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JUPITER ET JUNON.

les Furies qui s'étaient endormies : « Ce fantôme qui vous appelle, c'est moi, c'est Clytemnestre... C'est trop dormir, sans souci de ma vengeance. Mou meurtrier, Oreste, le parricide, vous échappe... Dors-tu encore? — Allons, ta besogne à toi, c'est de tourmenter les gens... » Alors les vieilles divinités titaniques veulent s'acharner sur leur victime, et quand

Fig. 107. — Les remords d'Oreste (d'après le tableau d'Hennequin, musée du Louvre)

Apollon prétend les en empêcher, elles tournent contre lui leur colère: « Ah ! dieu de fraîche date, tu es venu fourrager sur les terres des divinités antiques. Pour protéger ton suppliant, cet impie, fatal à qui lui a donné le jour, cet assassin de sa mère, c'est toi qui nous le soustrais, toi, un dieu ! Est-ce de la justice !... Lesvoilà bien ces parvenus de l'Olympe, ces usurpateurs. Sans mission, ils couvrent de leur protection ce caillot de sang, tout ruisselant des pieds à la tête... En l'admettant à son foyer, cet impur, il a profané lui-même son sanctuaire, le dieu prophète. Car c'est lui qiii l'y a appelé, lui qui, oubliant ce qu'un dieu se doit à lui-même, s'est fait le complaisant des mortels, s'est attaqué à l'antique pouvoir du Destin. »

Cependant Apollon ne peut pas livrer son suppliant : il chasse les vieilles déesses en les menaçant de ses flèches. Apollon enjoint à Oreste de se rendre à Athènes et lui promet son aide. Le coupable, tenant un rameau d'olivier, va implorer la statue de Minerve (fig. 108). Les impitoyables Furies veulent encore le poursuivre dans cet asile et entonnent leur effroyable chanson : « C'est le chant teriible, délire, frénésie, folie, c'est Ihymne des Erinnyes, effarement des âmes, l'hymne sans lyre, effroides mortels. » Oreste, invoquant Minerve, déclare qu'il a été purifié par

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Apollon, et que le dieu a lavé ses souillures, mais les vieilles el implacables déesses, qui représentent la conscience d'autrefois, n'admettent pas les innovations introduites par les dieux olympiens et protestent

Fig. 108. — Oreste devant la statue de Minerve (d'après un vase peint).

indignées contre les expiations pieuses qu'on veut introduire dans le culte : « Viennent maintenant les bouleversements des révolutions, si force reste au'droit du crime, à la cause du parricide. Prestige de succès!

Fig. 109. — Les Furies (Érinnyes) devant Minerve et Apollon (d'après une composition

de Flaxman).

Je vois d'ici tous les hommes s'y rallier. Quel débordement désormais, au grand jour, d'attentats des fils contre les pères. — Plus de regards menaçants sur les hommes, plus de colères furieuses qui arrêtent et contiennent. Que tout aille comme il pourra, je ne m'en mêle plus. On entendra, tantôt ici, tantôt là, crier aux forfaits domestiques, à Timpuis-sance des remèdes, dans ce déchaînement de catastrophes sans trêve ni

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relâche. Plaintes inutiles de l'infortune... Que personne ne nous appelle alors sous le coup de quelque malheur, que nul ne jette le cri désespéré : Justice, trône desÉrinnyes ! Père ou mère, victime d'un récent outrage qui crie sa douleur, n'importe. Du temple de la justice, il n'est plus que des ruines. » (Eschyle.)

Le vote de Minerve. — Minerve elle-même, la sagesse divine, est eniharrasséc et devant le terrible problème qui s'impose à elle, il senilde que sa conscience se trouble. Ne pouvant résoudre la question

Fig. 110. — Le vote de Minerve.

elle-même, elle la porta devant l'aréopage : mais les voix se partagèrent par nombre égal. Minerve, qui seule n'avait pas encore voté, mit une boule blanche dans l'urne et Oreste fut absous. Le vote de Minerve est figuré sur un bas-relief antique, qui décore un vase d'argent, dit de Corsini. La Furie tenant son flambeau est debout en face de Minerve ; les autres personnages sont Oreste debout derrière la Furie ; Erigosie, la fille d'Egisthe, assise derrière Minerve; enfin Pylade et Electre, qui attendent l'issue du jugement (fig. 110).

Le jugement d'Oreste est, au point de vue religieux, une des fables les plus importantes de la mythologie, parce qu'elle montre l'importance que prenaient dans le culte olympien, les purifications religieuses, qui, comme le baptême chez les chrétiens, finissent par laver toutes les souillures.

Oreste et Iphigénie. — La querelle des dieux de l'Olympe et des Érinnyes, filles de la Nuit, au sujet du crime d'Oreste, se termina par un compromis. Une solennelle e\i>iation était nécessaire et Oreste dut entreprendre un périlleux voyage pour aller en Tauride chercher une antique image de Diane. Les habitants de cette contrée sacrifiaient les voyageurs qui abordaient sur leurs côtes, et Oreste en arrivant fut pris avec Pylade et amené dans le lieu où ils devaient être égorgés. La prêtresse de Diane était Iphigénie, la sœur d'Oreste, qui avait été transportée en Tauride par

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Iti déesse, quand, devant être elle-même sacrifiée au moment du départ de l'armée grecque pour Troie, une biche avait été substituée a la victime par la volonté des dieux. Iphigénie reconnut donc son frère dans 1 un des étrangers qu'on amenait. Un combat de générosité s engagea alors entre les deux amis ; le sacrifice d'un seul était exige, et chacun des deux voulait mourir à la place de l'autre. ,

Dans une peinture d'Herciilanum, nous voyons les deux prisonniers paraître devant Iphigénie qui met son doigt sur sa bouche pour les inviter à -arder le silence. Le même sujet figure sur un bas-relicf antique, où pour accentuer davantage le caractère sauvage des sacrifices humains, l'artiste a mis des têtes humaines près de l'image de la déesse.

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1 11. - 0,-este et PyUde reconnus par !,.higc„ie (a-après un bas-relicf antique).

Le gardien qui amène O.este et Pvlade enchaînés porte le eostnme des

'1r;,'5iî'nie put avoir avec son frère un moment d'entretieu, elle ui'deinairda qu'ue fatalité avait pu le ponsseï- sur 0»»^-te inh s-pitaliére. Oreste lui apprit alors la fin tragique de ''^"■'^^Vy^s Lince qu'il en avait tirée par ordre d Apollon, les poursu tes destunes : 1 iig ment qui avait élé prononcé sur la colline de Mars. « Quand arrivé et que je comparus au tribunal, dit-il ie n,e P^'ï- -■;;-les sièges et la plus vieille des Furies prit l'autre; .\pollon écoutant et Sondant à l'accusation de parricide, me sauva par son temo.gnag . Pallas compta les suffrages recueillis de ses propres mains,,! se t,ou-vèrent égat!x des deu. côtés, et je sortis absous de celte accusation capitale. Celles des Furies qui acquiescèrent à ma «»'*"<=» ™J°'"™,';' : voir un temple près du lieu même où l'on avait recueilli l'^.«^"ff'^^^' mais celles qui ne se soumirent pas an jugement me poiirsuiviren sans relâche, jusqu'à ce que, étendu àla porle de son temple sans pren'l^ '^-nourriture.je jurai de me donner la mort en ce lieu même, si .\poUon,

qui m'avait perdu, ne devenait mon sauveur. Aussitôt, faisant entendre sa voix par le trépied d'or, Apollon m'ordonna de venir en cette contrée, pour enlever la statue descendue du ciel et la déposer sur le sol dAthènes. Telle est la voie de salut que le dieu m'a ouverte; aide-moi à y marcher; si en effet je puis m'emparerde la statue de la déesse, délivré alors de mes fureurs, je t'embarquerai sur mon navire aux rames agfiles, et je te ramènerai à Mycènes. Ainsi, ô ma sœur, ô tète chérie, sauve la maison paternelle, sauve ton frère ; car je suis perdu sans ressource, et avec moi toute la race de Pélops, si nous n'enlevons la statue céleste de la déesse. » (Euripide.)

Cependant Iphigénie, étant parvenue à délivrer son frère, enlève l'idole de complicité avec lui. Ils se rendent alors en Grèce, et abordent à Brauron, où la fille d'Agamemnon fonde un temple en l'honneur de la déesse dont elle est prêtresse et propage son culte dans le Péloponèse, en lui ôtant ce qu'il avait de barbare dans la Tauride. « Il n'est pas possible, disait la prêtresse, que l'épouse de Jupiter, Latone, ait enfanté une divinité si cruellement stupide... Les habitants de ce pays, habitués à verser le sang humain, ont rejeté sur leurs dieux leurs mœurs inhumaines, car je ne saurais croire qu'aucune divinité puisse faire le mal. »