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— Je souffre, dit-il, de ne pas savoir, de ne rien pouvoir faire.

— De quoi s’agit-il donc encore ?

— De quoi il s’agit ? répéta-t-il en la fixant de son regard perçant, il s’agit d’Elle, de lady Beltham.

— Vous savez bien, fit-elle, que lady Beltham est morte.

Fantômas ne répondit point tout de suite. Il regarda longuement sa fille, puis, après un léger hochement de tête :

— Je ne sais pas.

Mais Hélène répéta d’un ton catégorique :

— Lady Beltham est morte.

— Écoute, il faut que je te dise…

Le bandit raconta la visite qu’il était allé faire quelques jours auparavant à la maison mystérieuse de Ville-d’Avray, il avoua à sa fille qu’à peine était-il arrivé dans le jardin, de l’intérieur de la maison avait surgi une vision affolante, un véritable spectre.

— C’est une hallucination.

— Les coups de revolver, dit-il, que l’on a tirés sur moi étaient pourtant réels, et je me demande d’où cela peut provenir. Qui donc pouvait m’en vouloir de la sorte ?

Brusquement, Fantômas prit les mains de sa fille qui tressaillit :

— Hélène, interrogea-t-il, on te soupçonne dans divers milieux d’être la femme mystérieuse qui se dissimule parfois dans la maison de Ville-d’Avray. Sois franche. Dis-le-moi. Est-ce toi ?

— Non, ce n’est pas moi.

Une lueur d’espoir traversa le regard de Fantômas :

— J’aime mieux cela. Néanmoins il faut percer à jour ce mystère ; je veux savoir et je saurai ce qui se passe dans cette maison de Ville-d’Avray.

— Mon père, fit-elle, ignorez-vous donc que la police tout entière a l’attention attirée sur cette maison mystérieuse où il se passe des choses ?

— Peu importe, cria Fantômas dont la résolution semblait désormais définitive, j’irai là-bas, pas plus tard que ce soir, et je saurai.

Puis, comme s’il se parlait à lui-même, il ajouta :

— Je crois à quelque chose d’insensé, d’invraisemblable, je crois que lady Beltham habite cette maison. Je vais m’y rendre en me dissimulant. Je ne me montrerai pas tout d’abord.

— Pourquoi ?

— Ceci est mon secret.

En réalité, Fantômas, qui parlait à sa fille, plaidait un peu le faux pour savoir le vrai.

Sans doute, l’extraordinaire vision qu’il avait eue auparavant lui permettait de croire, d’espérer que peut-être lady Beltham était vivante, encore que cela lui parût invraisemblable, et que peut-être elle habitait cette demeure. Mais si c’était la vérité, pourquoi lady Beltham avait-elle tiré sur lui ? Devait-il considérer désormais sa maîtresse adorée, celle qui avait commis les plus épouvantables crimes pour lui, comme une adversaire redoutable ? Un seul pouvait – pensait le bandit – le renseigner sur ce point, c’était celui qui s’était accusé d’avoir fait mourir la grande dame, c’était le vengeur qui se dissimulait sous le nom de Dick, c’était le fils de l’acteur Valgrand.

Or, ce soir-là, si Fantômas était si énervé, si ému, c’est qu’il avait rendez-vous avec Dick. Le jeune homme devait venir le trouver, ayant, paraît-il, des choses importantes à lui dire.

À ce moment, la sonnerie du téléphone intérieur retentit. Fantômas bondit à l’appareil, son visage s’éclaira : on venait de lui annoncer l’arrivée de Dick. Il se tourna vers sa fille.

— Laisse-moi, dit-il, et dans une heure je partirai pour Ville-d’Avray.

Hélène avait réfléchi ; elle aussi avait un mystérieux besoin de savoir et de se rendre compte :

— Dans une heure, je partirai également pour Ville-d’Avray.

— Je te remercie, Hélène, de bien vouloir m’accompagner. C’est la première fois que je vois ma fille aussi douce à mon égard… J’aurai une automobile, à minuit, qui nous attendra à l’entrée de la porte de l’hôtel.

— J’irai seule, déclara-t-elle, et de mon côté.

Hélène quittait la pièce. Fantômas lui demanda auparavant :

— Où vas-tu donc, maintenant ?

— Ai-je des comptes à vous rendre, fit-elle, et ne suis-je pas libre, libre absolument ?

Fantômas baissa la tête et ne répondit point.

Une seule personne au monde pouvait enfreindre sa volonté sans s’attirer la colère et les représailles du monstre : Hélène, sa fille.

***

Le visage de Fantômas était désormais transformé. Ses traits avaient repris leur impassibilité, car Fantômas était en face de Dick.

Sur le visage de ce dernier se lisait également une sombre résolution.

— Que voulez-vous ? demanda Fantômas.

— La paix.

Et Dick demeura les bras croisés devant son interlocuteur :

— Il faut en finir, déclara-t-il.

Un sourire cruel erra sur les lèvres de Fantômas :

— C’est mon avis, dit-il, et qu’entendez-vous par là ? Quelle est la conclusion que vous me proposez ?

— Fantômas, je renonce à la lutte, vous êtes trop fort, et je suis trop amoureux. Et puis je n’ai pas une âme de bandit, et je souffre de savoir Sarah perpétuellement exposée. Vous voyez que je suis venu vers vous sans arme et que, s’il vous plaisait désormais de me faire mourir, vous pourriez le faire.

— Je vous épargne, fit Fantômas, vous le voyez bien, mais pourquoi m’avez-vous provoqué ?

— Il le fallait, soupira Dick. J’avais à venger la mort de mes parents et c’est pour cela que j’ai tué lady Beltham.

Fantômas serra les poings :

— Vous osez, Dick, répéter devant moi cette horrible chose ?

— Oui, fit l’acteur nettement.

D’une voix sourde, inquiète, Fantômas interrogea :

— C’est bien vrai, n’est-ce pas ? Vous êtes bien l’assassin de lady Beltham ?

— Je suis le justicier. Lady Beltham est morte par ma volonté.

D’une voix hésitante qui suppliait presque, le bandit questionna encore :

— Et ne l’avez-vous jamais revue depuis ?

Si cette question était extraordinaire, venant après l’affirmation de Dick, la réponse de l’acteur fut plus étrange encore.

Il se passa la main sur les yeux :

— Si, je l’ai revue, mais ce n’était pas elle, c’était son spectre, c’était un cauchemar, une image évoquée par ma conscience. C’est pour cela que je viens vers vous, Fantômas, c’est cela que je veux oublier. Faisons un pacte, voulez-vous ? Oubliez-moi, je vous oublierai. Épargnez Sarah.

Le bandit eut un sourire cruel ; se rapprochant de l’acteur, il souffla ;

— Je pourrais vous perdre, désormais. Vous tuer. Vous êtes à ma merci.

Mais Dick protesta :

— Ma mort serait vengée, dit-il, car Sarah est prévenue de ma visite et elle m’attend au-dehors. Si dans un quart d’heure je n’étais pas sorti, la police serait prévenue de l’endroit où vous vous cachez et votre repaire serait cerné.

Un instant, Fantômas parut réfléchir, puis il proposa, paraissant accéder au désir de son interlocuteur :

— Je suis prêt à m’entendre avec vous, dit-il, à une seule condition. C’est que nous irons ensemble, sans plus tarder, à la maison mystérieuse de Ville-d’Avray. Vous avez vu apparaître devant vous le spectre de lady Beltham. Moi aussi. Vous prétendez que c’est un spectre, une vision de cauchemar, moi je me demande si ce n’est pas lady Beltham elle-même. Que cela vous paraisse extraordinaire, peu m’importe. Il faut que vous veniez avec moi, il faut que nous allions là-bas ensemble.

— Soit.

— Je vous épargnerai comme je vous l’ai promis à la condition que vous vous écartiez de mon chemin dès ce soir, après notre visite à Ville-d’Avray.

***

Cependant, Hélène, quittant son père, s’était vêtue en hâte. Elle était descendue dans la rue et y cherchait une voiture pour se rendre à la gare, afin d’y prendre un train pour Ville-d’Avray, lorsque soudain elle poussa un cri de surprise.

En face d’elle se trouva une femme qu’elle reconnut.

— Sarah !

— Hélène !

Les deux jeunes filles se toisèrent. Elles étaient seules dans l’avenue Malakoff. Machinalement, elles marchèrent l’une à côté de l’autre, en silence jusqu’au carrefour de l’avenue du Bois.