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— Gère amie ! zézaya gaiement l'ambassadeur, permettez-moi de vous pésenter MM. Cabassol et Taparel, deux éminentes personnalités de la finance...

Le suisse de l'Ambassade.

— Madame! firent Cabassol et Taparel en s'inclinant profondément devant un groupe de dames dont les visages et les épaules offraient toutes les différentes nuances des noirs, depuis le pur cirage jusqu'au gris tirant sur la sépia.

— Laquelle est l'ambassadrice? pensait Cabassol, ô mon Dieu! faites qu'elle soit au moins passable !

Une dame modelée dans une robe d'un jaune éclatant, soutachée de vert tendre et garnie de rubans roses, adressa le plus gracieux des sourires aux deux éminentes personnalités de la finance et répondit en minaudant et en scandant chaque parole d'un léger coup d'éventail :

— C'est bien aimable à vous, messieurs, d'embellir notre réunion... vous charmants!...

Les deux hommes s'inclinèrent plus profondément.

— Elle nous trouve charmants, murmura le notaire.

— O doux espoir! murmura Cabassol enchanté de voir que l'ambassadrice était d'un noir un peu moins foncé que l'ambassadeur.

Et il appuya la main sur son cœur en jetant à l'aimable dame un regard qu'il fit aussi brûlant que possible.

— Asseyez-vous, messieurs, je vous prie, poursuivit l'ambassadrice, vous charmants, je vous assure, vous sympathiques au Zanguebar, Zanguebar heureux!

— Oh oui ! fit audacieusement Cabassol, nous sympathiques au Zanguebar, et surtout à Zanguebariennes... si jolies!

— Zembo! s'écria l'ambassadrice en se levant, Zembo ! je vous prie? que signifie? vous pas poli, vous oubliez de décorer ces messieurs!... c'est mal !

— Oh ! pardon ! fit l'ambassadeur en se précipitant, excusez ce petit oubli... ze suis distrait... le plaisir de recevoir ces messieurs me troublait... mille excuses ! mille excuses !

Et le bon ambassadeur faisant des gestes de désespoir, fouilla rapidement dans toutes ses poches en paraissant y chercher quelque chose. Enfin il en tira deux petits crocodiles semblables à celui de Miradoux. et, tout en continuant à s'excuser, il se mit en devoir d'en accrocher un à la boutonnière de chacun de ses invités

Les artistes avaient dû passer beaucoup de temps.

Grand diner à l'ambassade de Zanguebar.

— Ze vous fais zevalier! dit-il en frappant gravement sur l'épaule de Cabassol, zevalier de l'o'd'e du Gocodile d'azent!...

Pendant que l'ambassadeur répétait la même cérémonie avec le digne M e Taparei, Cabassol prodiguait les remerciements et les galanteries à madame l'ambassadrice.

— Croyez, madame, à toute ma joie d'approcher de la plus séduisante des ambassadrices, de la.fleur tropicale implantée des rives du Zanguebar dans nos salons parisiens qu'elle réchauffe de sa grâce et de... Je le disais encore la semaine dernière, notre Europe périrait de froid et d'ennui si, de temps en temps, les contrées plus favorisées du Ciel ne lui envoyaient quelques beautés écloses sous les rayons ardents de leur soleil, dans la verdure des forêts vierges !

— Oh ! vous flatteur ! répondit à la fois tout le cercle des dames, en jouant modestement de l'éventail.

— Moi juste ! s'écria Cabassol.

Un majestueux valet, aussi nègre que l'ambassadeur, vint majestueusement glousser quelque chose à la porte du salon. Cabassol comprit que cela voulait dire :

— Madame est servie 1

Aussitôt toute la. société se leva pour passer à la salle à manger. Cabassol offrit, avec une désinvolture tout à fait ancien régime, le bras à l'ambassadrice. M e Taparei n'eut pas la peine d'offrir le sien à personne, une dame d'un noir intense s'empara de son bras gauche, et une dame au teint chocolat se saisit de son bras droit.

La table était somptueusement servie, mais rien n'égalait le luxe de valets déployé par l'ambassadeur : chaque convive en avait un ou deux derrière sa chaise, quand ce n'était pas trois, tous plus nègres les uns que les autres et tous couverts de la superbe livrée rouge et or, avec des petits crocodiles sur les boutons.

— Ce sont mes secrétaires et mes attachés, dit l'ambassadeur à Cabassol ; les affaires de la chancellerie expédiées, ils cherchent à se rendre utiles.

Les convives s'étaient assis, l'ambassadeur promena un regard circulaire sur la table et frappa sur un timbre colossal, qui résonna comme un tam-tam.

— Boum ! fit intérieurement Cabassol après avoir sauté sur sa chaise.

Ce signal sembla éleetiàser tous les secrétaires dorés à boule noire ; ils se précipitèrent dans tous les sens dans un désordre qui parut combler de satisfaction l'heureux ambassadeur.

— Est-ce qu'ils vont faire de la gymnastique ? se demanda Cabassol

— Ahl ça, est-ce qu'ils vont nous jouer une pantomime, se disait M e Taparel légèrement inquiet.

Mais un secrétaire plus doré que les autres, plus couvert de passementeries et d'aiguillettes, et de plus coiffé d'une perruque poudrée à blanc, venait d'entrer apportant le potage avec la solennité d'un magistrat chargé de présenter sur un coussin de velours les clefs de sa ville à un monarque.

Le potage fut servi au milieu d'un tourbillonnement de têtes noires et de livrées rouges.

Cabassol l'aborda avec une certaine défiance, mais dès la première cuillerée il eut la satisfaction de constater que la cuisine de l'ambassade n'avait rien de trop zanguebarien.

— Hein ! pas mauvais ? demanda le majordome en se penchant avec un large sourire sur l'épaule de Cabassol.

— Bono, bono, répondit notre héros.

Les boules noires des secrétaires se balafrèrent d'ouvertures rouges et blanches, un rire joyeux leur fendit la bouche jusqu'aux oreilles, et ils redoublèrent de précipitation dans leur service.

Le beau majordome à la perruque poudrée les surveillait et les encourageait par de grands coups de poing dans le dos. Cabassol remarqua qu'il portait sur la poitrine un crocodile d'argent semblable à celui que l'ambassadeur venait de leur décerner. Le majordome était décoré aussi 1

— Esselent, ce suprême volaille, dit une dame, esselent !

— Charmant ! répondit une autre.

— On croirait manger de la femme, fit un nègre avec un galant sourire.

— Oh ! fît la première dame en essayant de rougir.

— De l'ambassadrice ! s'écria Gabassol. c'est fin et délicat.

Ce fut au tour de l'ambassadrice de minauder en se cachant derrière son éventail.

Zo vous fais zevalier !

— Est-ce que l'on mange encore quelquefois son semblable à Zanguebar? demanda le notaire.

— Oh ! dit l'ambassadeur, vieille coutume ! abandonnée ! hommes mal élevés quelquefois encore, mais bien rare, et puis pas manger semblable, manger femmes!

— Oui, fit l'ambassadrice, eux aimer femmes, beaucoup! mais défendu!

— Croyez bien que je le regrette, madame, manger ce que l'on aime, ce doit être délicieux.

Et Cabassol prenant la main de l'ambassadrice y déposa un baiser, en même temps qu'il lui marchait sur le pied.

L'ambassadeur voyant la conversation mise sur le Zanguebar s'empressa de saisir l'occasion pour placer quelques mots relatifs à l'affaire de l'emprunt.

— Beau pays le Zangueba ! dit-il avec emphase, des a'b'es g'os comme l'obélisse de Pa'is, des lions g'ands, t'es g'ands, et mézants ! des se'pents, des cocodile?, un beau ciel, touzous bleu et touzous zaud ! Beau pays, p'ince puissant, mais besoin d'azent, pou payer fusils et femmes Ça t'es zer, t'èa Ter!