çants et d’artisans, ni la population rurale de Blancs et de métis. Pour les élections aux chambres communales, seuls les « gentilshommes » (c’est ainsi que les propriétaires se nomment eux-mêmes) disposent du droit de vote.
L’empire
L’indépendance
Ici encore le Brésil tourne le dos au reste du continent. Lui seront épargnées la saignée et la dévastation des guerres de l’indépendance, puis l’anarchie du premier tiers du XIXe s., qui furent le lot du reste de l’Amérique latine.
L’occupation du Portugal par les armées de Napoléon et l’arrivée de la Cour à Rio de Janeiro (1808) font du Brésil la métropole, la tête de l’empire, si bien que le loyalisme va dans le sens d’une promotion. Il n’y aura pas de rupture, pas de crise et cela explique que de 1800 à 1830 la croissance dé-
mographique soit ininterrompue : de 3,6 millions le Brésil passe à 5,3 millions d’habitants.
Sur le plan extérieur joue la béné-
fique alliance anglaise, à l’intérieur l’arrivée de la Cour se traduit par un apport de capitaux et de capacités techniques. Le Brésil est doté de toutes les caractéristiques d’un État indépendant : imprimerie nationale, bibliothèque royale, Académie des beaux-arts, autant de signes révélateurs. Au congrès de Vienne (1814-1815), sur une suggestion de Talleyrand, le prince-régent, proclamé roi sous le nom de Jean VI, élève le Brésil au rang de royaume égal au Portugal. C’est pour cela que le soulèvement de Pernambouc, en 1817, n’est pas tant un mouvement pour l’indépendance qu’un mouvement downloadModeText.vue.download 89 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4
1768
révolutionnaire interne, révélateur de la profonde crise du vieux Brésil du
Nord-Est, crise qui n’a pas encore été dénouée aujourd’hui. La révolution de Recife, capitale du Pernambouc, dure soixante-quinze jours ; étrange révolution à laquelle participent intellectuels et prêtres, qui rêvent d’un coup de main sur Sainte-Hélène pour délivrer Napoléon et le mettre à la tête d’une armée de libération continentale...
Les liens avec le Portugal sont coupés sans peine ; le Portugal s’agite pour se libérer de l’allié britannique, et une révolution libérale triomphe en 1821, qui rappelle le roi à Lisbonne, bien malgré lui. Jean VI laisse tous les pouvoirs à son fils Pedro (ou Pierre).
Les Cortes de Lisbonne ayant pris des mesures vexatoires pour le Brésil et obligé le roi Jean à rappeler son fils, celui-ci proclame l’indépendance du Brésil. La chance du Brésil est d’éviter la violence. Le 12 octobre 1822 Pierre se proclame empereur constitutionnel du Brésil ; toutes les provinces le reconnaissent, l’expulsion des garnisons portugaises s’opère sans drame.
Le régime impérial
L’empereur étant le détenteur absolu du pouvoir, l’unique moyen pour les forces économiques d’obtenir le remplacement de l’ancien système commercial est de le contrôler. C’est ce que veut faire la Constituante de 1823, dominée par les propriétaires terriens ; elle tente de diminuer le pouvoir impé-
rial au nom du « libéralisme créole »
mais elle est dissoute ; la lutte engagée entre les partisans de relations privilé-
giées avec l’Angleterre (c’est reconnaître un état de fait ; le faible Portugal a dû céder aux appétits anglais) et leurs ennemis se termine par la défaite de ces derniers et l’abdication de Pierre Ier (1831), auquel succède Pierre II. Les luttes politiques se poursuivent dans les régions dont l’économie est en crise à cause des difficultés de vente de leur production. Aucun de ces mouvements autonomistes ne se produit dans la ré-
gion centre-sud, où l’économie est en pleine expansion.
La croissance économique
L’ordre permet à la population de passer de 5,3 millions en 1830 à 10 millions en 1872 ; la paix, l’excédent
des naissances et l’importation de Noirs (1,3 million de 1819 à 1852) expliquent cette crue démographique, augmentée par l’immigration blanche, qui commence à partir de 1850.
Au cycle de l’or succède le cycle du café, qui débute entre 1800 et 1850 ; en 1869, le Brésil produit déjà la moitié du café du monde, et son histoire se confond avec celle de l’État de São Paulo ; les chemins de fer surgissent à cette époque pour relier l’intérieur à la mer et conduire le café jusque dans les ports ; en même temps se développe la navigation fluviale et côtière, tandis que l’Amazone est ouverte au commerce de toutes les nations (1866).
La guerre au Paraguay
La période 1865-1870 voit le Brésil à la tête de la triple alliance (Brésil, Argentine, Uruguay) dirigée contre le Paraguay, petit pays, doté de la meilleure armée du continent et capable de résister héroïquement jusqu’à l’anéantissement presque total, puisqu’il perdra les quatre cinquièmes de sa population. La guerre vaut au Brésil un meilleur tracé de sa frontière sud, ce qui met fin à l’isolement du Rio Grande do Sul (dont le sécessionnisme a été écrasé entre 1835 et 1845).
L’abolition de l’esclavage
On est tenté d’établir un parallélisme entre le Brésil et les États-Unis, même si l’abolition s’y est faite en plusieurs étapes et n’a pas nécessité une guerre civile. La monarchie qui l’a accomplie est morte d’avoir ainsi mécontenté les notables. En 1820, il y a plus de Noirs que de Blancs, et, de 1819 à 1852, 1,3 million d’esclaves arrivent d’Afrique ; en 1835, il y a 50 p. 100
de Noirs, 18 p. 100 de mulâtres, contre 24 p. 100 de Blancs. En 1872, les mu-lâtres sont deux fois plus nombreux que les Noirs. Le Brésil est donc un pays où l’élément noir est fondamental, où le métissage est en cours.
L’esclavage est l’un des grands problèmes du XIXe s. Problème extérieur, puisqu’il heurte les intérêts sucriers des Antilles anglaises : d’où l’acharnement de l’Angleterre à mettre fin à la
traite ; celle-ci se ralentit à partir de la crise mondiale de 1848 et avec l’arrivée des immigrants italiens. Problème intérieur, l’esclavage est un obstacle réel au développement économique du Brésil, et son déclin s’accompagne de l’essor de l’immigration européenne.
L’esclavage est aboli en 1888 grâce à l’action personnelle de l’empereur, prince-philosophe ; en fait, il a reçu un coup mortel dès 1871 avec la loi du
« ventre libre », qui a affirmé la liberté des enfants d’esclaves.
Un an après l’abolition, le vieil empereur s’embarque pour l’Europe, renversé par une étrange coalition, où l’on trouve l’Église catholique inquiète de la teinte saint-simonienne de ce monarque franc-maçon, l’aristocratie foncière du Nord mécontente de la fin du système esclavagiste, et enfin les militaires.
La république des
« coronels »
La république est née à droite, d’un coup d’État militaire contre un empire progressiste.
La façade est celle d’un État fédé-
ral et présidentiel, sur le modèle amé-
ricain, avec une chambre des repré-
sentants et un sénat, des gouverneurs élus à la tête des États. Mais la réalité appartient aux oligarchies qui tiennent la terre et les hommes, aux « coronels »
(qui tirent leur surnom des grades de la garde nationale), variété brésilienne du
« cacique » latino-américain.
Dans les premières années de la
république, les vrais libéraux, qui ont participé à la chute de l’empire, essaient de faire triompher leur politique pour briser les groupes oligarchiques et engager le pays dans la voie d’un développement autonome. Mais le
premier président, le général Manuel Diodoro da Fonseca (1827-1892), est obligé de démissionner l’année même de son élection (1891) et son successeur (1891-1894), le maréchal Flo-riano Peixoto (1842-1895), ne peut réussir face aux immenses difficultés intérieures (guerre de Sécession du Rio Grande do Sul [1892-1895], soulèvement du sertão dans le Nordeste)