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Antoine Brumel, L. Compère, Antoine de Févin, Jacobus Obrecht, Heinrich Isaak, Pierre de La Rue, etc.

Maître de son style, Josquin quitte Rome, vers 1499, et rencontre Hercule Ier (1433-1505), duc de Ferrare.

Toute la famille d’Este est renommée pour l’intérêt qu’elle porte aux arts et aux artistes ; Hercule possède une chapelle musicale de grande qualité. En 1501, Josquin part pour les Flandres en vue de recruter des chanteurs pour cette cour ; Cambrai était pour l’Italie une vraie « foire aux chantres ». tant la qualité des chants de la cathédrale excitait l’admiration générale.

Pendant cette période, Josquin

voyage beaucoup. Il suit Philippe le Beau en Espagne, puis entretient des relations avec la cour de France. Les précisions manquent malheureusement sur ces dernières : il fournit des compositions comme le motet Memor esto verbi tui, qui doit rappeler des services non payés par le roi, mais il ne semble pas avoir résidé à la Cour d’une ma-nière suivie.

En 1503, il devient maître de cha-

pelle à Ferrare. En concurrence avec Isaak, Josquin lui est préféré pour ses qualités de compositeur, bien qu’on lui reproche son mauvais caractère : il ne veut point composer sur commande,

mais à son gré ; surtout, ses prétentions financières sont élevées. Pourtant, l’estime qu’il a de son talent est justifiée : il dirige cette chapelle au moins jusqu’en 1504 et peut-être 1505, date à laquelle Brumel lui succède.

La dernière période de sa vie se

déroule dans son pays natal. Les documents font quelque peu défaut pour situer son activité : il célèbre l’alliance anglo-néerlandaise (déc. 1507) dans la chanson Plus nulz regretz et rencontre le théoricien Pietro Aaron (v. 1480-1545) à Florence en 1516. Enfin, grâce à l’estime de Marguerite d’Autriche, il obtient de l’empereur Maximilien Ier le prieuré de l’église Notre-Dame à Condé-sur-l’Escaut.

Jusqu’à la fin, son activité musi-

cale sera intense ; c’est un octogénaire qui remet en 1520 un recueil intitulé Aucunes chansons nouvelles à Charles Quint ! Selon deux sources contradictoires, on situe sa mort soit en 1521, soit après 1524.

Son oeuvre

Son oeuvre se répartit assez exactement entre les trois périodes de sa vie : sa jeunesse milanaise jusqu’en 1486, sa formation à Rome puis à Ferrare jusqu’en 1503 (ou 1505), sa maturité accomplie en France et dans les Flandres.

L’évolution est nette, et pourtant on ne saurait parler de progrès, car, dans chacune des formes qu’il a cultivées, que ce soit la chanson, la messe ou le motet, les oeuvres de jeunesse sou-

tiennent la comparaison avec celles de la maturité, dans un style différent.

Les chansons

Par ses quelque 70 chansons, Josquin marque le passage entre l’esthétique du XVe s. d’Ockeghem et la grande époque de la chanson parisienne des années 1530 (Clément Janequin, Claudin de Sermisy...). La longueur de sa carrière et ses nombreux voyages expliquent ce phénomène.

Avec chaque texte littéraire, il compose une forme musicale originale.

C’est pourquoi son langage est d’une grande diversité : les phrases mélodiques épousent la forme du vers et son rythme propre, sans rechercher toutefois une traduction symbolique très poussée.

Le langage courtois, un peu conventionnel, de la dernière génération des rhétoriqueurs tient une grande place dans le choix des textes : Jean Moli-net, Guillaume Crétin, Jean Lemaire de Belges figurent à côté de nombreux auteurs restés anonymes. C’est peut-

être Marguerite d’Autriche qui écrit : Playne de dueil et de mélancolye,

Voyant mon mal qui tousjours

multiplye...

En traitant ce poème en canon, Josquin abandonne les grands mélismes ou vocalises sur un mot en faveur d’un syllabisme plus grand. Le naturel et la clarté y gagnent : plus de rythmes compliqués superposés ; le début et la fin des phrases sont nets.

Il lui arrive aussi d’adapter des mé-

lodies populaires. Une des techniques qu’il utilise alors le plus volontiers est celle du canon : à deux voix déterminées dans leur déroulement, il oppose la liberté d’une paraphrase en contrepoint confiée aux autres ; ou, d’une manière savamment construite, il superpose deux canons différents (En l’ombre d’un buissonnet). Un plus grand naturel domine dans les airs où la strophe libre est préférée aux formes fixes des rondeaux, ballades et bergerettes (Si j’ay perdu mon amy). La chanson Mille Regretz est un point d’aboutissement pour sa liberté de langage. Une com-

position simultanée des voix donne une perception déjà « verticale » du cheminement musical et contribue à la clarté de l’audition. La mesure binaire remplace la mesure à trois temps et favorise des rythmes plus « carrés »

(12 chansons possèdent déjà une entrée sur la formule : 1 blanche, 2 noires, 1 blanche, qui sera une caractéristique de la chanson parisienne). L’augmentation du nombre des voix permet une downloadModeText.vue.download 5 sur 591

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 7

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grande diversité dans la construction de la polyphonie. Une partie peut

s’opposer aux 3 autres ; plus sou-

vent, 2 duos imitatifs se répondent ou se partagent la même phrase, pour se joindre finalement en un choeur homo-rythmique où les mêmes mots, chan-

tés ensemble, acquièrent une grande force. Mille Regretz possède un motif de quatre notes descendantes, mis en évidence au centre de la composition et placé dans des contextes très variés avec beaucoup d’imagination.

À la fin, Josquin rassemble en un

raccourci saisissant ce qui a été dit auparavant ou prolonge les derniers mots du texte par une longue « coda »

ornementale. Une technique fondée

sur la répétition, sur le balancement de sections identiques devient le principe formel central, sans que les symétries ou les canons aient jamais le caractère d’une machine bien montée.

Les messes

Parmi ses 29 messes (dont 7 sont

incomplètes), certaines puisent leur inspiration dans le plain-chant ; une hymne ou une séquence fournissent

en général une phrase qui fonde

chaque partie de l’office : l’Ave maris stella, l’introït Gaudeamus... Mariae transposé, ornementé et mesuré, par exemple.

La Missa de Beata Virgine ne pos-

sède pas la même unité mélodique, car Josquin utilise des parties différentes de l’« ordinaire ». Dans deux cas, il

invente des thèmes qui gardent une allure grégorienne, à partir du titre ; ainsi, Hercules dux Ferrariae donne les notes ré ut ré ut ré fa mi ré ; Lassa fare a mi, la sol fa ré mi.

Hormis ces éléments anecdotiques,

des airs de chansons, populaires ou courtoises, sont souvent retenus pour servir de thème à certaines messes et donnent des titres aussi amusants que Missa l’ami Baudichon, l’Homme

armé ou encore Malheur me bat, Una musque de Buscaya...

Tous ces procédés étaient très courants à l’époque et un tel mélange des genres ne choquait point l’esprit religieux du temps. Les emprunts pouvaient même dépasser l’élément mélodique et utiliser la construction polyphonique dans laquelle cet élément s’insère. Ainsi, Josquin s’inspire du motet à 3 voix de Brumel Mater Patris dans la messe du même nom ; dans

certains passages, les citations sont presque littérales, mais notre compositeur ajoute 2 voix supplémentaires.

Avant d’en arriver à cette technique de « parodie », une longue évolution a eu lieu. Au départ, la phrase mélodique est présentée au ténor, en valeurs longues ; répétée à chaque section de la messe, elle lui donne son identité et son unité.

Sur cette ossature solide, les autres voix peuvent évoluer en paraphrasant en un « contrepoint fleuri » les notes du thème sur un rythme plus rapide. La messe Hercules dux Ferrariae emploie cette technique.