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Voici ce que je réclame de toi :

Tu vas t'en aller trouver M. Boulandais (il est prévenu) tu rencontreras chez lui .M Uc 430, tu diras que tu viens de ma part,tu seras gracieux, empressé, éloquent, tu diras du mal de moi, et tu épouseras...

Tu tâcheras de la rendre heureuse, ô mon ami, pour que je n'aie pas de remords. Son cœur sera brisé, il est certain que dans les premiers temps tu auras à sécher ses larmes et à lui prodiguer des consolations, mais à la longue mon image s'effacera de son cœur et elle s'habituera à toi, j'aurai fait deux heureux — cela me sera compté là-haut.

Bezucheux se marie, je me marie, tu vas te marier, ça fait trois enterrements de vie de garçon nous rirons copieusementl ton bienfaiteur, Tiburce Pontbuzaud Mon cher Pontbuzaud,

Trop tard! Voilà huit jours que je suis presque marié. Des négociations entamées à la dernière soirée de la Clef des cœurs, ont abouti et les bans viennent d'être publiés.

Je n'avais voulu rien dire avant d'être tout à fait sûr. Excuse mes cachotteries et mets-les sur le compte de ma modestie. Tu dois comprendre que malgré le plaisir que j'aurais à t'obliger, je ne puis épouser aussi la demoiselle 430. Ma future m'a déjà déclaré qu'elle était horriblement jalouse.

Tu sais, malgré tout ce que disait M. Boulandais, j'ai réussi un mariage assorti. M. Boulandais nous classait dans les non assortis, parce que je suis blanc, et que ma future est un peu négresse. Je suis très heureux. Depuis mon enfance, je ne rôve que voyages, tropiques, colonies, forôts vierges et les circonstances m'ont toujours empoché d'aller plus loin que Monaco... je trouverai tout cela dans mon ménage!...

..Bisjeco

Tu as entrevu ma future aux soirées delà Clef des cœurs, c'est la y&f[ fille d'un ancien ministre des finances deHaïti, que des malheurs politiques ont forcé à émigrer. Je craignais d'être obligé de choisir Haïti pour mon voyage de noces, mais mon beau-père, pour des raisons politiques, m'en a dispensé.

Je compte sur vous tous pour m'aider à ensevelir ma vie de garçon. Ce sera très chic, mon beau-père demande à être de la cérémonie.

Invitation au ciuer d'entcrren.e ts.

Le sort de la pauvre demoiselle 430 me tourmente. J'écris à Lacostade pour lui démontrer qu'elle ferait tout à fait son affaire.

A bientôt, mon futur beau-père brûle de vous ôlre présenté à tous.

Saint-Tropez.

Mon vieux Lacostade,

Tu fus cuirassier, c'est-à-dire chevalier français ; comme tel, tu te dois aux dames!

La demoiselle 430 consentait à m'épouser, mais par un coup du sort, je suis engagé ailleurs, nos bans sont publiés. (Je te présenterai à ma future et à mon beau-père, tu les trouveras peut-être un peu basanés, mais cela tient à ce qu'ils sont tout à fait du midi).

Il est certain que tu n'auras qu'à paraître pour que les sympathies de M lle 430, un instant égarées sur moi, se reportent sur ta personne. M Uo 430 gagnera beaucoup au change, ma modestie bien connue m'oblige à le déclarer hautement.

J'écris à M. Boulandais pour le prier d'arranger les choses.

Vas-y tout de suite et sois heureux.

A bientôt l'enterrement de ma vie de garçon.

A toi, Saint Tropez, ancien célibataire.

Mon cher Saint-Tropez,

Impossible!

Ma cuirasse a tapé dans l'œil de M me 420, 800,000 francs, fortes espérances, grandes relations dans la diplomatie... je l'aime! elle m'adore!

Tu comprends, que môme pour rendre service à un ami, je ne puis briser le cœur à une faible femme qui m'adore ! Mes bans vont être publiés et le petit souper pour l'enterrement de ma vie déjeune homme est déjà commandé. Nous rirons une dernière fois!

J*écris à Bisseco etje lui passe ta commission. Tu connais son obligeance, c'est chose faite. Ne te tourmente donc plus pour le n° 430 et marie-toi avec sérénité.

Lacostade, ex jeune homme à marier.

Mon vieux Bisseco,

Au moment où je me prépare à conduire à l'autel une femme charmante, séduisante et surtout aimante, voilà que, par suite d'un malentendu, une autre femme me tombe sur les bras.

Décidément, il est temps que je me retire du monde, dans tous les salons que j'honore de ma présence, j'enflamme l'imagination des jeunes personnes.

Je te cède ma deuxième future, le n° 430 du catalogue de la Clef des cœurs. Présente-toi hardiment avec ma recommandation et je suis sur du succès.

C'est entendu, n'est-ce pas? Nous enterrerons notre vie de garçon en môme temps.

Le ministère est renversé !

Bezucheux se marie, Saint-Tropez se marie, je me marie, tu vas te marier. L'infortuné Cabassol seul va rester! Plaignons-le.

Ton Lacostade, célibataire en retraite.

Mon cher Lacostade,

I

Je ne veux pas que tu puisses dire que, moi, Bezucheux de la Fricottière, je suis un vil escroc. Je vais tout t'avouer. Sois indulgent, mon ami et prends pitié de mes remords. Tu sais que je me marie, tu as reçu la lettre de faire part, mais ce que tu ne sais pas, mon ami, c'est que ce sont tes corsets qui ont fait le mariage. Je t'expliquerai cela, mais sache que c'est grâce à tes corsets que j'épouse M lle Cam-biac, la fille de mon banquier; je fais une variante au vers connu :

« Un père est un banquier donné par la nature. »

Mon beau-père sera toujours mon banquier, je lui continue ma confiance.

Je reprends le cours de mes aveux.

Je me marie donc grâce à tes corsets. En bonne justice, c'est toi qui devrais épouser, je t'escroque une fiancée. De là mes remords. Je les aurais tranquillement étouffés (je suis canaille, mais très franc] si une idée ne m'était venue : mon beau-père a deux Biles ; veux-tu devenir mon beau-frère? je t'indiquerai les moyens de parvenir à ce grade distingué.

Ces aveux ont soulagé ma conscience. Je suis plus tranquille maintenant. J'attends ton absolution.

BEZUCHECX DE LA FlUCOTTIÈRE,

Mon cher Bezucheox,

Comment, encore une future? Ça ferait trois! Qu'on aille encore nier mon prestige.

Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Je suis enchanté que mes corsets t'aient porté bonheur et je t'accorde le pardon que tu sollicites.

Je me marie aussi, je ne puis donc épouser la deuxième M 1!e Cambiac, pas plus que je ne puis épouser le n<> 430 de l'agence Boulandais.

Ton Lacostade, futur mari du n° 420 (catalogue Boulandais).

Mon cher Lacostade,

Merci. Je cours chez M. Boulandais. Déjà je brûle pour le n° 430. 0 mon ami, elle sera heureuse, je le jure.

Bisseco.

Le dernier des célibataires. — Expiration orageuse à la Clef de:: cœurs.— Coup de théâtre. — Le mariage de Cabassol,

Pendant que se négociaient les mariages de ses amis, Cabassol, absorbé par ses travaux parlementaires, n'avait pas paru au Bêbinard's club. Le citoyen Savoureux, en train de démolir un ministère, le mettait sur les dents. Des courses, des lettres, des articles pour deux ou trois journaux, des compte-rendus bien sentis des séances de la Chambre occupaient tous ses instants. Quand il croyait pouvoir s'échapper pendant une soirée, une séance de nuit ou un coup de collier à donner dans le journal le retenait, et il était obligé de remettre à plus tard les effusions de l'amitié.

Enfin, le jour même où Bisséco obtenait la main du n° 430, l'événement tant attendu arrivait : le ministère, savamment miné, déboulonné avec soin, s'écroula sous une poussée énergique du citoyen Savoureux, et le citoyen Savoureux, investi de la confiance du pays, fut chargé par l'exécutif d'en fabriquer un autre.