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La vie se répand sur Mars, puis Vénus se met à tourner plus vite sur elle-même, est refroidie, ensemencée, et la Lune elle-même se voit dotée d’une réserve d’air constamment renouvelée – en fait, cette tâche a déjà été entamée suite au passage de 2026RU, mais elle se poursuivra longtemps encore ; elle voit des spectacles auxquels on ne pourra assister que dans un millénaire, une averse sur les plaines lunaires et le disque bleu-vert qui orne le ciel terrestre.

Elle voit des milliers d’astronefs en partance pour les étoiles ; elle voit la richesse et le confort croître sur la Terre, qui redevient verte à mesure que l’industrie se déplace dans l’espace…

Et elle comprend que ceci n’est pas une destinée immuable (sauf que Louie semble bien décidé à repeindre le système solaire en vert) mais plutôt un choix offert au genre humain… et l’histoire se poursuit. Puis vient le moment où le monde est unifié, que ça lui plaise ou non, où chaque voix peut se faire entendre – doit se faire entendre, en fait. Tout ceci ne dépend que du milliard de personnes branchées sur elle, et de toutes celles qui partageront leur expérience dans les jours à venir.

Elle comprend aussi que, une fois le spectacle fini, elle cessera d’être un témoin et un auditeur – cessera d’être un canal de transmission – et qu’elle retrouvera enfin son individualité, car le dernier cadeau qu’ils lui feront sera de désactiver ses transmetteurs cérébraux de façon permanente. Elle va redevenir un simple individu, à l’instar de tous les habitants de la Terre.

Cela la fait réfléchir et, profitant de ce qu’elle a encore les yeux d’un dieu, elle cherche Jesse dans la foule, le voit en train de jouir de la vision sans pouvoir formuler son plaisir, un petit enfant basané perché sur ses épaules – il ne voyait pas bien ce qui se passait et Jesse a toujours été serviable –, entouré par sa famille – il ne sera jamais des leurs, mais ils sont tout de même ses semblables. Et par-delà le site, elle voit Berlina Jameson et Brittany Lynn Hardshaw qui regardent la scène par-dessus les épaules du monde, sent la Présidente et la journaliste prendre conscience de leur insignifiance… et par-delà les deux femmes, elle voit les yeux de Louie et ceux de Carla…

— Vous êtes des dieux, murmure-t-elle.

Cette remarque est accueillie par un nouvel éclat de rire.

Nous ne sommes même pas tout à fait humains, dit Louie.

Ne dites pas de bêtises, ajoute Carla. Nous vous avons montré la Terre dans sa totalité, puis l’univers dans son immensité, et nous les avons mis entre vos mains. Vous n’avez pas le droit de nous les rendre. Nous resterons dans les parages pour suivre vos progrès et vous donner un coup de main – du moins jusqu’à ce qu’on s’en lasse –, mais nous n’acceptons aucune responsabilité pour la suite des événements. Si vous voulez un dieu, choisissez une créature qui vous transcende et non quelqu’un de plus malin ou de plus fort que vous.

Sinon, poursuit Louie, nous risquons de renverser quelques idoles. Nous sommes ravis d’avoir été humains et nous n’aurions raté ça pour rien au monde, alors si vous n’appréciez pas votre sort, nous risquons de vous obliger à l’apprécier.

Et cela dit, ils disparaissent de son esprit, et les hologrammes s’évanouissent. Mary Ann se retrouve toute seule sur la terrasse du bâtiment J, les pieds posés sur des pierres millénaires, les yeux tournés vers la foule immense. Les derniers rayons du soleil bariolent les nuages de rouge et la vallée est plongée dans l’obscurité – une obscurité d’autant plus accentuée que l’électricité n’a pas encore été rétablie dans Oaxaca et sa région.

Toutes les personnes présentes semblent la fixer, mais elle ne sait même pas combien d’yeux sont braqués sur elle, ni même s’ils parviennent à distinguer sa silhouette.

Elle est redevenue la Mary Ann Waterhouse d’antan, mais vu ce qu’on a fait subir à son corps, sans doute aura-t-elle encore mal au dos en marchant et mal aux fesses en s’asseyant, sans parler de l’effet qu’elle continuera de faire aux hommes – à moins qu’elle n’ait recours à la chirurgie.

Un murmure parcourt soudain la foule, comme si plusieurs milliers de personnes venaient simultanément d’apercevoir un miracle, puis on entend monter un cri de joie. Une brillante lumière inonde les nuages, et elle croit tout d’abord qu’il s’agit de la Lune… mais ce disque est bien trop grand… et les nuages cessent soudain de l’occulter.

2026RU, la comète depuis laquelle Louie lance ses frisbees, se trouve toujours en orbite terrestre au point L-4 et elle est sept fois plus grosse qu’une pleine lune, car bien que son noyau de roche et de glace n’ait qu’un diamètre de quelques centaines de kilomètres, il en émane un nuage de gaz et de poussière – d’une densité si faible qu’il serait invisible vu de près – qui reflète brillamment l’éclat du soleil.

La grande cité morte de Monte Albán, où l’on vénérait jadis les cieux et où plusieurs milliers de personnes viennent d’avoir une révélation de la réalité, résonne d’une immense clameur de joie tandis que la nouvelle lune monte dans le ciel.

Remerciements

Chaque livre accumule sa part de dettes, mais les dettes accumulées par celui-ci sont des plus importantes.

Merci au docteur Stephen Gillett, qui m’a appris ce qu’est un clathrate et m’a poussé à bûcher ma science jusqu’à la juger « assez bonne pour me bluffer ».

Merci à Daniel D. Worley et à David Pan, qui m’ont fait découvrir bien des choses sur le Pacifique, ainsi que sur un coin du monde presque oublié de tous.

Merci à Ashley Grayson, mon agent littéraire, et à Patrick Nielsen Hayden, mon éditeur, pour m’avoir dit à plusieurs reprises que j’allais achever ce bouquin. Puis pour m’avoir forcé à le réécrire afin qu’il soit vraiment achevé.

Merci à Melissa Gibson, qui ne s’est pas contentée de le taper, mais l’a aussi lu et en a souligné les passages à retravailler.

Finalement, un grand merci à deux personnes qui m’ont grandement aidé à me concentrer durant l’ultime semaine de travail. Sans doute publieront-elles un jour des best-sellers dans le domaine des livres pratiques – Anna Rosenstein, auteur de Comment récupérer un chat coincé sous le plancher de la cuisine, et David Wintersteen, auteur de L’Usage des armes et de la stratégie dans les travaux de la maison.

Note de l’Éditeur

Le lecteur attentif aura remarqué que John Barnes a prolongé l’échelle de Beaufort telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les météorologues se bornent pour l’instant à douze degrés, le douzième englobant tous les cyclones, quelle que soit leur violence.

Glossaire

AIRE : Artificial Intelligence Reverse Engineer – intelligence artificielle spécialisée dans le décryptage des données.

ARTS : Aids Related Toxemia Syndrome – syndrome toxémique lié au SIDA.

CRAM : Compressing Radiation AntiMatter – armement de missile à base d’antimatière.

EPA : Environmental Protection Agency – agence américaine pour la protection de l’environnement.

FEMA : Federal Emergency Management Agency – agence fédérale chargée d’intervenir en cas de catastrophe grave.