Au XXe s., de nouveau, le Brésil s’ouvre aux tendances architecturales d’avant-garde. Si la « Semaine de l’art moderne » de São Paulo, en 1922, a préparé les esprits, sur le plan officiel l’impulsion première est due au mi-
nistre Gustavo Capanema, qui confia la construction du ministère de l’Éducation et de la Santé de Rio de Janeiro à l’architecte Lúcio Costa (né en 1902) et à ses collaborateurs ; le projet fut esquissé par Le Corbusier, qui vint à Rio en 1936, contribuant par son prestige à consolider le mouvement rénovateur. En 1939, l’architecture nationale connaît une heure de gloire : le pavillon brésilien de la foire internationale de New York, oeuvre de Lúcio Costa et d’Oscar Niemeyer*, enlève tous les suffrages de la critique mondiale.
Après cette consécration, l’aide officielle aux jeunes architectes (Carlos Leão, Jorge Machado Moreira, Afonso Reidy et Ernani de Vasconcelos) va s’intensifier. Ainsi Reidy (1909-1963) et Moreira (né en 1904) sont appelés à édifier le bâtiment de la direction des chemins de fer du Rio Grande do Sul, dont on a dit qu’il était une transposition de l’ordre colossal de Palladio dans les structures modernes. Reidy est également l’auteur du musée d’Art moderne de Rio (ouvert en 1960). De son côté, l’architecte paysagiste Roberto Burle-Marx (né en 1909) a su tirer le meilleur parti des ressources de la flore tropicale. Quant à l’audacieuse Brasília*, la nouvelle capitale, son plan a été confié à Lúcio Costa et son architecture à Oscar Niemeyer.
Sculpture
La sculpture brésilienne s’inspire directement de celle de la métropole. Ici s’impose le génie multiple de l’Alei-jadinho* (1730-1814). Tempérament foncièrement baroque, fils d’architecte, cet artiste a toujours regardé architecture et sculpture comme inséparables.
Il est notamment l’auteur du plan ainsi que d’une partie du décor sculpté et du mobilier de l’église de São Francisco de Assis à Ouro Prêto, de la décoration de l’église des Carmes à Sabará et des sculptures de Congonhas do Campo.
La réaction néo-classique se produit au Brésil vers 1795, bien que le goût pour le baroque se maintienne jusqu’au premier quart du XIXe s. Avec Victor Brecheret (1894-1955), la sculpture brésilienne s’ouvre aux courants modernes. Le monumentalisme de Bruno Giorgi (né en 1905) s’est donné libre cours sur la place des Trois-Pouvoirs
de Brasília. Les oeuvres de Sônia Ebling (née en 1922) ou de Mary Vieira (née en 1927) recherchent une compénétration tant avec l’espace architectural qu’avec l’espace urbain, tandis que les objets et environnements en matériaux divers de Lygia Clark (née en 1920) convient le public à un type expérimental de perception.
Peinture
Elle n’a jamais connu un grand développement. Les artistes les plus repré-
sentatifs du XVIIe s. furent Frans Post (v. 1612-1680) et Zacharias Wagner (1614-1668), peintres de l’école hollandaise qui, séjournant au Brésil, s’inspirèrent des types indigènes et des paysages tropicaux (thèmes qui ne suscitèrent que fort peu d’intérêt chez les peintres de l’Amérique espagnole).
Parmi les peintres du XVIIIe s. se dé-
tache Manuel da Costa Ataide (1762-1837), à qui l’on doit le décor peint de São Francisco de Assis d’Ouro Prêto (1803-1804).
La révolution moderniste de 1922
apporte au Brésil la révélation de l’expressionnisme allemand. Lasar Segall, d’origine lituanienne (1891-1957), interprète la vie populaire et les paysages brésiliens ; les adeptes du mouvement « anthropophagique »
déforment la réalité pour lui conférer un aspect monstrueux. Le plus célèbre des peintres du XXe s. est Cândido Portinari (1903-1962). Après avoir remarquablement assimilé la leçon des écoles européennes, spécialement du cubisme, Portinari, avec un éclectisme jugé parfois excessif, a fait triompher au Brésil un art alliant à cette influence de l’Europe celle du nationalisme es-thétique d’origine mexicaine. Alfredo Volpi (né en 1896) et Cicero Dias (né en 1908) font la liaison entre la saveur d’une expression populaire et le courant abstrait, représenté par des artistes comme Frans Krajcberg (né en 1921) ou le Nippo-Brésilien Manabu Mabe (né en 1924). Un autre contemporain, Ivan Serpa (né en 1923), a évolué de l’abstraction à une néo-figuration violente et à une variété de pop’art. À
Paris ont travaillé ou travaillent notamment Antônio Bandeira (1922-1967), Flávio Shiro, Artur Luis Piza, Sérgio
de Camargo, la figurative Morgan-Snell et les femmes sculpteurs Luísa Miller et Liuba Wolf. Depuis 1951, les Biennales de São Paulo ont été un important facteur de renouveau artistique au Brésil.
Traduit d’après S. S.
G. Bazin, l’Architecture religieuse baroque au Brésil (Plon, 1956-1959 ; 2 vol.). / G. Kubler et M. S. Soria, Art and Architecture in Spain and Portugal and Their American Dominions, 1500 to 1800 (Harmondsworth, 1959). / Bré-
sil, numéro spécial de la revue Aujourd’hui (Paris, juill. 1964). / M. Pianzola, Brésil baroque (Bonvent, Genève, 1974).
LA LITTÉRATURE
BRÉSILIENNE
Avant que l’on reconnût à la littérature du Brésil des caractères spécifiques, il y eut une littérature sur le Brésil. Pendant plus de deux siècles et demi, le Brésil apparaît comme un élément exotique de la tradition littéraire portugaise, à travers les récits d’inspiration humaniste et de dessein apostolique des missionnaires jésuites. Entre la terre brésilienne et les premiers écrivains qu’elle inspire, on remarque d’ailleurs un curieux « effet d’éloignement » : alors que le P. José de Anchieta (1534-1597) et le P. António Vieira (1608-1697), qui passèrent la plus grande partie de leur vie au Brésil, obéissent, l’un dans son théâtre évangélisateur, l’autre dans ses sermons et sa correspondance, aux règles esthétiques de la Renaissance et du classicisme européens, on doit la première oeuvre « indianiste », l’épo-pée du Caramuru (1781), à José de Santa Rita Durão, qui quitta définitivement pour l’Europe sa province natale de Minas Gerais dès l’âge de neuf ans.
Et la manifestation décisive d’indé-
pendance littéraire eut lieu à Paris, en 1836, avec la publication des Soupirs poétiques et saudades de Gonçalves de Magalhães.
Il faut attendre la prose poétique de José Alencar (1829-1877) et l’humour de Máchado de Assis (1839-1908) pour voir des écrivains se réclamer d’une tradition et se définir par rapport à elle.
Cependant, la prise de conscience de
l’originalité de leur littérature semble s’approfondir pour les Brésiliens à chacune de leurs crises politiques majeures : l’inconfidência mineira, complot ourdi contre la domination portugaise (1789), rassemble, autour de Tomás António Gonzaga, l’auteur de Marília de Dirceu, l’« école du Minas Gerais » ; à l’indépendance conquise correspond l’épanouissement romantique ; la proclamation de la République (1889) précède de peu l’éclosion du sertanisme ; la « Semaine de l’art moderne » de 1922 prélude au soulèvement armé et à la prise du pouvoir de Getúlio Vargas. Mais, avant que l’on ait pu noter dans l’histoire littéraire du Brésil le début de l’« époque nationale », deux poètes avaient su trouver des accents originaux, unissant dans la modinka le vers traditionnel au rythme de la chanson populaire, le pré-