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ce meurtre. J'étais le troisième fils du malheureux Thyeste Avec

mon pauvre père, on me chasse, tout petit que j'étais, enfant encore au

LA CONSCIENCE.

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berceau. Devenu grand, la vengeance m'a ramené. Et en vérilé cet homme a péri de ma main, tout absent que j'étais au moment de l'exécution. Car toute la trame ténébreuse, c'est moi qui l'avais conduite. ••

(Eschyle.)

Electre et Oreste. — Agamcmnon avait une fille. Electre, qui avait assisté au meurtre de son père, et n'avait pas même pu lui faire de funérailles. Ce n'est qu'en secret qu'elle pouvait aller pleurer sur sa tombe solitaire, et Flaxman nous la présente, suivie de ses servantes, qui rend les pieux devoirs d'une fille au roi Agamcmnon, dont nul dans le palais n'osait môme prononcer le nom.

Agamemnon avait aussi un fils en bas âge, Oreste. Electre, redoutant pour son frère un sort pareil à celui de son père, le cacha et l'envoya en Phocide, chez le roi Strophius qui le fit élever en même temps que son fils Pylade. Quand il eut atteint l'âge d'homme, Oreste.

Fig. 101. — Electre, à la tète d'un chœur de jeunes filles, porte des dons au tombeau d'Agamemnon (d'après Flaxman).

poussé par un. oracle qui lui a ordonné de venger son père de ses meurtriers, revient dans sa patrie en compagnie de l'inséparable Pylade : il arrive au tombeau d'Agamemnon. Après avoir invoqué les mânes de son père, il dépose sur sa tombe une boucle de ses cheveux, qui le fait reconnaître de sa sœur Electre. Elle venait aussi, elle, suivie des captives troyennes, faire les libations sacrées ; Clytemnestre elle-même l'avait envoyée dans l'espoir de détourner les présages funestes d'un songe qu'elle avait eu. Oreste, reconnu par sa sœur, lui annonce les projets de vengeance dont il est animé et dans lesquels elle ne fait ([ue le confirmer davantage.

Alors le frère et la sœur combinent ensemble la manière dont ils doivent agir. Ils con^iennent qn'Oreste lui-même va se présenter au palais où il se donnera comme un étranger, venant du pays oii était Oreste et annoncera sa propre mort. Une fois dans le palais, l'heure de la vengeance étant sonnée, les assassins d'Agamemnon périront à leur tour.

Oreste eiPylade entrent en effet dans le palais et mettent leur projet à exécution. Un moment Oreste a hésité en voyant sa mère : mais le souvenir de son père égorgé l'emporte, Clytemnestre est frappée en même temps qu'Égisthe. Oreste fait alors déployer devant le peuple d'Argos le voile dans lequel les assassins avaient égorgé son père sans qu'il put se défendre. Le meurtre de Clytemnestre et d'Egisthe apparaît sur

Fig. 102. — Mort d'Égistlie et de Clytemnestre.

quelques monuments antiques, notamment sur des bas-reliefs et des pierres gravées.

Il est bon d'observer que sur les représentations antiques, Egisthe est toujours frappé par Pylade et Clytemnestre par Oreste, Sur un bas-relief antique du musée Pio-Clémentin, Electre elle-même prend part à la scène. On voit Egisthe assis sur le trône d'Agamemnon et prêt à succomber sous les coups de Pylade qui l'a saisi par les cheveux et pose h' pied sur son genou pour le renverser : de l'autre côté Electre tient un marchepied ou un objet semblable avec lequel elle s'apprête à frapper aussi Egisthe, tandis que derrière elle, Oreste, que la vieille nourrice cherche vainement à retenir, immole Clytemnestre déjà tombée à ses pieds. Un jeune Argien cherche à défendre la reine avec un vase, la seule arme probablement qu'il aura trouvé sous sa main dans le mo-nient fatal (lig. 103).

Sur un autre bas-relief qui est au Vatican_, on voit apparaître les Furies. Egisthe a déjcà été frappé par Pylade qui, après l'avoir tué, enlève le manteau qui le couvrait. Clytemnestre est également tombée sous les coups d'Oreste. La vengeance des hommes est satisfaite, mais

celle des dieux \a commencer. Les terribles Erinnyes font déjà leur apparition, secouant leurs serpents et leurs torches contre Oreste, qui cherche un refuge en s'appuyant contre le trépied de Delphes.

Oreste et les Furies. — En elTet. Oreste sent tout à conp que sa raison s'égare ; ce sont les Furies qui s'acharnent après lui. 11 veut fuir à Delphes pour se mettre sous la protection d'Apollon, et obtenir la purification du sang versé ! Cette scène est figurée sur une peinture de

Fig. 105. — Oreste suppliant.

vase de style archaïque. Oreste est à genoux entre Apollon et Minerve dont il semble implorer la clémence : derrière lui on aperçoit le trépied de Delphes, Minerve coiffée du casque et tenant en main sa lance semble agréer sa prière. Apollon placé de Fautre côté est debout dans son rôle de dieu expiateur et purificateur. Ses longs cheveux flottent sur ses épaules, et on voit derrière lui le laurier sacré, portant sur ses branches les bandelettes de l'initiation et des tablettes votives.

Le dieu protège son suppliant contre deux Furies. La première est <lebout, vêtue d'une tunique courte comme les chasseresses, chaussée <le brodequins et pourvue de grandes ailes : elle tient un gros serpent qui se dresse menaçant au-dessus de sa tête. La seconde Furie, vue seulement à mi-corps, n'a pas d'ailes, mais elle est également pourvue de serpents. Le soleil éclaire cette scène, où l'on voit apparaître aux deux coins de la partie supérieure la tète de Pylade et celles de Clytem-nestre, l'une pour protéger Oreste, Fautre pour l'accuser.

LA CONSCIENCE.

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Les Furies poursuivant Oreste figurent également, mais sous un tout autre aspect, sur une autre peinture d'un yase qui est au musée de Naples. Elles n'ont pas d'ailes et toutes les deux tiennent en main des serpents. L'une d'elles a le sein nu et présente au coupable un miroir où l'on aperçoit la tête de Clytemnestre, symbole de ses remords. Le héros, entièrement nu, est debout entre les deux Furies et cherche à se défendre contre leurs attaques avec l'épée qui a frappé sa mère.

En général les peintures de vases que nous connaissons sur ce sujet sont extrêmement froides et pèchent par l'absence absolue de tout sentiment dramatique. Mais il ne faut pas oublier que les vases peints étaient

Fig. 106. — Oreste et les Furies.

une fabrication courante et que les compositions que nous y voyons figurer ne peuvent en aucune façon nous donner une idée de la manière dont ce sujet a pu être traité par les véritables artistes, dans la grande période de l'art.

Un tableau d'Hennequin, qui fait partie des collections du Louvre, nous donne une interprétation un peu théâtrale, mais bien autrement puissante des remords d'Orestc. Ce tableau, absolument oublié aujourd'hui, a produit une sensation énorme en 1810, époque où il a été exposé à Paris. Les Furies s'attachent après le coupable qu'elles déchirent, et l'une d'elles lui montre à ses pieds sa mère, le poignard encore plongé dans le sein. Electre soutient son frère, tandis que Pylade, au fond du tableau, se cache le visage. Cette scène est rendue avec une énergie sauvage qu'on n'est pas habitué à trouver dans l'école de David.

Ce qu'aucune peinture ne rendra jamais, c'est le récit d'Eschyle. Tandis qu'Apollon veut protéger son suppliant, l'ombre de Clytemnestre réveille