Atiiknè (Minerve) est, comme Aphrodite, une personnification de la libation sacrée, des eaux du sacrifice (1). Elle répond exactement à la Saràswati aryenne. Mais peu à peu la conception d'où elle est née se complique, et nous retrouvons en elle presque toute la série des révolutions que nous avons remarquées dans le culte des Aryas. Nous avons vu que le feu du sacrifice finit par être considéré comme la source où les dieux puisent leur force. Or, c'est la libation de beurre clarifié ou de soma qui entretient ce feu ; c'est elle qui met aux mains de Zens et d'Indra la foudre dont il perce les Ahis. Par .suite, Athènè finit par personnifier l'éclair ; mais en même temps elle est le feu plastique et devient la mère des arts. Ce n'est pas tout. Dans la poésie
(I) Elle porte le surnom de TpiroycVïi:, qui veut dire 7iée des eaux. C'est la Tvita ('ii>tija des Védas, qui a le môme sens. Le dieu védique Trita ou Traivana, et le héros Tlirdetaona des légendes zendes, qui tuent le serpent aux trois tètes, rappellent la même origine. On retrouve la même racine dans Amphitrite, du radical sanscrit Tri. — On sait du reste que les libations étaient de natures différentes. On pourrait peut-être trouver dans ces différences l'explication fies diverses personnifications qui en sont restées. Les Grùces ou Citantes étaient aussi des Hgures des libations, et elles étaient trois, soit -i cause des trois foyers du sacrifice, soit à cause des trois sacrifices quotidiens. Les neuf .\Iuses représentaient sans doute l'ensemble de^ trois libations faites à chacun de ces trois sacrifices.
»Hi . APPENDICE.
aryenne, Tliymni', la parole, expression de la pensée, el qui pour les anciens est la pensée, rinlellitience mt'me, s'idenlilie avec Sa)risira/i, la déesse des libations, et maniue le commencement de la révolution qui se terminera par la suprématie de Bra/ii/i/i. La même idenlilicatioii se priuluit dans Alhènô. Elle personnifie à la fois la libation, l'éclair, le l'eu, l'intelli^^ence. Pendant (jue Apliroditb représente le désir qui unit la libation à la llamme sacrée, et par là reproduit un côté de la conception d'où est née Sai^aswati, Athènè représente les autres. C'est peut-être la création la plus complexe de la mythologie grecque.
Les Muses sont nées d'une conception analogue. Ce sont primitivement des personnifications, non des fontaines et des sources, comme nous le trouvons dans la mythologie classique, mais des eaux sacrées, des libations du sacrifice, et c'est en cette qualité qu'elles sont associées à Apollon et à l'hymne (l). La conception grecque de V Apollon Mnsagèfe intervertit complètement les rôles véritables. En réalité, il ne descend pas de son char pour conduire le chœur des Muses ; au contraire, les HJnses — libations — le t'ont monter surson char et l'élèvent dans le ciel. Le Parnasse grec est un souvenir de l'éminence où se faisait le sacrifice, et la victoire des Muses sur les Sirènes —les femmes-oiseaux qui symbolisent les nuées— rappelle le triomphe du sacrifice sur les ténèbres et les orages. Plus tard, quand Soma remplace dans la royauté du ciel Indra et les divinités qui lui font cortège, Dionysos, l'incarnation grecque de Sonia, remplace tout naturellement Apollon dans ses rapports avec les Muses.
Ces personnifiationsde la libation sacrée ont pris dans la poésie grecque les lormes les plus variées. Les Bacchantes, les Ménacles dérivent de la même conception. La nymphe Salmacis est encore la libation et Hermaphrodile est le feu aux formes changeantes. C'est ainsi que Bioni/sas est aussi représenté parfois avec des vêtements de femme.
Une autre conception qui se rapporte au même objet, mais qui paraît d'abord bien étrange, est celle des Silènes, des Satyres, des Faunes, des Curetés. Ce sont encore, comme les Nijinphes, des personnifications nées du sacrifice, considéré sous une forme et à un moment différents. Dans le Vcda, l'àne et la vache sont associés à la naissance à.'A g ni-S orna: la vache, parce qu'elle représente le principe de la fécondité et par là symbolise le sacrifice lui-même : l'âne, parce que c'est lui qui rapporte de la montagne les bottes à'asclepias acida, qui, broyées et fermentées, produisent la liqueur sacrée. La plante môme qui la contient, se trouve divinisée par cela même, et naturellement fait partie du cortège du dieu qu'elle sert à nourrir. Les Nymphes, les Muses, qui avaient dès le principe personnifié la libation de beurre clarifié
(I) Un certain nombre de sources étaient consacrées aux Muses, entre autres VHippocrène — la Source du Cheval. — Persée, qui représente le feu du sacrifice, comme Belléropho?i, comme Dionysos, comme Héraclès, délivre la terre du monstre qui veut l'engloutir — la nuit ou la nuée. Il monte sur le cheval ailé Pégase — rs-r^yri, source — qui, en s'élanrant, d'un coup de son sabot fait jaillir r//););joc;T«e. Dans les Védas, le sacrifice est sans cesse représenté sous cette forme du ciieval qui monte dans les airs. La source du cheval, ce sont les libations. Hésiode nous montre Ptîyfwe apportent ti Zeui\dt. foudre et l'éclair. C'est la même conception védique d'après laquelle les dieux puisent dans le sacrifice la force qui leur donne la victoire sur les divinités de la nuit ou de l'orage.
APPENDICE. ^^^
avant l'invention dn soma, ont gardé leur caractère primitif et n'ont rien de la jovialité, de la lubricité qui sont le caractère distinctif des Silènes, des Faunes et des Safi/res, enivrés de la liqueur alcoolique qu'ils portent en eux-mêmes. Cette distinction a son importance. Elle sépare nettement en deux catégories qu'il est impossible de confondre, les deux séries de personnifications qui se rapportent aux libations du sacrifice : d'un côté, Athènê, Aphrodite, \esMuses, de l'autre les Bacchantes, les Silènes, les Satyres. Quant aux Nymphes, elles rentrent le plus souvent dans la seconde catégorie. Elles vivent avec les Satyres; elles sont présentées comme étant les nourrices de Dionysos et participent au caractère orgiastique de son culte. Elles personnifient souvent l'inspiration prophétique et la surexcitation religieuse. Les mots vuucpiao), vu[jl'^oXyi7:toç, lymphatus, se rapportent à ce point de vue.
Nous ne nous arrêterons pas sur l'histoire de Poséidon ou Nei'tune, dont la légende a moins d'importance au point de vue de l'art. Nous rappellerons seulement que Poséidon a été primitivement le soleil, considéré comme le souverain de l'océan atmosphérique. C'est en cette qualité que le cheval était attaché à son culte et qu'il possédait la foudre, qui devint le trident, quand les migrations aryennes se trouvèrent mises en communication avec la mer, qui leur était d'abord inconnue, et qu'elles firent de Poséidon une divinité purement maritime.
Ares ou Mars figure au contraire sur un grand nombre de monuments, mais sa légende estfort obscure. G'estévidemmentune divinité très-ancienne. Son nom seul suffit cà marquer une origine aryenne. En sanscrit ara signifie rapide, an, maître, arya, noble, magnanime, d'où vient le nom du soleil, wyanian, le puissant, le vainqueur. Ariadne dérive de la même racine. En grec, nous la retrouvons dans àpidro;, le meilleur, le plus brave.
Malgré cela, nous ne trouvons dans le Véda aucun dieu auquel nous puissions le rattacher d'une manière certaine. Celui dont il se rapproche le plus serait Roudra, le dieu des combats de l'air.