LA GUERRE DE TROIE.
année du siège, un oracle prédit aux Grecs que Troie ne pouvait pas être prise s'ils n'avaient pas en leur possession les flèches d'Hercule. Ulysse quitta donc les rivages de Troie avec le fils d'Achille, Pyrrhus, pour se rendre; à Lemnos, et làclun' de .ramener IMiiloctète. Le vieillard, (Ml proie à d'horribles soulTrances dejuiis neuf ans, et d'une niaigi'eur ctîVayante à voir, se répandit en imprécations contre Ulysse et refusa ahsolnnient de le suivre. Mais ayant vu l'ombre d'Hercule, qui lui or-
l'"iK- "11. — Pliiloctète évente sa plaie avec une ])lunir d'oiseau (d'après une pierre gravée
antique}.
donna d'aller à Troie, Philoctète finit pourtant par y consentir et il s'en trouva bien, caries fils d'Esculape, Machaon et Podalyre, le guérirent de sa blessure (fig. 710). 11 n'arriva donc (pià la fin du siège, mais ce
Fig. 7i:.'.— l'hiloctète à la chasse {d'après une pierre gravée antique).
fut lui (pii tua Paris avec une de ses flèches. A son retour dans son pays, il trouva les habitants révoltés contre son autorité et s'embarqua pour l'Italie, oii il fonda une colonie.
Les malheurs de Philoctète ont inspiré dans rantiquité des ouvrages fameux, entre autres une peinture célèbre de Parrhasius, dont il est plusieurs fois question dans les épigrammes de V Anthologie grecque.
« Je vois Philoctète. A sa douleur qui éclate, on le reconnaît de loin. Sa chevelure est hérissée, inculte; il tombe de ses tempes des mèches rudes et poudreuses. Sa peau est rugueuse, âpre, desséchée. Sous sa paupière aride, des larmes se sont figées, témoignage de souffrances que nc' suspend i)as même le sommeil. »
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Dans une autre épigrauime, on lit : « Il avait vu sans doute le héros de Trachine en proie à ses souffrances, Parrhasius qui a peint ce Philoc-tète. Car de ses yeux desséchés s'échappe une larme, et au dedans la douleur le dévore. 0 le plus habile des peintres, tu es maître dans ton art; mais ta puissance, il fallait remployer à calmer les douleurs <hi héros infortuné. »
Le même sujet a été reproduit sur plusieurs pierres gravées antiques. Tantôt on voit le malheureux en face du petit autel, où pendant si longtemps il implora vainement la clémence divine (fig. 709), tantôt il porte à Troie son arc et ses flèches et marche en s'appuyant avec peine sur un gros bâton qu'il tient à la main (fig. 712); enfin un bas-relief le montre recevant sa guérison, non pas de Machaon et Podalyre, mais de la déesse lïygie elle-même.
Le Palladium. — Le Palladium était une antique idole de Minerve, à laquelle on attachait une très-grande importan<"e, parc(> qu'elle était tombée du ciel. Diomède et Ulysse résolurent de s'en emparer et se ren-
Fig. 7Ki. — Diomède tenant le Palladium (d'après une pierre gravée antique]!
dirent au pied des murs de la ville. Quand ils lurent arrivés, Diomède monta sur les épaules d'Ulysse, qui ne montra pas dans cette occasion sa finesse ordinaire ; car Diomède, une fois parvenu sur le haut du rempart, laisse Là le pauvre Ulysse qui comptait que son camarade l'aiderait à monter. Diomède, étant entré dans la citadelle, trouva le, Palladium et s'en empara. Mais quand il sortit de la ville, Ulysse, irrité de son procédé, affecta de marcher derrière lui et, tirant son épée, allait transpercer son compagnon, lorsque Diomède, frappé de la liicui' de l'épée, se retourna, arrêta le cou[) et obligea Ulysse à passer devant lui. La querelle d'Ulysse et de Diomède à pro[)OS du Palladium est fréquemment reproduite sur les monuments, et les représentations figurées prêtent à des interprétations assez différentes. Une pierre gravée nous montre Diomède assis sur un autel orné d'un feston et tenant le Palladium. Ulysse, placé en face de lui, semble montrer avec indignation le
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corps (le la prêtresse que Diomède vient déj^^oiger et dont on voit seulement les pieds (fig. 714). La dispute des deux héros apparaît aussi sur les vases et elle présente de très-grandes variétés dans la manière
Fig. 714. — Dispute d'Ulysse et de Diomèdo (d"après une pierre gravée antique).
de comprendre le sujet. Dans Fart moderne, Rubens a fait un tableau sur l'enlèvement du Palladium.
Pas plus que les autres chefs grecs, Diomède n'a trouvé le repos après
Fig. 715. — Prise du Palladium (d'après une pierre gravée antique).
son retour. Sa femme avait profité de son absence pour le tromper, et ne voulant plus rester dans son pays, il alla finir ses jours en Italie.
Les chevaux de Rhésus. — Rhésus, roi de Thrace, était venu au secours de Priam avec une puissante armée. Mais son importance venait moins encore de ses soldats que des chevaux qui conduisaient son char; car une prédiction avait fait savoir aux Troyens que, si ces chevaux buvaieutde l'eau du Xanthe, fleuve qui coule près de Troie, les Grecs ne pourraient jamais se rendre maîtres delà ville. Aussi ils accueillirent avec une joie démesurée l'arrivée de cet utile auxiliaire.
Les Grecs, en apprenant la venue de Rhésus, vouhu'ent à tout prix s'emparer de ses chevaux ou tout au moins les empêcher de boire les
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eaux du Xanthe. Mais la grande difficiillé était qu'ils ignoraient absolument dans quel endroit ils pouvaient être. Ulysse résolut donc de partir la nuit pour aller explorer le camp des Troyens. Mais ceux-ci, de leur côté, se doutant d'une attaque prochaine, promirent une récompense
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Fig. 7IG. — Ulysse et Diomède surprenant Dolon (d'après une peinture de vase) (1),
magnifique à celui qui serait assez audacieux pour s'approcher du camp des Grecs et servir d'espion. Dolon se présenta et partit aussitôt.
Ulysse et Diomède, qui venaient de partir également, aperçurent Dolon, qui ne les avait pas encore vus, et concertèrent ensemble la
Fig. 717. — Diomède et Ulysse (pierre gravée).
conduite qu'ils dcA-aient tenir. « Ils s'écartent du chemin, dit Homère, et se cachent parmi les cadavres. L'imprudent Dolon les dépasse d'un pied rapide. Quand il est éloigné de toute la longueur d'un sillon tracé par des mules plus promptes que des bœufs à traîner la pesante charrue
(I) L'inscription placée au bas du tableau veut dire : deux coups mortels, voilà le char qu'il a gagné. C'est une allusion îi la promesse du char d'Achille qu'Hector avait faite à Dolon.
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dans un champ, les doux guerrieis courent sur lui. Dolon s'arnMe en entendant leurs pas : il croit que, d'après un nouvel ordre d'Hector, ses compagnons viennent du camp des Troyens pour le rappeler. Mais lorsque Ulysse et Diomède ne sont pas plus éloignés de Dolon que la portée d'un trait, le Troyen les reconnaît pour deux ennemis, et soudain il prend la fuite, em|H)rté par ses genoux agiles. Diomede et Ulysse se lancent à sa poursuite. Tels deux limiers à la dent meurtrière et exercés à la chasse poursuivent sans relâche, à travers les sentiers d'une l'orêt, soit un lièvre, soit un faon timide qui fuit devant eux en bêlant : tels Diomède et Ulysse coupent la retraite au Troyen et le poursuivent avec furie. » (Homère.)