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Les chevaux, guidés ]>ar Aulouiédon, sï'laiiceiil dans la pLaine, et Achille comme un lion furieux frappe tout ce qu'il rencontre; d'in-
Fig. GS3. — Thc'tis portant laniiure d Achille ^d'après le tableau .de Gérard .
nombrables Troyens tombent sous ses coups furieux. Il aperçoit Énée et une lutte effroyable s'engage aussitôt. Qutdque vaillant que fût le
Fig. G8'i. — Achille s'armant (d'après une pierre gravée,;.
lîls d'Anchise, il n'aurait pu résister à Achille; mais les dieuv, qui lui réservent de hautes destinées, veillent sur ses jours, et, pour le faire échapper, Neptune Tenveloppe d'un nuage. Achille atteint plusieurs
des fils de Pi'iain: Polydore et Lyeaou toiiilH'nt au milieu des plus intrépides guerriers troyens.
Fig. (i85. — Acliillc recevant les armes forgées par Vulcaiii ((Vapi-ès une ■peinture de vase\
Achille entre le Xantlie et le Simoïs. — La plaine est bientôt
Fig. 080. — Le \anthe et le Simoïs clierclient à engloutir Achille sous leurs ondes.
eouverte de eadavres et les fleuves rougis par le sang eomnienccnl à
s'indignor de tant do carnage. Le fleuve Seaniandro s'adresse au héros : « Achille, tu l'emportes sur tous les hommes par tes exploits injustes. Mais si Jupiter te permet d'exterminer tous les Troyens, du moins fais-le plus loin de mes rivages. Mes eaux se remplissent de cadavres, et moi, resserré par la foule de ces guerriers inanimés, je ne puis plus rouler mes ondes jusqu'à la mer divine. »
Cependant Achille continuait toujours à amonceler les morts autour de lui. Le Scamandre alors s'unit au Simoïs, et tous deux ensemble poussent leurs Ilots impétueux contre le héros qui, près d'être englouti sous leurs eaux, contre lesquelles il ne peut pas lutter, conjure les dieux de lui venir en aide. Junon alors va trouver Vulcain, dont la flamme brille dans la plaine et dévore tous les cadaves tombés sous les coups d'Achille. La terre est desséchée et les ondes du fleuve se tarissent sous le souffle brûlant de Vulcain.
Supplications de Priam. — Achille alors continue sa course vers llion et les Troyens de toutes parts fuient à son approche. Les portes de Troie demeurent ouvertes, et les guerriers entrent en foule se mettre à Fabri derrière ses remparts : il faut pourtant se presser de les fermer, car Achille en est de plus en plus près. Mais Hector ne veut pas rentrer dans la ville, et demeure immobile devant les portes d'Ilion, car il brûle de se mesurer avec Achille. Le vieux Priam, qui l'aperçoit, l'appelle en gémissant : « Rentre dans la ville, mon fils chéri, afin que les Troyens et les Troyennes soient préservés du trépas. Prends pitié de ton malheureux père, qu'au seuil de la vieillesse, le puissant Jupiter, par un funeste destin, laisse dépérir en le rendant témoin des plus grands malheurs et en lui faisant voir ses fils égorgés, ses filles captives, ses demeures détruites^ ses petits-enfants écrasés contre la terre dans cet épouvantable carnage, et les épouses de ses fils entraînées par les mains cruelles des Achéens !... Moi, je serai peut-être le dernier de tous que les chiens dévoreront dans mon palais ; ces chiens qui gardaient mes demeures, et qui participaient à mes festins, s'abreuveront de mon sang, deviendront fous d'ivresse et se reposeront ensuite sous mes portiques ! Un jeune guerrier peut rester étendu après avoir été tué dans un sanglant combat, parce que son corps, quoique privé de la vie, est encore d'une grande beauté. Mais lorsque les chiens flétrissent la tête, la barbe blanchissante d'un vieillard expirant, ah ! c'est tout ce qu'il y a de plus déplorable pour les faibles humains (1)! » [Iliade.)
(1) Pour comprendre ces paroles lamentables, il faut se rappeler «juG, dans Tàge héroïque, rinhumatlon était regardée comme le plus sacré des devoirs : ce qu'on redoutait le plus dans la mort, c'était l'idée d'être laissé sans sépulture, et de penser que les animaux pourraient venir dévorer le corps, sans qu'une main amie eût accompli les cérémonies d'usage.
LA (ilKHHE \)K TIlOllv
Mort d'Hector. — IK'cuhc, réjiousc de Piiam, imj)luiv aiiïssi î>oii fils et le supplie rie se mettre à l'abri derrière les murs d'ilion, mais rien ne piMit lléeliir Hector, (jui attend Achille de pied ferme et veut se mesurer avec lui. Les deuv héros se trouvent ]»ienlot en lace Tun de l'autre : alors llcclor eut coinnu; un |u-csscutinicul (hi scu-l (|ui l'atlen-dait, et, ne [>ou\aut [dus rcuIrcT dans la \\\\v dont h's portes ('taiciit l'erinées. il lit trois lois le tour des murailles pour éviter Achille qui le poursuivait. Mais hienlot son ennemi le serre de trop près, et le combat est inévitable : ils se lancent mutuellement leurs ja\elots sans s'atteindre, puis fondent liin sur l'autre avec leur é|)ée. Hector tombe blesse mortellement, et Achille, posant le pied sur la poitrine de son ennemi, le dépouille de ses armes et Faccable d'outrages. Dans sa fureur, il perce les pieds d'Hector, et, passant de fortes courroies entre les chevilles et le talon, il attache le cadavre à son char, et le traîne sousles murs delaville. Cette scène sauvage apparaît fré(piemmentsur les
Fig. (i87. — Le corps d'Hector traîné ;uitoiu- des nuirs de Troio (d'après mu peiiîture àa vase).
monuments antiques. On voit sur un vase de style archa'îque, Achille armé de toutes pièces et accompagné d'Automédon, son cocher, qui tient les rênes et dirige le char auquel est attaché le corps d'Hector (tig. 087). Le serpent d'Apollon se dresse au-dessus du cadavre pour le j)réserver de la corruption, et l'àme du héros voltige au-dessus sous l'apparence d'un petit guerrier qui tient sa lance. Il est curieux de comparer cette composition avec celle que Flaxman a conçue d'après le môme sujet. Au lieu du serpent^ le scul[)teur anglais a montré Apollon lui-même protégeant le corps de son égide (fig. 088).
Priam, qui du haut des murailles aperçoit le corps sanglant de son fils traîné dans la poussière, pousse des cris lamentables et toute la ville éclate en gémissements. L'épouse d'Hector, Andromaque, était restée au fond de son palais où elle tissait de riches vêtements. Ouand elle entendit des cris annonçant un malheur, elle se ju'écipitîi sur les
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remparts et au spectacle qu'elle aperçut tomba sans connaissance au milieu de ses suivantes (fig. 689). Puis elle embrasse son petit enfant, et le serrant dans ses bras, elle laisse éclater ses sombres pressentiments. « Hector, te voilà descendu dans les sombres demeures de Pluton, dans les profonds abîmes de la terre, et tu me laisses veuve au sein de nos foyers et dans un deuil éternel! Tu ne peux plus être Tappui de ce fils encore enfant à qui nous avons si malheureusement donné le jour, et lui, ne pourra jamais te secourir!... Pauvre enfant, s'il échappe à cette
Fig. G88. — Apollon, pour i)réserver de la corruption le corps d'Hector, le couvre entièrement de son égide d"or (d'après Flaxman).
lamentable guerre, les peines et les chagrins s'attacheront à ses pas, et les étrangers s'empareront de son héritage. Le jour qui le rend orphelin le prive de tous ses amis. Il ne paraîtra plus que les yeux baissés et les joues baignées de larmes; s'il aborde les anciens amis de son père, en arrêtant celui-ci par son manteau, celui-là par sa tunique, ils ne récouteront pas. Ainsi tout en pleurs, Astyanax reviendra près de sa mère veuve d'Hector. Et pourtant, autrefois Astyanax se plaçait sur les genoux de son père pour se nourrir de la moelle succulente et de la chair délicate de nos troupeaux ; puis, lorsque le sommeil fermait ses paupières et le forçait de suspendre les jeux de son enfance, il s'endormait sur une couche moelleuse ou dans les bras de sa nourrice, et son cœur goûtait une joie bien douce. Désormais ce pauvre enfant, privé, de son père, souffrira des maux sans nombre, lui que les Troyens nommaient le roi de la ville, parce qu'Hector défendait seul les portes et les hautes murailles d'Ilion. » [Iliade.)