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Faiblesse de

l’économie agricole

Le mot Brésil fait immédiatement surgir l’image des plantations de café et des fortunes facilement réalisées grâce à cette culture. En fait, l’économie agricole repose non seulement sur une tradition de monoculture spéculative dont le café n’est qu’un aspect, mais aussi sur une tradition de polyculture de subsistance pauvre pour la consommation des ouvriers agricoles et des paysans, et sur une tradition d’élevage extensif.

Une tradition de monoculture

spéculative

Les grands domaines qui couvrent une large partie de l’espace agricole résultent des premières formes de mise en valeur de cet espace, aux temps de la colonisation portugaise. Leur exploitation constitue, pour leurs propriétaires, non pas un emploi, mais une source de revenus. En effet, les grands propriétaires sont des citadins qui vivent soit totalement, soit partiellement, de la rente foncière et qui, dans le second cas, exercent un métier urbain, souvent dans le cadre des professions libérales. Certes, depuis leurs origines coloniales, ces grands domaines ont fait l’objet de partages, mais la taille moyenne des propriétés reste fixée aux alentours de 1 000 à 2 000 ha, bien que certaines, surtout dans l’intérieur, soient infiniment plus grandes, dépassant 20 000, même, très exceptionnel-

lement, 100 000 ha.

Leur mise en valeur s’effectue sous le signe de la spéculation, le grand propriétaire considérant son domaine comme une source de revenus ne né-

cessitant pas d’investissements. Aussi repose-t-elle la plupart du temps, et cela depuis les origines coloniales, sur le choix d’une seule culture spéculative, fondée sur le marché international. Cette monoculture est pratiquée de façon extensive, sans amélioration des terres. Après incendie de la végétation naturelle, la culture se fait sur une partie de la propriété, jusqu’à épuisement des sols. À ce terme, la plantation est transférée sur une autre partie de la propriété, pour permettre au sol usé de se restaurer. Il s’agit donc d’une rotation très primitive des terres, pratiquée encore dans de très nombreuses exploitations, malgré les améliorations apparues récemment dans certaines grandes propriétés. La mise en valeur des grands domaines repose également sur l’utilisation d’une main-d’oeuvre nombreuse et très bon marché, ce qui évite au propriétaire l’achat de machines et d’outils perfectionnés. Recrutée depuis l’origine de la colonie jusqu’à la fin du XIXe s. parmi les esclaves, cette main-d’oeuvre est maintenant composée d’ouvriers agricoles. Certains re-

çoivent pour salaire l’attribution, sans aucun droit de propriété, d’un lopin de terre sur lequel ils peuvent installer la cabane où ils vivent avec leur famille, pratiquer une petite agriculture de subsistance pour la production de haricots, manioc, maïs et planter quelques arbres fruitiers. Dans d’autres cas, la rému-nération est assurée sous forme d’un salaire en espèces ; mais étant donné l’intensité de la demande d’emploi par rapport aux besoins, les ouvriers agricoles doivent accepter des salaires très bas.

C’est la culture de la canne à sucre qui a été à l’origine de l’installation des grands propriétaires brésiliens dans les plaines littorales du Nordeste.

Maintenant, cette culture se retrouve non seulement dans cette région, mais aussi autour de Rio de Janeiro et surtout de São Paulo. Autrefois, elle se pratiquait dans des fermes de quelques milliers d’hectares, chacune possédant

un moulin permettant le broyage des cannes et une installation destinée à la transformation de la production en sucre ou en eau-de-vie. Actuellement, le processus de transformation de la canne s’est modifié, modernisé et ce sont de véritables usines qui regroupent la récolte de canne à sucre de toute une région pour son traitement industriel et la fabrication de sucre ou d’alcool. Ainsi les grands propriétaires ne sont-ils plus maintenant producteurs de sucre, mais fournisseurs de canne.

D’autre part, profitant des crises de surproduction qui ont touché la canne à sucre à différentes reprises, les grandes usines ont racheté un certain nombre de fermes en difficulté, et elles produisent de la canne sur de très grands espaces, sans changements notables dans les méthodes de culture par rapport aux formes traditionnelles.

Les plantations de caféiers de la zone de São Paulo et du nord de l’État de Paraná ont connu, elles aussi, une évolution. Ces plantations furent tout d’abord de grandes propriétés qui firent la fortune des familles de São Paulo, et furent, au moins partiellement, à l’origine des investissements qui transformèrent la région en une zone industrielle. La crise de surproduction de 1929, en atteignant la vente du café, dont la plus grande partie est exportée, a entraîné de grandes difficultés pour les propriétaires, dont un certain nombre furent contraints à vendre ou du moins à morceler leur domaine.

Aussi existe-t-il, à côté des grandes propriétés qui subsistent, des exploitations plus modestes cultivées en famille avec l’aide d’un ou deux ouvriers agricoles. Les petites exploitations sont parties intégrantes d’une grande propriété et mises en valeur par un fermier ou un métayer, contre redevance au propriétaire, ou la propriété même de celui qui les cultive, par suite du lotissement d’un ancien grand domaine.

La zone de production du cacao

est plus récente. Elle s’est développée à la fin du XIXe et au début du XXe s., dans la partie méridionale de l’État de Bahia, particulièrement propice à cette culture. Son évolution structurelle est inverse de celle du café. Le cacao fut d’abord cultivé par de petits exploi-

tants ou de petits propriétaires, dont il fit souvent la fortune. Mais, par la suite, ces petites exploitations, touchées par des crises, furent rachetées soit par des maisons de commerce spé-

cialisées dans la vente de cacao, soit par de grands propriétaires. Actuellement, la zone du cacao comporte à la fois des plantations typiques dans le cadre de grandes propriétés et un certain nombre d’exploitations modestes, qui subsistent, mais doivent vendre leur récolte de cacao brut aux grandes propriétés, seules équipées pour le traiter.

Dans la région de Rio de Janeiro, la culture spéculative des fruits tropicaux se fait dans d’immenses propriétés de plusieurs milliers, ou même plusieurs dizaines de milliers d’hectares appartenant à de grandes sociétés. Les fruits, dont le conditionnement s’effectue dans les installations modernes de la plantation, sont destinés au marché international. Au contraire, dans le Nordeste du Brésil ou en Amazonie, l’exploitation des arbres fruitiers tropicaux prend beaucoup plus l’aspect d’une activité de cueillette, utilisant les arbres et les palmiers qui poussent à l’état naturel. Cette activité s’effectue la plupart du temps dans de grandes propriétés, elle est assurée par des ouvriers agricoles.

Une tradition de polyculture de

subsistance pauvre

Pour diverses raisons historiques, l’espace agricole comprend également des zones de petites, même de trop petites propriétés. Elles sont situées sur les marges des plantations, où se sont installés les esclaves lors de l’abolition de l’esclavage, ou dans les zones inutilisées par les grands propriétaires et où, progressivement, se sont établis des paysans sans terres. Enfin, les petites propriétés du sud du Brésil résultent d’une colonisation en lotissements de petites dimensions réalisée lors de la grande vague d’immigration du XIXe s.

et du début du XXe s.

Quelles que soient leurs origines, ces petites propriétés se caractérisent toutes par des systèmes de culture demeurés très archaïques en raison de

l’absence totale de moyens financiers de leurs exploitants, incapables de fournir les engrais et machines nécessaires à une modernisation. En outre, ces petits propriétaires, généralement analphabètes, sont dépourvus de la formation technique indispensable à la pratique d’une agriculture moderne intensive. Aussi, comme dans le cas de la grande propriété, l’utilisation du sol reste-t-elle précaire, fondée sur le brûlis de la végétation naturelle et sur la rotation des terres. Toutes ces petites propriétés pratiquent, à une toute petite échelle, plusieurs cultures destinées à produire les aliments de base, manioc, haricots, maïs, riz ou igname, selon les climats. Quelques arbres fruitiers complètent toujours cette petite polyculture de subsistance. C’est seulement près des grandes villes, à proximité des marchés de consommation, que quelques excédents sont commercialisés. Mais dans l’ensemble du Brésil tropical, cette commercialisation des excédents, dominée par les intermédiaires qui gardent pour eux la plus grande partie des bénéfices, n’aboutit guère à élever le niveau de vie des petits proprié-