Выбрать главу

cieux Gregório de Matos Guerra (1623

ou 1633-1696) et, plus tard, le satirique et élégiaque Domingos Caldas Barbosa (v. 1740-1800).

Le Brésil se découvre dans le romantisme : comme les poètes euro-péens retrouvent dans le Moyen Âge une source nationale et mystique, les romantiques brésiliens remontent aux origines indiennes comme aux mo-dèles de toutes les vertus politiques et humaines. Mais si António Gonçalves Dias (1823-1864) exalte l’immensité de la nature américaine, reprenant sur le mode lyrique les thèmes déjà esquissés par José Basílio da Gama dans son poème épique de l’Uruguay (1769), la première génération de poètes sacrifie davantage aux conventions universelles du byronisme et du mal du siècle, comme Junqueira Freire (1832-1855) ou Álvares de Azevedo. Plus personnels sont les Printemps (1859) de Casimiro de Abreu et plus tragiques les Écumes flottantes (1870) d’Antó-

nio de Castro Alves, mais c’est dans l’écriture romanesque que le romantisme brésilien trouve son expression la plus achevée, plus pittoresque avec Brunette (1844) de Joaquim Manuel de Macedo ou les Mémoires d’un sergent de la milice (1854) de Manuel Antó-

nio de Almeida, plus grandiose avec le Guarani (1857) et Iracema (1865) de José de Alencar, qui assure le triomphe de l’indianisme et ouvre la voie au régionalisme de Bernardo Guimarães

(O Garimpeiro, 1872) et de Franklin Távora (O Matuto, 1878).

downloadModeText.vue.download 99 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 4

1778

Ce n’est pas seulement l’attrait d’une esthétique nouvelle qui explique la disparition du romantisme aux alentours de 1880, mais une évolution profonde dans la société et l’économie du Brésil. Si le Parnasse offre à des poètes comme Alberto de Oliveira (1857-1937), Raimundo Correia (1859-1911) ou Vicente de Carvalho (1866-1924) le moyen de se réfugier dans une contemplation du monde, l’espace brésilien devient le lieu d’un combat contre les préjugés raciaux et religieux, les hypocrisies morales, la misère. Les ban-deirantes d’Olavo Bilac (1865-1918) chassent plus d’illusions que d’éme-raudes, et le roman s’attache alors à la peinture naturaliste de la vie dans les villes et les taudis des banlieues avec le Mulâtre (1881) et Botafogo (1890) d’Aluízio Azevedo, ou à l’existence précaire des paysans du sertão. Si en cent vingt volumes d’une prose à effet Coelho Neto (1864-1934) mit à la mode le sertanisme, il y a plus de vérité historique et de sensibilité humaine dans les contes d’Afonso Arinos (1868-1916), le récit de la Guerre de Canudos (Os Sertões, 1902) d’Euclides da Cunha (1866-1909) ou l’évocation des tribulations du métis Jeca Tatu par José Bento Monteiro Lobato (Urupês, 1919).

On rattache communément au sym-

bolisme la poésie de João da Cruz e Sousa (1863-1898) et d’Alphonsus de Guimarães (1870-1921), ainsi que les romans de Raul Pompéia (1863-1895), de Lima Barreto (1881-1922) et de Graça Aranha (1868-1931), mais l’écrivain qui domine cette époque échappe à toutes les classifications et à tout dogmatisme d’école. Des poèmes des Chrysalides (1864) aux Souvenirs de la vieille maison (1906) en passant par des romans comme Quincas Borba (1891) et Dom Casmurro (1900),

Joaquim Maria Machado de Assis se révèle un maître de l’introspection et de l’humour. En 1896 est créée l’Aca-

démie brésilienne, poètes et orateurs comme Joaquim Nabuco (1849-1910) et Rui Barbosa (1849-1923) prennent part à la vie publique.

La nouvelle génération est cependant beaucoup plus attentive aux mouvements politiques et artistiques de l’étranger. Les essais et chroniques de Gilberto Amado qui paraissent à partir de 1912, les expositions de peintres influencés par l’expressionnisme allemand, la publication en 1914 dans le journal Estado de São Paulo du premier article sur le futurisme, la création à Rio, en 1915, de la revue luso-brésilienne Orfeu, tous ces événements joints aux nouvelles de la Première Guerre mondiale et de la révolution russe, ainsi qu’aux bouleversements nés de l’industrialisation de São Paulo créent les conditions d’un renouveau de la sensibilité brésilienne et de son expression littéraire.

Du 11 au 18 février 1922, plusieurs manifestations ont lieu au Théâtre municipal de São Paulo : une exposition de peinture, sculpture et architecture ; des concerts par Villa-Lobos et Guio-mar Novais ; des lectures de poèmes de Mário de Andrade, Manuel Bandeira, Ribeiro Couto, Guilherme de Almeida ; et trois conférences, l’Émotion esthétique dans l’art moderne par Graça Aranha, la Peinture et la sculpture modernes au Brésil par Ronald de Carvalho, Description de l’esthétique révolutionnaire par Menotti del Pic-chia. C’est la « Semaine de l’art moderne » qui inaugure une nouvelle ère dans les lettres du Brésil.

De 1922 à 1925, le « modernisme »

présente un front relativement uni, à travers la multiplicité de ses revues qui voient le jour à São Paulo (Klaxon, Es-tética, Revista do Brasil, Terra Roxa e outras terras), au Minas Gerais (Verde, Leite Crioulo), au Rio Grande do Sul (Madrugada), à Bahia (Arco e flecha), au Pará (Flaminaçu).

La fascination du paysage tropical s’unit aux thèmes de l’antiquité classique, le poème à forme fixe côtoie le vers libre, une langue simple et directe remplace la grandiloquence des dernières manifestations néo-parnas-

siennes. Paulicéia Desvairada (Folle São Paulo), de Marío de Andrade, reste de cette époque l’oeuvre la plus significative qui mêle en des poèmes lyriques, « iconoclastes » et « kaléidoscopiques » les cris des quartiers populaires, les passions de la bourgeoisie d’affaires, toute la gamme des immigrants européens, l’architecture composite et l’impérialisme anglais. Mais la publication en 1924 de Pau-brasil, d’Oswald de Andrade, provoque une crise qui dépasse de loin la querelle de la métrique traditionnelle et du vers libre. Proposant comme modèles les premiers chroniqueurs de l’époque coloniale pour retrouver une vision naïve de la spécificité brésilienne, Oswald de Andrade voit dans une poésie dense, elliptique un moyen de traduire la rapidité de la vie quotidienne du XXe s. et de rester ouvert aux courants de pensée du monde moderne. À cette théorie préci-sée dans le manifeste Antropofagia de 1926, le groupe « Verdamarelo » (vert-jaune, d’après les couleurs du drapeau brésilien), animé par Plínio Salgado et Cassiano Ricardo Leite, oppose un art didactique, soucieux de préserver le Brésil, en politique comme en littérature, des influences étrangères, cependant qu’à Rio, le groupe « Festa », autour de Cecília Meireles (1901-1964), se montre sensible aux préoccupations du nouveau spiritualisme chrétien. La deuxième vague du modernisme est ainsi souvent mystique et hermétique avec Jorge de Lima (1893-1953), Augusto Frederico Schmidt (1906-1965), Murilo Mendes (1901-1975), tandis que Manuel Bandeira* (1886-1968) passe du lyrisme révolté de Cendre des heures (1917) à la simplicité d’Estrela da vida inteira (1966). Mais ce n’est guère avant 1930 que le modernisme suscite une écriture romanesque nouvelle, caractérisée par le réalisme des notations et l’intérêt pour l’évolution d’un personnage ou d’une région : avec A Bagaceira (1928), José Américo de Almeida prélude au « cycle de la canne à sucre » de José Lins do Rego (1901-1957). Erico Verissimo (1905-1975) est le romancier des grandes cités modernes, Raquel de Queiroz (née en 1910) peint le Ceará (l’Année quinze, 1930), Jorge Amado (né en 1912) unit le lyrisme à la critique sociale (Cacao, 1933 ; Terre violente, 1942 ; Gabrielle,

oeillet et cannelle, 1958). Une oeuvre originale domine cette période d’une particulière richesse, celle de Graci-liano Ramos (1892-1953), qui mêle la vigueur du néo-réalisme à l’acuité de l’analyse psychologique (Caetés, 1933 ; Vidas sêcas, 1938 ; Infância, 1945 ; Mémoires de prison, 1953).