés pour brigue par une loi de Pompée. Alors, en 48, il peut passer en Epire et en Thessalie, où, dans des conditions souvent difficiles, puisqu’il est un moment le poursuivi et Pompée le poursuivant, il parvient à Pharsale (9 août 48), y bat les pompéiens, puis gagne Alexandrie (2 oct.), où les ministres du roi lui font remettre la tête de son adversaire, qu’ils ont fait décapiter. Rien n’est encore terminé, car il reste des pompéiens un peu partout.

Dans l’immédiat, César est arrivé en Égypte au milieu d’une crise politique.

Il s’érige en arbitre entre les deux souverains en désaccord, Ptolémée XIV et Cléopâtre VII. Il semble bien ne pas

se laisser tellement séduire par celle-ci, bien qu’il se décide en sa faveur.

Les partisans de Ptolémée provoquent alors contre lui une insurrection dans Alexandrie. Il rétablit la situation grâce à Mithridate, roi de Pergame, venu à son aide (bataille du Nil et prise d’Alexandrie, 27 mars 47). Il visite alors l’Égypte en remontant le Nil sur un bateau en compagnie de Cléopâtre.

Pharnace, fils du grand Mithridate, entreprend de renouveler les exploits paternels : il attaque les rois de Cappadoce et de Petite Arménie. Mais ceux-ci ont fait leur soumission à Rome : le légat Cneius Domitius Calvinus attaque Pharnace, mais se fait battre à Nicopolis (déc. 47). César vient à son tour, réunit des troupes, écrase ses adversaires à Zela et écrit, désinvolte : Veni, vidi, vici (Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu) [2 août 47].

L’hiver suivant, il est en Afrique, où se sont réfugiés de nombreux républicains. À l’issue d’une campagne difficile, il les massacre en grand nombre à Thapsus (6 avr. 46). Quelques-uns se suicident, dont Caton d’Utique.

Les pompéiens se sont alors regroupés en Espagne, sous Cneius Pom-

peius, fils du grand Pompée, et à la faveur de désaccords entre les césariens.

À Munda, au sud de Cordoue, César en vient à bout en un combat ultime, mais sans pitié (17 mars 45).

La guerre civile est alors terminée.

César n’a plus qu’un an à vivre : en quelques mois, il transformera la république romaine en un empire.

Politique intérieure

Dans l’intervalle des campagnes, son pouvoir politique s’est fortifié. César a été soutenu par ses partisans, s’est acquis de nouveaux honneurs, même en son absence de Rome. Il est de nouveau dictateur, puis consul pour cinq ans, dictateur pour dix ans, consul pour dix ans, préfet des moeurs pour trois ans (nouvelle tâche créée pour lui, puisque, étant consul, il ne pouvait légalement pas être censeur). Ne pouvant, patricien, devenir tribun de la plèbe, il s’est fait déclarer, comme les tribuns, invio-