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OIAX. – Ses deux joues sont de la même couleur.

PRIAM. – Les poètes s’agitent souvent sans raison. C’est ce qu’ils appellent leurs transes. Il va nous en sortir notre chant national.

DEMOKOS. – Tu me le paieras, Hector…

DES VOIX. – Ulysse. Voici Ulysse…

Oiax s’est avancé tout cordial vers Hector.

OIAX. – Bravo! Du cran. Noble adversaire. Belle gifle…

HECTOR. – J’ai fait de mon mieux.

OIAX. – Excellente méthode aussi. Coude fixe. Poignet biaisé. Grande sécurité pour carpe et métacarpe. Ta gifle doit être plus forte que la mienne.

HECTOR. – J’en doute.

OIAX. – Tu dois admirablement lancer le javelot avec ce radius en fer et ce cubitus à pivot.

HECTOR. – Soixante-dix mètres.

OIAX. – Révérence! Mon cher Hector, excuse-moi. Je retire mes menaces. Je retire ma gifle. Nous avons des ennemis communs, ce sont les fils d’Achichaos. Je ne me bats pas contre ceux qui ont avec moi pour ennemis les fils d’Achichaos. Ne parlons plus de guerre. Je ne sais ce qu’Ulysse rumine, mais compte sur moi pour arranger l’histoire…

Il va au devant d’Ulysse avec lequel il rentrera.

ANDROMAQUE. – Je t’aime, Hector.

HECTOR, montrant sa joue. – Oui. Mais ne m’embrasse pas encore tout de suite, veux-tu?

ANDROMAQUE. – Tu as gagné encore ce combat. Aie confiance.

HECTOR. – Je gagne chaque combat. Mais de chaque victoire l’enjeu s’envole.

SCÈNE DOUZIÈME

PRIAM, HECTOR, PÂRIS, HÉCUBE, HÉLÈNE, LES TROYENS, LE GABIER, OLIPIDÈS, IRIS, LES TROYENNES, ULYSSE, OIAX ET LEUR SUITE.

ULYSSE. – Priam et Hector, je pense?

PRIAM. – Eux-mêmes. Et derrière eux, Troie, et les faubourgs de Troie, et la campagne de Troie, et l’Hellespont, et ce pays comme un poing fermé qui est la Phrygie. Vous êtes Ulysse?

ULYSSE. – Je suis Ulysse.

PRIAM. – Et voilà Anchise. Et derrière lui, la Thrace, le Pont, et cette main ouverte qu’est la Tauride.

ULYSSE. – Beaucoup de monde pour une conversation diplomatique.

PRIAM. – Et voici Hélène.

ULYSSE. – Bonjour, reine.

HÉLÈNE. – J’ai rajeuni ici, Ulysse. Je ne suis plus que princesse.

PRIAM. – Nous vous écoutons.

OIAX. – Ulysse, parle à Priam. Moi je parle à Hector.

ULYSSE. – Priam, nous sommes venus pour reprendre Hélène.

OIAX. – Tu le comprends n’est-ce pas, Hector? Ça ne pouvait pas se passer comme ça!

ULYSSE. – La Grèce et Ménélas crient vengeance.

OIAX. – Si les maris trompés ne criaient pas vengeance, qu’est-ce qu’il leur resterait?

ULYSSE. – Qu’Hélène nous soit donc rendue dans l’heure même. Ou c’est la guerre.

OIAX. – Il y a les adieux à faire.

HECTOR. – Et c’est tout?

ULYSSE. – C’est tout.

OIAX. – Ce n’est pas long, tu vois, Hector?

HECTOR. – Ainsi, si nous vous rendons Hélène, vous nous assurez la paix.

OIAX. – Et la tranquillité.

HECTOR. – Si elle s’embarque dans l’heure, l’affaire est close.

OIAX. – Et liquidée.

HECTOR. – Je crois que nous allons pouvoir nous entendre, n’est-ce pas Hélène?

HÉLÈNE. – Oui, je le pense.

ULYSSE. – Vous ne voulez pas dire qu’Hélène va nous être rendue?

HECTOR. – Cela même. Elle est prête.

OIAX. – Pour les bagages, elle en aura toujours plus au retour qu’elle en avait au départ.

HECTOR. – Nous vous la rendons, et vous garantissez la paix. Plus de représailles, plus de vengeance?

OIAX. – Une femme perdue, une femme retrouvée, et c’est justement la même. Parfait! N’est-ce pas, Ulysse?

ULYSSE. – Pardon! Je ne garantis rien. Pour que nous renoncions à toutes représailles, il faudrait qu’il n’y eût pas prétexte à représailles. Il faudrait que Ménélas retrouvât Hélène dans l’état même où elle lui fut ravie.

HECTOR. – À quoi reconnaîtra-t-il un changement?

ULYSSE. – Un mari est subtil quand un scandale mondial l’a averti. Il faudrait que Pâris eût respecté Hélène. Et ce n’est pas le cas…

LA FOULE. – Ah! non. Ce n’est pas le cas.

DES VOIX. – Pas précisément!

HECTOR. – Et si c’était le cas?

ULYSSE. – Où voulez-vous en venir, Hector?

HECTOR. – Pâris n’a pas touché Hélène. Tous deux m’ont fait leurs confidences.

ULYSSE. – Quelle est cette histoire?

HECTOR. – La vraie histoire, n’est-ce pas Hélène?

HÉLÈNE. – Qu’a-t-elle d’extraordinaire?

UNE VOIX. – C’est épouvantable! Nous sommes déshonorés!

HECTOR. – Qu’avez-vous à sourire, Ulysse? Vous voyez sur Hélène le moindre indice d’une défaillance à son devoir?

ULYSSE. – Je ne le cherche pas. L’eau sur le canard marque mieux que la souillure sur la femme.

PÂRIS. – Tu parles à une reine.

ULYSSE. – Exceptons les reines naturellement… Ainsi, Pâris, vous avez enlevé cette reine, vous l’avez enlevée nue; vous-même, je pense, n’étiez pas dans l’eau avec cuissard et armure, et aucun goût d’elle, aucun désir d’elle ne vous a saisi?

PÂRIS. – Une reine nue est couverte par sa dignité.

HÉLÈNE. – Elle n’a qu’à ne pas s’en dévêtir.

ULYSSE. – Combien a duré le voyage? J’ai mis trois jours avec mes vaisseaux, et ils sont plus rapides que les vôtres.

DES VOIX. – Quelles sont ces intolérables insultes à la marine troyenne?

UNE VOIX. – Vos vents sont plus rapides! Pas vos vaisseaux!

ULYSSE. – Mettons trois jours, si vous voulez. Où était la reine, pendant ces trois jours?

PÂRIS. – Sur le pont, étendue.

ULYSSE. – Et Pâris. Dans la hune?

HÉLÈNE. – Étendu près de moi.

ULYSSE. – Il lisait, près de vous? Il pêchait la dorade?

HÉLÈNE. – Parfois il m’éventait.

ULYSSE. – Sans jamais vous toucher?…

HÉLÈNE. – Un jour, le deuxième, il m’a baisé la main.

ULYSSE. – La main! Je vois. Le déchaînement de la brute.

HÉLÈNE. – J’ai cru digne de ne pas m’en apercevoir.

ULYSSE. – Le roulis ne vous a pas poussés l’un vers l’autre?… Je pense que ce n’est pas insulter la marine troyenne de dire que ses bateaux roulent…

UNE VOIX. – Ils roulent beaucoup moins que les bateaux grecs ne tanguent.

OIAX. – Tanguer, nos bateaux grecs! S’ils ont l’air de tanguer c’est à cause de leur proue surélevée et de leur arrière qu’on évide!…

UNE VOIX. – Oh! oui! La face arrogante et le cul plat, c’est tout grec…

ULYSSE. – Et les trois nuits? Au-dessus de votre couple, les étoiles ont paru et disparu trois fois. Rien ne vous est demeuré, Hélène, de ces trois nuits?