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D’autres sont plutôt sociales : diffé-

rences dans les liaisons, s passant à z devant consonne sonore ; assimilation des consonnes mises en contact par la non-prononciation du e caduc, comme dans notre livre blanc, prononcé not’liv blanc ; simplification des groupes de consonnes en finale, comme dans

artiste, prononcé artiss, ou parfois à l’intérieur des mots comme dans exclusif, prononcé esclusif. Il faut noter aussi certaines tendances à la réduction du système : ainsi, l’opposition de un et de ain (de brun et de brin),

peu productive, tend à disparaître : la forme parisienne du français généralise la prononciation ain. De même, certaines oppositions comme é-è en finale tendent à s’atténuer au profit d’un son intermédiaire : c’est ainsi que les Parisiens ne distinguent pas, dans l’articulation, le futur terminé par -rai et le conditionnel terminé par -rais. La distinction entre le a d’avant de patte et le a d’arrière de pâte n’est plus guère réalisée et entendue.

Il faut noter, en outre, que la manière dont on écrit les mots exerce une influence de plus en plus grande sur leur prononciation. Le mouvement amorcé au XVIIe s. conduit à articuler le p de dompter et de cheptel et le c de cric.

Morphologie et syntaxe

Le français se présente comme une langue analytique, qui tend à exprimer les fonctions ainsi que les modalités et les temps verbaux par l’introduction de mots fonctionnels plutôt que grâce à des suffixes ou à des terminaisons comme les langues classiques ou l’allemand et le russe. Cela est d’autant plus vrai sur le plan de l’expression orale que nombre de marques grammaticales ne se prononcent pas.

Pour le pluriel des noms et des adjectifs, il faut opposer un système écrit, où la règle générale est que le pluriel est indiqué par la terminaison -s, et un système oral, qui n’indique pas le nombre de cette manière (rose et roses se prononcent de la même manière).

Dans le système oral, sauf quelques cas particuliers, comme cheval-chevaux, c’est l’article qui varie graphiquement, mais aussi oralement en nombre. Ce qui est vrai pour le nombre l’est aussi pour le genre : le système de l’écriture oppose un masculin terminé par une lettre-consonne ou par une voyelle autre que e dit « muet » : plaisant s’oppose ainsi à plaisante. En réalité, dans la prononciation, on a un masculin terminé par une voyelle (ici an) et un féminin terminé par une consonne (le t de plaisante). Il y a pour ainsi dire deux systèmes entièrement différents entre l’écrit et le parlé (v. écrit/oral [codes]).

Pour ce qui est des formes verbales, la personne est indiquée dans la graphie par la terminaison (cinq formes pour le présent de l’indicatif du verbe aimer) et dans la prononciation presque uniquement par le pronom sujet (sans lui, aime, aimes et aiment, sauf liaisons éventuelles, se prononcent de la même manière).

Le système des temps verbaux op-

pose une série exprimant des procès non accomplis (temps simples) à une série exprimant des procès accomplis

(temps composés). Il faut noter ici une grande différence entre la langue écrite et la langue parlée. Alors que l’écrit (ou l’écrit lu, dit écrit-parlé) emploie encore le passé simple comme substitut élégant du passé composé, surtout en cascade dans le style narratif et à la 3e personne, ce temps ne fait plus partie des formes parlées. Il en va de même pour le subjonctif imparfait (le subjonctif présent, lui, est encore bien vivant et gagne même du terrain, avec après que par exemple), qui est sorti de tous les usages courants (écrits ou parlés) ailleurs qu’à la 3e personne du singulier ; on emploie cette dernière forme dans la langue littéraire pour respecter la règle de concordance des temps. Ainsi, le subjonctif tend à géné-

raliser et à faire triompher un système à deux formes : un non-accompli (dit présent) et un accompli (dit passé).

Rien d’étonnant à cela, puisque nous retrouvons là un système qui se généralise également à l’indicatif (avec, toutefois, un jeu plus complexe de formes) et au conditionnel.

Il faut noter aussi la présence dans la langue populaire de formes dites « sur-composées », comme j’ai eu fini ; elles accentuent l’opposition entre un système de formes de sens accompli et un autre de formes de sens non accompli.

Vocabulaire

Pour le vocabulaire, les faits récents importants sont l’introduction de mots étrangers sous leur forme d’origine (à toutes les époques on a emprunté aux langues étrangères, mais en francisant plus ou moins les mots). La non-francisation des emprunts s’explique par l’importance de plus en plus grande de l’écrit. Le nombre de ces emprunts est, du reste, relativement à la masse lexicale, assez réduit et ne justifie qu’assez peu les craintes de certains grammai-riens. Dans certains cas, les emprunts ont donné au français de nouveaux phonèmes (notamment dans la terminaison -ing d’origine anglaise) ou ont imposé de nouvelles prononciations pour certaines lettres : le u de putsch prononcé ou par exemple.

Le renouvellement du lexique se fait selon les lois générales qui président à

la création des mots. Toutefois, certains procédés sont plus spécifiques de notre époque : la troncation (automobile ré-

duit à auto), l’importance des abréviations et la possibilité de les considérer comme des bases lexicales d’où l’on tire des dérivés (de Confédération gé-

nérale du travail on tire C. G. T. et de C. G. T. on tire cégétiste). L’apparition et l’importance prise par des préfixes comme anti-, hyper-, hypo-, super-, mini-, maxi-, etc., ne doivent pas être négligées. Enfin, les barrières qui séparaient les vocabulaires des différents dialectes sociaux tendent à tomber.

Le français en France et à

l’étranger

Les problèmes posés par l’extension du français sont nombreux : langue officielle de la France, le français n’est pas la langue maternelle de tous les Français. On peut, certes, penser qu’en dehors de quelques vieilles personnes tous les Français comprennent et savent parler la langue nationale.

Mais plus ou moins. Jusqu’à leur arrivée à l’école, beaucoup de petits Fran-

çais pratiquent avec leurs parents et surtout leurs grands-parents, dans leur village ou dans leur ferme, des patois assez éloignés du français central. En effet, les langues non romanes, les downloadModeText.vue.download 566 sur 567

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 8

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dialectes romans italiens ou ibériques, les dialectes occitans sont encore utilisés couramment dans les relations familières. Une série de faits récents indique même chez une partie des usagers des langues locales la volonté de les faire vivre, de leur donner un statut officiel et de les tirer de leur situation d’infériorité. Certaines d’entre elles sont de nouveau enseignées et peuvent être choisies à certains examens. La situation du français et ses rapports avec les langues locales tendent donc à être redéfinis, mais il n’y a pas lieu de penser que cette place faite aux langues locales va menacer l’existence du fran-

çais ou son statut de langue commune.

En revanche, la France s’étant

constituée très tôt en État centralisé, sa langue officielle est devenue la langue normalisée de régions à dialectes fran-

çais qui n’ont jamais ou presque jamais dépendu politiquement de notre pays : très tôt au cours de son histoire, la Wallonie offre des textes rédigés dans un français teinté de traits wallons plutôt qu’en wallon proprement dit. Il en est de même en Suisse francophone.

Le rôle joué par la France a eu également pour conséquence qu’à diverses époques la langue française a été la langue de la diplomatie (notamment au XVIIe et au XVIIIe s.). Pour les mêmes raisons ou pour d’autres (influence politique, importance de ses penseurs, par exemple, ou des émigrés protestants chassés par Louis XIV), elle a été la langue de certaines couches sociales (cours princières allemandes au XVIIIe s., intelligentsia russe au XVIIIe s.