Выбрать главу

Tous ces quartiers, dont la croissance a été souvent spontanée, frappent par la régularité de leur plan en grille. Le recoupement des rues délimite des blocs rectangulaires, divisés en petites parcelles familiales ou concessions.

Sur chacune d’elles, s’élèvent un ou plusieurs bâtiments fréquemment

construits en matériau végétal, et surtout en argile gâchée, maintenue par une armature de bois (poto-poto). Mais briques sèches et parpaings de ciment pour les murs, tôles ondulées pour le toit ont fait de rapides progrès. Chaque parcelle est entourée par une clôture (piquets, planches, haie vive) et com-plantée d’arbres ; d’où l’aspect verdoyant et cloisonné du paysage. Depuis quelques années, des lotissements ont encore surgi entre le Djoué et l’aéroport. Tous ces quartiers constituent une sorte de banlieue où habitent les salariés, employés et petits fonctionnaires travaillant dans le centre. Mais ils ont aussi leur vie propre, animée par l’artisanat et surtout le commerce sous toutes ses formes, du magasin à l’étalage improvisé du revendeur au détail.

Les fonctions urbaines sont mul-

tiples. Ce sont d’abord celles d’une capitale, siège des ministères, des assemblées et des grands services nationaux, politiques et administratifs. Le rôle intellectuel est marqué par les établissements universitaires, les lycées, les organismes de recherche comme l’important centre O. R. S. T. O. M. (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer). La fonction industrielle n’a jamais connu un grand déve-

loppement (en dépit de la construction d’un barrage hydro-électrique sur le Djoué) : boissons, glace alimentaire ; savons ; petite industrie chimique et mécanique ; matériaux de construction. Un complexe textile a été installé avec l’aide de la Chine populaire, ainsi qu’un atelier de pressage de disques et une manufacture de cahiers. La fonction commerciale reste la plus active : commerce né des besoins quotidiens de la population, mais aussi commerce de transit, qu’illustrent les activités du port fluvial (500 000 t) et de la voie ferrée, relais essentiels entre l’Atlantique et les États de l’intérieur. Dans ce domaine, l’aéroport de Maya-Maya joue également un rôle international.

P. V.

G. Balandier, Sociologie des Brazzavilles noires (A. Colin, 1955).

Brecht (Bertolt)

Poète et auteur dramatique allemand (Augsbourg 1898 - Berlin 1956).

« Le monde d’aujourd’hui

peut-il être rendu par le

théâtre ? »

À cette question que posait Friedrich Dürrenmatt au cinquième colloque de Darmstadt sur le théâtre, Brecht entreprit de répondre dans une courte lettre parue dans l’hebdomadaire Sonntag le 8 mai 1955 : « La question de savoir si le monde peut être rendu par le théâtre est une question sociale. » Brecht affirmait ainsi que la forme dramatique est liée à la vie de l’homme en société, et que toute réflexion sur l’esthétique théâtrale passe par la considération critique des phénomènes politiques, économiques et sociaux qui préoccupent les hommes contemporains. Pour éclairer cette affirmation, Brecht comptait moins sur les quelques lignes de son article que sur la succession d’expé-

riences que forme l’ensemble de son oeuvre. « Dans la pratique, on fait un pas après l’autre ; la théorie, elle, doit couvrir la distance. » Cette distance, il la parcourait depuis trente-cinq ans.

« Je vins dans les villes au

temps du désordre quand

la famine y régnait. Je vins parmi les hommes au

temps de l’émeute et je

m’insurgeai avec eux. »

Lorsque Brecht commence à se passionner pour le théâtre, l’Allemagne garde encore sa confiance au grand état-major et à l’expressionnisme. Tandis qu’Hindenburg bloque en Artois les offensives françaises et obtient l’écroulement du front russe, Brecht, jeune étudiant à Munich, participe au séminaire d’Artur Kutscher, ami de Frank Wedekind*. L’adolescent a accueilli la guerre et le pathétique outré de l’auteur de l’Esprit de la Terre comme des moyens de libération, une occasion de rejeter le monde de son père :

J’étais le fils de gens qui ont du bien Mes parents m’ont mis un col autour du cou

Et m’ont donné l’habitude d’être servi Et m’ont enseigné l’art de commander.

Il a connu une enfance monotone : une maison vieillotte ; son père, préoccupé par la direction de sa fabrique de papier ; sa mère plongée dans le dernier roman d’Auerbach.

Brecht se reconnaît mal dans cette ascendance. Son héritage à lui, c’est sa ville, Augsbourg. Augsbourg, l’ancienne ville libre, des églises gothiques et des « maîtres chanteurs », des Hol-bein et de Peutinger ; mais aussi la ville des tanneurs, des tisserands, des brasseurs.

Dès qu’il le peut, le jeune Brecht s’échappe pour courir au bord du Lech, le long des petits canaux qui bordent les tanneries, au milieu des baraques de la Foire d’automne. Là, il est fasciné par les panoramas et la brutalité de leurs tableaux : Néron contemplant l’incendie de Rome, les Lions bavarois à l’assaut des fortifications de Düppel, Fuite de Charles le Téméraire après la bataille de Morat. « Je me souviens, écrira-t-il en 1954, du cheval de Charles le Téméraire. Comme s’il sentait l’horreur de la situation historique, il avait d’énormes yeux remplis d’effroi. »

Comme sa grand-mère, la « vieille

dame indigne » qui meurt en 1914, l’année même où paraissent ses premiers poèmes, Brecht fréquente les rues malfamées, les échoppes de cordonniers, les colporteurs.

De ce contact, il gardera la pratique savoureuse des objets, le pouvoir de libérer l’énergie poétique d’une étoffe, d’un verre de lait, d’une cuiller d’étain. Mais en ce début de 1918, sur les bancs des amphithéâtres qui se vident, Brecht pressent la catastrophe.

En mars, il organise, dans un cabaret de Munich, un hommage à Wedekind, qui vient de mourir, à celui qui a écrit que la vie « est comme le faîte étroit d’un toit en pente ; on ne peut s’y tenir en équilibre ; il faut basculer d’un côté ou de l’autre ». Brecht, lui, bascule dans l’horreur. À l’hôpital d’Augsbourg, où il est mobilisé comme infirmier, il découvre le spectacle des blessés à l’agonie ou qui sombrent dans la folie.

Dans cet univers de sang, il compose une « danse macabre », la Légende du soldat mort. Le 30 octobre, les marins de Kiel se mutinent. L’insurrection s’étend rapidement dans la Ruhr, en downloadModeText.vue.download 77 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

1756

Saxe, en Bavière : les soldats arrêtent leurs officiers, arborent le drapeau rouge. Le poing tendu, le fusil sur l’épaule, Brecht défile dans les rues d’Augsbourg. Il fait partie d’un conseil de soldats et d’ouvriers. Mais, le 11 décembre 1918, le président Ebert salue les troupes de la garnison de Berlin : « [...] vous qui rentrez invaincus des champs de bataille ». Le général von Lüttwitz écrase les Spartakistes.

Le 15 janvier 1919, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés.

Le monde apparaît à Brecht en pleine décomposition.

Asocial dans une société

asociale

Le premier mouvement de Brecht est de se replier sur lui-même. Il se tient à l’écart de luttes qui lui apparaissent absurdes et d’antagonistes qui n’ont qu’une consistance de pantins. Puis, au

milieu du bouillonnement politique et littéraire, à Munich et à Berlin, il commence à démêler certaines lois du fonctionnement de la société ; bientôt, il éprouvera le besoin de faire connaître ses découvertes. Aux trois moments de cette évolution correspondent trois formes d’écriture : d’abord cri de colère et de dégoût, puis notes et croquis pour rendre plus claire une situation, enfin moyen d’enseignement et d’éducation.

Brecht commence par tout refuser, le monde, la société et sa traduction es-thétique, lui-même. Sa méditation har-gneuse s’exprime dans la violence des Sermons domestiques, « exercices poé-