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ENEE ET LES TROYENS.

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rayons de la lune versaient par les fenêtres. Puis ils m'adressent ces paroles qui consolent mes ennuis : « Ce que te dirait Apollon si tu re-« tournais à Délos, il te Tannonce par notre bouche, et c'est lui qui nous « envoie maintenant devant toi. Nous qui, après l'embrasement d'Ilion, « avons suivi la fortune de tes armes; qui, avec toi, sur les mêmes vais-« seaux, avons traversé les mers orageuses, nous élèverons jusqu'aux « astres tes futurs descendants, et nous donnerons à leur ville l'empire

Fig. 751. — Éiiûe portant son père (d'après un tableau de Lconclle Spada^

« du monde ; toi, prépare à ce grand peuple une grande cité, et ne te « laisse point abattre parles longues fatigues de l'exil. Il faut changer de « demeure : le dieu de Délos ne t'a point conseillé ce rivage, il ne t'a « point assigné la Crète pour demeure. Il est une contrée que les Grecs « nomment Hespérie, terre antique, puissante parles armes et par sa fé-« condité. Jadis les OEnotriens Thabitèrcnt; depuis, elle a, dit-on, reçu « d'un de ses chefs le nom d'Ilalie. Voilà notre vraie patrie : c'est de là « que sont sortis Dardanus et Jasius son père, premiers auteurs de notre

LA GUERRE DE TROIE.

« race. Lève-toi donc, et cours avec joie raconter à ton vieux, père cet « oracle infaillible. Cherche Corythe, et les terres d'Ausonie: Jupiter te « refuse les campagnes de Crète. » Étonné de cette apparition et de cette voix des dieux (ce n'est pas un songe : je voyais ces dieux devant moi, leurs bandeaux sacrés et les traits de leur visage, j'entendais leurs pa-

Fig. 7Ô2. — La fuite d'Éiiée (d'après une caricatura antique).

rôles, et tout mon corps était couvert d'une sueur glacée), je m'élance de ma couche ; j'élève vers le ciel ma voix et mes mains suppliantes, <'t jo fais des libations de vin ] ur sur mes foyers. Ph in de fjoie, après

I''i}i,'. 763. — Énée voit en songe ses dieux pénates (d'après une miniature du Virgile du Vatican).

cette offrande aux dieux de ma patrie^ je cours avertir Anchise, et lui raconter en détail tout ce qui vient de m'ctre révélé. » (Virgile.)

La tempête. — La Hotte repartit donc avec l'intention de gagner les cotes d'Italie. Mais Junon, (fui poursuit les Troyens de sa haine implacable, suscite une éjiouvantable tempête qui disperse les vaisseaux d'Enée.

« L'orageux aquilon siffle et frappe en plein la voile, et lance les

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flots vers les astres. Les rames se brisent, la proue se détourne et présente aux flots le flanc du navire, les ondes pressées s'amoncellent et s'élèvent en montagnes. A la cime des vagues les uns sont suspendus ; les autres découvrent la terre dans le sein de la mer qui s'entr'ouvre ; le sable bouillonne avec fureur. Trois vaisseaux qu'emporte le Notus sont jetés sur ces rochers cachés sous l'onde, que l'Italie nomme les Autels, et dont le dos immense se prolonge jusqu'à la surface des eaux. Entraînés par l'Eurus, trois autres navires (ô spectacle déplorable !) sont lancés sur des syrtes, brisés sur les écueils, et ceints d'un rempart de sables mouvants.

« Une nef, qui portait les Lyciens elle fidèle Oronte, est assaillie, sous les yeux d'Enée, par une vague énorme qui s'élève au-dessus de ses

Fig. 75 i. — Les vaisseaux d'Énée surpris par la tempùte (d'après une miniature du Virgile

du Vatican).

flancs et retombe snr la poupe. Le pilote chancelle, tombe et roule, la tête en avant, dans les flots. Le navire tourne trois fois sur lui-même, et un rapide tourbillon l'engloutit dans le gouffre. Quelques malheureux apparaissent nageant sur le vaste abîme : des armes, des planches, et les trésors de Troie flottent sur les ondes. Déjà le solide navire d'Ilionée, déjà celui du généreux Achate, et ceux qui portent Abas et le vieil Aléthès sont vaincus par la tempête : leurs flancs disjoints reçoivent l'onde ennemie, et s'entr'ouvrent de toutes parts. Cependant, aux mugissements de l'onde irritée, Neptune s'aperçoit que la tempête est déchaînée, et que la mer est agitée jusque dans ses profondeurs. » [Enéide.)

LA GUERRE DE TROIE.

Dans la miniature du Viryilc du Vatican, où cette scène est représentée (fig. 754), les vents sont des personnages vus à mi-coi-ps et soufflant dans des tubes recourbés. La figure ailée placée au milieu, est le génie des tempêtes, (pii tient deu\ autres tubes, d'où s'échappent la l'ou-dre et les éclairs. De gros poissons et des monstres marins sont figurés à fleur d'eau sur la mer. Enée, reconnaissable à l'auréole qui entoure sa tête, lève les mains vers le ciel. On remarquera que le nimbe, dans les re})résentations figurées de l'antiquité, était simplement un signe de puissance ou d'autorité ; plus tard, il est devenu, dans les sujets chrétiens, la mar(|ue distinctive des saints.

Énée et Didon. — Le héros fut jeté sur la côte d'Afrique, où la rein(v

Fig. 7ô5. — Énce et Acluite apercevant Carthage (d'après une miniature du Virgile du Vatican}.

Didon était en train d'élever la ville de Carthage. (Nous suivrons ici le récit de Virgile, car, d'après d'autres traditions, Didon aurait régné sur Carthage plus de deux siècles après la ruine de Troie.) Enée, accom|)a-gné de son fidèle compagnon Achate, gravit une colline pour voir où ils étaient :

« Les deux guerriers s'avancent d'un pas rapide dans le sentier qui les conduit. Déjà ils gravissent le coteau qui domine Carthage, et d'où l'œil découvre ses tours et ses remparts, Énée admire cette masse d'édifices, à la })lace où furent des cabanes. Il admire les portes et les rues que l'on construit, et le bruit de la foule. Les Tyriens pressent avec activité leurs travaux. Les uns prolongent les murs d'enceinte.

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élèvent la citadelle, et de leurs mains roulent d'énormes pierres. D'autres choisissent le terrain où sera leur toit, et le soc l'entoure d'un sillon. Ici on crée des lois, on élit des magistrats, on forme un sénat auguste; là, on creuse le port; là, on jette les fondements d'un grand amphithéâtre, et l'on taille dans le roc'de hautes colonnes. « Heureux ceux dont les murs s'élèvent déjà ! » s'écrie Enée, en contemplant les hautes tours qui dominent la ville Et, a la faveur du nuage qui le couvre, ô prodige! il s'avance au milieu des Tyriens, et se môle à la foule sans être aperçu. » (Virgile.)

Les Troyens demandèrent à Didon l'hospitalité et la reine les reçut magnifiquement. La reine de Carthage avait épousé Sichée qui était

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Fig. 756. — Les envoyés troyens devant Didon (d'après une miniature du Virgile du Vatican).

mort quand Enée arriva. Vénus, mère du héros, résolut d'inspirer à la reine une passion violente pour Enée, et elle chargea l'Amour d'emprunter les traits d'Ascagne, pour être continuellement auprès de la reine. Ainsi quand le héros voulut faire des présents à Didon, il en chargea Achate qui devait être accompagné d'Ascagne, mais qui en réalité était accompagné de l'Amour. Cette substitution singulière est figurée sur une des miniatures du Virgile du Vatican. On y voit Didon assise sur un trône et près d'elle un jeune enfant coiffé de la mitre phrygienne et tenant un arc. Cet enfant est l'Amour, et on aperçoit, derrière une petite rivière, le véritable Ascagne, couché et endormi sur un gazon de fleurs, près d'un petit temple où Vénus l'avait transporté (fig. 757).