Les sujets représentés sur les monuments funéraires se rapportent habituellement aux espérances que l'on avait pour une autre existence ; mais ces scènes sont toujours figurées sous une forme mythologique. Ainsi on voit souvent les tritons et les néréides qui emmènent les âmes dans le pays des bienheureux, ou bien ce sont les centaures qui font de la musique en portant sur leur dos une petite âme caractérisée par les ailes de papillon. Quelquefois aussi on voit des scènes bachiques par
JUPITER ET JUNON.
allusion au rôle fuiK-raire de Bacchus. Los masques bachi(jues rajtpel-lent que la vie humaine était eomjiarée à un rôle que chacun était appelé à jouer pendant son existence terrestre. En plaçant en regard un masque comique et un masque tragique, on montrait que notre passage en ce monde est un composé de joies et de douleurs. Un combat à outrance exprimait quelquefois l'idée des luttes que le défunt avait eu à supporter, et on voyait alors les démons ailés prendre pari à la lutte, car
Fig. 77. —' Institution dos Jeux Xcméens (d'après un vase antique.
tout homme a un bon démon qui lui indique la voie du bien et un mauvais démon qui cherche à Tentraîner vers le mal (fig. 78).
En place de ces scènes qui répondent à une idée générale, on voit quelquefois des sujets qui se rapportent à un point spécial de la Fable. Ce sont alors des allusions à la Vie du défunt : par exemple, l'enlèvement de Proserpine indique une jeune fille enlevée prématurément à la vie ; l'enlèvement de Ganymède, un jeune garçon. Une mort foudroyante s'exprimait par Apollon et Diane frappant de leurs flèches les enfants de Niobc ; pour montrer la félicité promise malgré l'effroi qu'inspire la mort, on représentait Hercule cueillant les pommes d'or du jardin des Hespérides, bien qu'elles soient gardées par un dragon terrible, enlacé autour de l'arbre qui les porte.
Quand les sujets funèbres ne sont pas empruntés à la mythologie, ils représentent presque toujours des scènes d'adieux, et dans ce cas on voit
LE SUMMEIL ET LA MORT.
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souvent le clievdl qui va porter le défunt pendant le grand voyage. Il faut bien observer que dans les scènes d'adieux^ le mort est le personnage représenté assis, et non celui qui est debout et lui serre la main. Les
Fig. 78. — Tombeau étrusque.
scènes d'initiation, caractérisées par la patère, le miroir et la bandelette sacrée, sont également très-communes sur les vases peints qu'on a trouvés dans les tombeaux.
On a aussi conservé un grand nombre d'inscriptions destinées à des monuments funéraires ; sur l'une d'elles, on lit : « Les cendres de la charmante Timas reposent dans ce tombeau. Les Parques cruelles tranchèrent le fil de ses jours avant qu'Hyménée eût allumé pour elle ses flambeaux. Toutes ses compagnes ont coupé courageusement sur sa tombe leur belle chevelure. »
Quelquefois l'inscription prend la forme d'un conseil aux vivants ! « Etranger, le Syracusain Orthon te recommande de ne jamais te laisser surprendre ivre par les chemins dans les nuits d'hiver; telle a été la cause de ma mort, et au lieu d'être inhumé dans ma belle patrie, une terre étrangère couvre ma dépouille. » D'autres fois, on trouve, sous une forme comique, un regret d'avoir vécu : «Je me nomme Denys de
Tharse ot jo repose en ces li(>ii\ après soixante années I Je ne nie snis jamais marié; [tint aux Dienx ([iienion père eût l'ait de même ! » Néanmoins le sentiment qn'on trouve le plus souvent dans les épitaphes, c'est la tristesse : « Mort cruelle ! pourquoi frapper Calleschus, un si jeune enfant? Dans la maison de Proscrpine, ce ne sera qu'un petit enfant joueur, tandis qu'il laisse au foyer de sa mère des douleurs inconsolables. »
Ce qui est sur c'est que la croyance à la vie future se trouve dans toutes les traditions de ran(i([uité. On le voit par les lignes que CiccM'on écrit ai)rès avoir perdu sa fille Tullie : « Pour toi, ma chère Tullie, tu dois t'estimer bienheureuse d'avoir été affranchie par la mort de tant de misères auxquelles tu aurais été en butte. Te voilà délivrée des présentes, quitte des futures, et arrivée au port dans un parfait repos. Je croirais volontiers que la mort t'a été agréable, vu la disproportion que tu as trouvée entre les biens que tu as quittés, et 4es maux auxquels elle t'a arrachée. Comment est-il possible que moi qui ne doute point de ton bonheur^ et qui en suis presque aussi certain que si je le voyais de mes yeux, je me fasse un supplice de ta mort? Pourquoi au contraire ne m'en réjouis-je pas? Pourquoi est-ce que je ne t'en félicite pas toi-même comme d'une chose que tu aurais le plus ardemment désirée? Car de quoi peux-tu désormais te mettre en peine, si ce n'est peut-être de m'avoir laissé sur le déclin de mon cage au milieu d'une république remplie de troubles, à la merci de tous les événements? Mais cet état, si triste qu'il soit, la raison le rend supportable ; et tu dois moins l'occuper de la pensée des maux que j'ai à souffrira présent, que de celle des biens qu'incessamment je partagerai avec toi. *> (Cicéron.)
Le départ des âmes. — Une scène peinte sur un tombeau de Tarquinii, nous montre le départ des âmes qui quittent la terre. Dans la bande supérieure, une àme enveloppée d'un grand voile est assise sur un char que traînent deux génies ailés, l'un blanc et l'autre noir. Derrière cette àme, un génie blanc et sans ailes (son ange gardien, selon l'explication de M. Guigniaut) semble implorer un génie noir et ailé et plus loin un autre génie également noir et ailé, est assis à une porte et tient aussi un marteau. Dans la bande inférieure, on voit des morts tenant en main les instruments de la profession qu'ils ont exercée pendant leur vie, puis une autre àme guidée par un génie blanc ailé et suivi par un autre génie noir également ailé et qui semble la menacer de son marteau (fig. 79 et 80).
Cette singulière composition, qui se rattache à des croyances mystérieuses sur le sort réservé aux âmes après la mort, a beaucoup exercé la sagacité des archéologues. Quels sont ces génies ailés, qui ressemblent complètement à nos anges, mais qui sont tous pourvus de brodequins? Pourquoi les uns sont-ils blancs et les autres noirs? La Fable ne
nous fournit pas do renseignements sur eux, mais on est frappé de I analogie que présente cette antique peinture avec certaines compositions du moyen âge où l'on \oit des anges et des démons se disputant la possession d'une àme. On admet généralement que les génies blancs
Fig. 80. — Départ d'un mort.
sont ceux qui président à la récompense, et les génies noirs ceux qui président au châtiment.
Commissions pour les enfers. — C'était une croyance assez répandue dans l'antiquité, qu'un mort qui part pour le pays des ombres, va donner des nouvelles du monde vivant à ceux qui ne sont plus : on pensait même qu'il pouvait au besoin se charger de commissions pour les enfers. Cette croyance a été exploitée par les écrivains comiques, et notamment par Aristophane. Quand Bac-chus part pour les enfers, il emmène son domestique et le charge d'emporter son paquet de bardes ; mais celui-ci le trouve trop loind et lui dit :
(( Épargne-moi, je t'en conjure ; fais plutôt marché avec quelqu'un des morts qui s'en vont parla.
Bacchus. — Voici justement un mort que l'on emporte.
Holà, hé I le mort! c'est cà toi que je parle. Dis : veux-tu porter un petit paquet aux enfers?
Le mort. — Tu me donneras deux drachmes.
'Bacchus. — Oh ! non, c'est trop cher.
Le MORT. — Porteurs, continuez votre route.
Bacchus. — Attends un peu, nous pourrons nous arranger.