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matique est le plus poussé. On notera enfin que Brahms, esprit de synthèse par excellence, aime fréquemment à combiner les structures de la forme sonate et du rondo, ce qui assouplit l’un et l’autre cadre et permet une liberté très grande au discours, lui évitant toute raideur académique. L’esprit de la musique de chambre de Brahms est totalement celui de la musique pure ou, comme disent les Allemands, de la musique absolue. Toutefois, des prétextes d’inspiration sont parfois visibles : telle source littéraire dans les sonates pour violon et piano ; telle impression née de la nature, ce qui est le cas de la majorité de ces compositions ; plus rarement une suggestion de caractère tragique comme pour le quatuor avec piano opus 60.

Malgré les encouragements de Schumann, Brahms est venu relativement tard à la symphonie : une fois passé la quarantaine. L’orchestre symphonique l’avait, certes, attiré dès sa jeunesse (Sérénade, op. 11, et Variations sur un thème de Haydn, op. 56), mais il n’avait jamais été tenté par un style qui était alors en pleine vigueur et en pleine nouveauté, la musique à programme. Les quatre symphonies de Brahms s’échelonnent sur une brève période de dix ans (1876-1885). Elles sont les filles des symphonies de Beethoven et traitent avec ampleur le cadre traditionnel. Le travail thé-

matique de développement y est très poussé, mais avec moins de souplesse peut-être que dans la musique de

chambre, et l’esprit de variation y est souvent présent. Sur le plan expressif, ce sont des oeuvres d’une exaltation mesurée, souvent d’un sentiment sylvestre ou pastoral, à moins que ce ne soit d’un pathétique affectueusement passionné. OEuvres de quadragénaire, elles ne jettent pas de flammes dévorantes : ce sont les fruits d’un midi sans démon. Elles ont de la grandeur et de l’éloquence, mais jamais de grandiloquence. L’orchestration en est robuste, touffue, puissante. Il est permis de la trouver épaisse à côté de bien d’autres, mais elle n’a jamais la gaucherie de celle de Schumann ni l’abondance parfois excessive de celle de Bruckner. Au même domaine symphonique appartiennent les quatre concertos de Brahms : deux pour le piano, un pour le violon, un pour violon-violoncelle.

Ennemi de la virtuosité gratuite et artificielle, Brahms traite le style concertant de façon très personnelle ; le ou les solistes y sont presque constamment mêlés au discours général des instruments. Cela tient à la vocation symphonique de la pensée brahmsienne.

Solistes, mais non virtuoses systé-

matiquement acrobatiques, ils introduisent dans ces partitions un élément de variété, de contraste et de relief que n’ont pas les symphonies. Les concertos de Brahms sont brillants, puissants, mais ils se refusent aux coquetteries d’époque ; la virtuosité y est au service exclusif de la musique.

À part quelques motets pour voix, préludes, fugues et chorals pour orgue, la musique religieuse de Brahms est surtout caractérisée par le Requiem allemand, oeuvre capitale et unique en son genre à la période romantique.

D’esprit typiquement luthérien, l’ouvrage ne s’enferme cependant pas dans les rigueurs de la liturgie : l’esprit et non la lettre. Le compositeur choisit lui-même des textes dans les Écritures saintes, en les ordonnant en une sorte de dramaturgie rituelle, faisant de ce

« grand concert spirituel » plus une ode à la mort qu’un véritable Requiem.

Le nombre des lieder de Brahms

s’élève à quelque deux cents pièces.

La plupart ont le caractère et le style du Volkslied, même lorsqu’ils sont essentiellement lyriques. Toutefois, on trouve, dans ce vaste ensemble, l’esprit

cyclique qu’avaient exploité précé-

demment Schubert et Schumann. À cet égard, il convient de citer le cycle des Magelone-Romanzen sur les poèmes de Tieck, sorte de roman de chevalerie en quinze pièces dans le caractère de la ballade, ainsi que les quatre Chants sé-

rieux, admirable cycle de méditations spirituelles sur des textes de la Bible et de saint Paul.

C. R.

M. Kalbeck, Johannes Brahms (Vienne et Leipzig, 1904-1914 ; 4 vol.). / F. May, The life of Johannes Brahms (Londres, 1905 ; 2e éd., 1948 ; 2 vol.). / J. Brahms, Briefwechsel (Berlin, 1907-1922 ; 16 vol.). / C. Rostand, Brahms (Plon, 1954-1955 ; 2 vol.). / J. Bruyr, Brahms (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1965). / B. Delvaille, Brahms (Seghers, 1965). / Y. Tiénot, Brahms (Lemoine, 1968).

Bramante

Architecte et peintre italien (près d’Urbino 1444 - Rome 1514).

Pour répondre dans les divers domaines de l’art aux aspirations du monde humaniste, il était nécessaire de retourner aux sources, de réconcilier le monde chrétien avec celui qui l’avait précédé : en architecture, le principal ouvrier de cette renaissance aura été Bramante. Avant lui, Brunelleschi*, Alberti* avaient ouvert la voie, créé ou diffusé un vocabulaire de formes.

Avec Bramante, ce langage atteint sa pleine mesure, la Renaissance se fait classique.

Bien des points de sa biographie et de son oeuvre restent imprécis. Sa vocation est tardive ; jusqu’à trente-cinq ans, Donato d’Angelo (?) dit Bramante était surtout peintre, au service de Ludovic le More, auquel le duc d’Urbino l’aurait cédé sept ans plus tôt (1472). Quelle avait été sa première formation ? On en est réduit aux hypothèses ; il aurait suivi la transformation du palais ducal d’Urbino* (à partir de 1466 environ) et par là subi l’influence du Dalmate Luciano Laurana (v. 1420-1479). Les rares vestiges de son activité picturale à Milan (au château des Sforza, à la Casa Fontana, et surtout à la Casa Panigarola, ceux-ci conservés

à la pinacothèque de Brera) montrent Bramante assez proche de Melozzo da Forli (1438-1494) ; même vigueur de coloris, même grandeur monumentale que chez l’élève de Piero* della Francesca. Bramante, d’ailleurs, n’a pu ignorer le traité de perspective picturale de ce dernier, complément du Della pittura d’Alberti, le vieux maître dont toute son oeuvre apparaît imprégnée.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

1744

À la façade de l’église d’Abbia-

tegrasso, la niche profonde, avec ses deux ordres superposés, évoque en effet le temple de Rimini ; et c’est l’influence de Sant’Andrea de Mantoue qui est sensible à Santa Maria presso San Satiro, oeuvre qui va l’occuper vingt ans durant, interrompue par son départ de Milan. Ici, faute d’espace, il en crée un par une perspective feinte ; mais il n’a pas atteint encore à la sobriété qui caractérisera sa manière romaine, et le délicieux octogone de la sacristie appartient à ce style fleuri et délicat du Milanais, dont va s’inspirer la Renaissance française. Sa renommée le fait appeler comme conseiller pour le dôme de Milan, et le duc lui confie divers travaux. Citons, pour sa fine polychromie de brique et de marbre, Santa Maria delle Grazie et son cloître ; et, au titre de premier aménagement d’une place à programme, la Piazza Ducale à Vigevano.

Cependant, le roi de France

conquiert le Milanais et, en 1499, Bramante, comme Léonard* de Vinci auquel le lie une amitié de dix-sept années, fuit l’envahisseur pour se réfugier à Rome ; il a alors cinquante-cinq ans. Au contact des ruines romaines, il découvre un nouvel idéal ; à l’élégance raffinée de sa manière lombarde font place une sobriété, une rigueur qui vont lui permettre d’atteindre à la grandeur.

Un premier essai, le cloître de Santa Maria della Pace (1500-1504), attire sur lui l’attention. Puis c’est la réussite du Tempietto de San Pietro in Monto-rio (1502), un petit temple rond comme