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Hélène, atrocement pâle, dans un grand lit, secouée par la fièvre, appelait, qui ?

— Hélène, Hélène, m’entendez-vous ?

Comment lui venir en aide ?

— Fandor, gémit-elle.

Or, tandis que le jeune homme jetait un regard rapide dans la pièce sommairement meublée, meublée en hâte, Fandor tressaillit.

Collé contre le mur, juste au-dessus de la petite étagère surchargée de flacons, il venait d’apercevoir un papier dont la suscription était surprenante au plus haut point :

Pour Fandor.

Fantômas savait donc qu’il allait venir.

Fandor lut d’abord sans comprendre.

La notice indiquait minutieusement les soins à donner à la jeune fille, les potions qu’il fallait lui faire prendre d’heure en heure, et dont les fioles étaient là, toutes prêtes.

Et Fandor, insoucieux du danger, se transforma en garde-malade.

La nuit passa lente et froide. Fandor était au chevet de la jeune fille. L’aube rougeoyante alluma des reflets sinistres dans la pièce. Puis le grand jour se fit. Des angélus tintèrent aux clochers voisins. Fandor était toujours au pied du lit d’Hélène, sa montre en main, surveillant le sommeil fiévreux de la malheureuse.

Or, comme il pouvait être à peu près six heures du matin, Fandor fut tiré brusquement de sa triste songerie par une fusillade nourrie.

— Ah, sapristi, est-ce que, par hasard, Fantômas…

Fandor courut aux fenêtres, retenant mal un épouvantable juron :

— La police, c’est la police.

Dans le parc, Jérôme Fandor venait d’apercevoir un groupe d’une vingtaine d’hommes formés en carré, le fusil à l’épaule et s’avançant vers le château, tout en faisant feu sur les fourrés, où, sans doute, les fauves surpris se terraient.

Eh oui, la police, avec Nalorgne et Pérouzin marchant devant.

Parbleu, si Nalorgne et Pérouzin étaient venus à Saint-Martin, c’était bien probablement parce qu’ils étaient sur les traces de Jérôme Fandor, accusé d’espionnage, de trahison, de naufrage volontairement provoqué.

— Cette fois, se dit le journaliste, je crois que mes affaires se gâtent. J’avais les lions sur le dos, cette nuit, et ce matin j’ai les argousins sur les talons. Je perds au change. Comment me tirer de là ?

En hâte, le jeune homme s’approcha de la petite table sur laquelle étaient rangés les flacons de remèdes qu’il administrait à Hélène. Fandor tira son crayon, écrivit de sa large écriture :

La potion a été donnée, en dernier lieu, à six heures moins le quart, il faudra l’administrer de nouveau, à sept heures moins le quart.

Au-dessous, il signa, pourquoi pas ? il signa :

Jérôme Fandor.

Le journaliste alors épingla la notice là où il l’avait trouvée. Il barra l’indication pour Fandor, qu’il remplaça par Messieurs les Policiers.

Puis, cela fait, il revint s’agenouiller tout près du lit de la malheureuse Hélène. Lentement et avec une douceur infinie, Fandor attira la main fine de la jeune fille, et avec une douceur infinie, il y posa un très long baiser.

Nalorgne et Pérouzin semblaient discuter avec les autres policiers sur les moyens d’envahir le château.

— Les imbéciles songea Fandor.

Il sourit, puis cria de toutes ses forces :

— Au secours, au secours !

Alors seulement, Jérôme Fandor battit en retraite. Vingt mètres à peine le séparaient des agents que Nalorgne et Pérouzin, prudemment restés en arrière, jetaient à ses trousses. Mais Jérôme Fandor avait pour lui, pour assurer son salut, la tête froide et une habileté dont il avait donné maintes fois preuves.

— C’est bien le diable, songeait le journaliste, si je ne trouve pas un placard, un recoin, un meuble, n’importe quoi où me cacher.

La galerie qu’il suivait était longue et tortueuse. Il y galopa. Elle finissait brusquement en cul-de-sac. Or, au moment où tout se compliquait, car Fandor allait être pris au piège, le journaliste entendit très distinctement une voix qui lui criait :

— À droite, la première porte à droite, hardi, dépêchez-vous !

Qui était-ce ?

Jérôme Fandor ne s’attarda pas à le chercher. Il revint sur ses pas, ouvrit la première porte à droite, qu’il avait prise pour la porte d’une chambre : elle donnait sur un escalier.

Dans cet escalier, un homme l’attendait, qu’il voyait mal dans l’ombre :

— Vite, cria l’inconnu, fermez la porte derrière vous, et descendez.

Fandor obéit.

— Mais qui êtes-vous ?

Comme à la suite de l’homme il dégringolait les étages, l’inconnu souffla quelque chose que Fandor ne comprit pas :

— Passez par ici, dit l’inconnu.

Il ouvrait une porte de cave et, pour hâter la fuite de Fandor, sans doute, l’attrapa aux épaules, le bouscula. En même temps, Fandor eut l’horrible impression qu’il tombait dans un trou, que le sol se dérobait sous lui, qu’il était jeté dans une oubliette. La vie de château bien sûr.

Et, tandis que Fandor dégringolait ainsi le long d’une sorte de paroi lisse, à forme d’entonnoir, tandis qu’il s’efforçait vainement de se retenir, tandis qu’il avait l’impression de descendre au tombeau, il entendit une voix railleuse :

— Qui, je suis Jérôme Fandor ? Parbleu. Je n’aurais pas cru que vous auriez besoin de le demander.

***

Il y avait deux heures que Jérôme Fandor, surpris par la traîtrise de Fantômas, demeurait prisonnier au fond de l’oubliette.

— Évidemment, se disait le journaliste, il trouve préférable de me faire crever de faim. Il a choisi pour moi la mort lente. Cela ne m’étonne pas de lui.

Or, tandis que Fandor, au fond de son oubliette, se prouvait à lui-même, avec des arguments irréfutables, qu’il était à coup sûr destiné à la mort sans phrases, que dans l’ombre impénétrable un bruit de pas retentit.

Et puis une voix :

— Fandor ? Jérôme Fandor ?

— Qui va là ? qui me parle ?

Une voix nette, une voix dure :

— C’est Fantômas.

Alors, la colère de Jérôme Fandor éclata :

— Ah, c’est vous, Fantômas ? Enchanté de vous savoir là. Vous savez trahir, user des ruses les plus lâches. Moi, Jérôme Fandor, je saurai mourir sans me plaindre. Allons, Fantômas, j’ai peut être encore deux jours de vie. Eh bien, revenez dans deux jours, et vous verrez que Jérôme Fandor sait mourir en brave.

Fantômas lui répondit, très calme, sans hausser le ton :

— Vous avez tort, vous vous trompez, Jérôme Fandor. Je ne veux pas votre mort.

— Allons donc.

— Je vous l’assure.

— Que désirez-vous donc ?

— Votre aide.

— Ah ?

— Pas de paroles inutiles.

— Parlez, Fantômas.

— Fandor, j’aurais pu vous tuer, ainsi que Juve qui s’est fait transporter tout paralytique qu’il est, à Saint-Martin. Eh bien, Fandor, je viens vous proposer la vie sauve pour vous et votre ami.

— En échange de quoi ?

— En échange des papiers d’Hélène, des papiers que vous m’avez volés en Afrique, de ces papiers que Juve possède toujours et qu’il me faut. Je vous tire de ce tombeau, je ne tente rien contre vous ni Juve, et vous me rendez les papiers de ma fille. Acceptez-vous ?

— Fantômas, vous vous moquez de moi. Je refuse.

— Pourquoi ? Vous préférez la mort ? Vous trouvez que ma proposition est déshonorante ? Je ne vous demande pourtant pas de renoncer à mener campagne contre moi ? je ne vous demande rien.

— Fantômas, vous m’offrez la vie ? c’est très bien. Actuellement, grâce à vous, j’ai toute la police sur le dos. Merci de l’offre. Non, Fantômas, je ne vous dirai pas où sont les papiers d’Hélène. D’abord parce que je ne le sais pas, et qu’il faudrait les demander à Juve, ensuite, parce que vous ne les payez pas assez cher.