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Ailleurs, le cantus firmus passe à d’autres voix que le ténor ou se pré-

sente en canon. Une évolution nette se fait jour dans les pièces où, au lieu d’être en valeurs longues, son rythme est de même nature que celui des autres voix. Rien n’empêche alors de le traiter en imitation d’une voix à l’autre sans que l’une d’elles ait un rôle mélodique privilégié. C’est le cas de la messe Ave maris stella.

Lorsque le thème est morcelé en

motifs soumis à des imitations, à des déformations mélodiques ou ryth-

miques, nous arrivons au terme de l’évolution : c’est l’imitation continue.

La mélodie est partout présente, mais jamais citée en entier ; elle communique à l’ensemble de la polyphonie l’esprit du plain-chant et non la lettre.

La messe Pange lingua est à cet égard un sommet.

Le cantus firmus est devenu un vrai thème capable d’engendrer d’autres motifs : il peut se prêter aux développements les plus libres. Le symbolisme musical traduit les mots du texte (notes descendantes en imitation pour la

venue de l’Esprit-Saint sur le monde) et met en valeur son sens même.

Grâce à l’assouplissement et à la

liberté que Josquin communique aux formes de son temps, son expression personnelle d’un grand lyrisme trouve à se manifester.

Les motets

C’est cependant dans ses motets qu’il peut le mieux donner cours à son inspiration : le cadre est plus vaste que celui de la chanson et le texte n’est pas imposé comme celui de la messe.

Josquin choisit ses textes dans la Bible, parmi les Psaumes (Laudate

pueri, Qui habitat in adjutorio), les récits (Absalon fili mi), le Cantique des cantiques (Ecce tu pulchra es, amica mea) ; il utilise aussi des hymnes et des séquences : Conditor alme siderum, Veni Sancte Spiritus, Stabat Mater...

Le psaume Miserere mei Deus, écrit pour Hercule Ier, est le plus justement célèbre. Un thème sur deux notes rappelle la psalmodie ; présenté en imitation au début, il est repris en ostinato par le ténor, baissé d’un ton à chaque reprise ; après avoir descendu une octave, il suit le chemin exactement inverse pour reprendre dans une 3e section la descente du début jusqu’au la.

La progression de l’ensemble, avec son introduction dans les graves qui s’élève peu à peu, est très symbolique de

l’homme qui se tourne vers Dieu dans un mouvement d’espérance. Rien n’est vraiment novateur dans cette technique de cantus firmus en ostinato, mais l’expression est extrêmement puissante et

maîtrisée.

Josquin emploie le même langage

technique que dans ses messes ou ses chansons, mais lui donne souvent une richesse inaccoutumée. Ainsi, l’écriture verticale est plus nette : O Domine Jesu Christe, Tu solus qui facis mira-bilia montrent le goût du composi-

teur pour la couleur des accords et sa science harmonique ; la présence fré-

quente de la tierce finale ajoute encore à ce sentiment harmonique.

Le motet Vultum tuum deprecabun-

tur contient 5 sortes de duos imitatifs ; on trouve des cantus firmus en canon dans Sic Deus dilexit et un double canon accompagné par 2 voix libres dans In nomine Jesu.

Le compositeur rejoint un usage de son temps lorsqu’il place au ténor de son oeuvre un texte différent de celui des autres voix, mais qui le commente : le ténor du motet Missus est Gabriel fait allusion par sa mélodie à la chanson d’Antoine Busnois À une dame j’ai fait voeu.

Le triple motet O bone et dulcis

Domine Jesu est bâti sur deux cantus firmus superposés : le ténor énonce le Pater noster, tandis que la basse chante Ave Maria.

Certaines chansons, en fait, sont des motets. Dans l’émouvante Déploration sur la mort d’Ockeghem, le ténor chante l’introït Requiem aeternam et, à la fin, Requiescat in pace ; les autres voix appellent, en fran-downloadModeText.vue.download 6 sur 591

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 7

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çais, Brumel, La Rue, Compère à prendre le deuil de leur « bon père ».

La composition est symboliquement

écrite en notes noires ; la 1re partie reprend le style d’Ockeghem en souvenir de lui, tandis que la 2e a des phrases plus claires et une progression davantage par accords.

Nicolas Gombert utilisera un symbolisme semblable lorsque, sur le thème du motet de Josquin Christus mortuus à 6 voix, il pleurera la mort du grand compositeur.

De son vivant déjà, Josquin fut célébré par tous : son élève Adrien Petit Coclico, ses collègues Compère et Pierre Moulu, les théoriciens Aaron et Glarean, des écrivains, même, comme Luther, lui réservent la première place.

Longtemps après sa mort, son oeuvre a été recopiée ou transposée pour les instruments. Fait exceptionnel pour l’époque, le Vénitien Petrucci consacre trois volumes entiers à l’édition de ses messes.

Au XVIIIe s., Adami saluera encore celui

« dont parle et parlera éternellement la renommée ».

M.-M. K.

A. Smijers, Werken van Josquin Des Prez (Amsterdam, 1925-1957 ; nouv. éd. par A. Smijers et M. Antonowycz, Josquin Des Prez Opera omnia, Amsterdam, 1957 et suiv.). / H. Osthoff, Josquin Des Prez (Tutzing, 1962-1965 ; 2 vol.).

dessalement

F EAU.

dessin

Mode d’expression plastique utilisant le trait et éventuellement le modelé par priorité sur la couleur.

Introduction

Que le dessin ambitionne de représenter une forme extérieure ou de faire exister une forme non identifiable à un objet ou à une figure extérieure (c’est-à-dire imaginée), il demeure avant tout un procédé technique né d’un tracé, d’une graphie, qu’elle apparaisse sous forme de ligne ou de tache. L’acte de dessiner engage un travail d’équivalence symbolique qui traduit une forme ou une association de formes graphiquement exprimées ; et le dessin mène du trait à la peinture, à partir du moment où celle-ci n’est plus seulement remplissage coloré de surfaces circonscrites par des lignes, mais association de formes colorées, mentalement organisées en un ensemble.

L’idée de représenter, d’engendrer une forme et d’en associer plusieurs en une seule représentation — sinon en une

« présentation » commune —, tel un nouvel organisme, constitue un phéno-mène fondamental. Question de vision, de conception, mais aussi de procédé ; car, de la pointe qui incise une surface au pinceau qui appose des signes et des taches, l’univers du dessin apparaît comme très vaste. De plus, n’oublions pas que le signe ou la forme dessinés sont à l’origine de la symbolique transmissible du langage ; et le dessin conserve des valeurs très proches de celles qui sont fournies aux grapholo-gues par la « graphie ». Il resterait à observer que, à travers les divergences d’évolution, un caractère commun s’est affirmé : l’expression de l’individualité de celui qui tient entre ses doigts l’instrument adéquat. Toute la variété de l’histoire du dessin et des expressions graphiques actuelles dépend du choix de cette instrumentation.

Historique

Constatons tout d’abord que, dès la préhistoire, deux types d’instruments ont été utilisés, et deux techniques mises en oeuvre. Avec une pointe dure de silex ou de tout autre matériau équivalent, en attendant le bronze, on a pu tracer des signes ou des représentations naturelles d’animaux et d’êtres humains, tandis qu’un pinceau fait de fibres végétales ou de poils a servi à véhiculer un liquide coloré avec lequel on a dessiné de grandes formes sur les parois des cavernes. Dans ce dernier cas, le doigt a dû servir largement.

Mais, dès ces époques lointaines,

le dessin n’a pas consisté seulement en tracés linéaires de contour, sans que soit transmise une certaine sensibilité à l’allure de la ligne par des

« inflexions » plus ou moins larges ; de même rencontre-t-on des « mouvements » de modelé, comme à Altamira ou à Lascaux. Et, par là, coloration et définition d’une forme se trouvent de bonne heure nettement associées. Deux aspects fondamentaux de la conception du dessin ont donc été exprimés dès la préhistoire.