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Jason alors se dirige vers un enclos derrière lequel est un bois épais, en compagnie de Médée qui est venue le rejoindre, et ils cherchent l'arbre antique auquel était suspendue la toison d'or, semblable à un nuage que les rayons du soleil font paraître tout en feu. Le dragon, dont les yeux perçants n'étaient jamais fermés par le sommeil, les voit s'approcher, et, allongeant une tête effroyable, remplit l'air d'horribles sifflements. Il agite avec fureur les replis innombiables de son corps couvert d'écaillés éclatantes. Médée s'avance hardiment vers lui en in-\oquant la redoutable Hécate, et Jason la suit, non sans effroi. Mais bientôt le dragon, dompté par la force du charme, abaisse ses replis menaçants et s'étend en une infinité de cercles, semldable à un flot qui se répand sans bruit sur le rivage. Cependant il lève encore la tête et

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cherclio de tous cotés sa proie eu ouvraut uuc gueule effroyable. Médée, secouaut uu rameau de genièvre nouvellement coupé, lui répand sur les yeux une liqueur enchantée qui l'endort : sa tète retombe siu' la terre et son corps tortueux couvre au loin la forêt.

Jason alors, par ordre de Médée, qui se tenait toujours auprès du monstre et ne cessait de faire agir le charme, enleva la toison de dessus l'arbre. Ils sortirent ensuite de la forêt et se dirigèrent vers le vaisseau. Les précieux flocons dont la toison est chargée éclairent les pas du héros, qui tantôt la tient entre ses mains, tantôt la laisse pendre de dessus son épaule, et craint sans cesse qu'un dieu ou quelque mortel ne vienne la lui ravir. En arrivant, il la recouvre d'un manteau, la place près de la poupe et fait asseoir Médée par-dessus. (Apolloxius.)

Une peinture de vase nous montre Jason combattant le dragon qui garde la toison d'or (fig. 154). On remarquera que cette version est différente de celle que nous avons rapportée d'après Apollonius de Rhodes. En effet, nous avons vu que le dragon a été endormi par les enchantements de Médée, tandis qu'ici le héros s'avance fièrement contre lui l'épée à la main. Médée est debout près de lui, tenant à la main la cassette mystique, et derrière elle on voit les Argonautes, parmi lesquels Zétès et Calais sont facilement reconnaissables aux ailes dont ils sont pourvus.

On voit également sur une pierre gravée Jason avec le casque et le

Fig. lôô. — Jusoii contemple la toison d'or (d'après une pierre gravée antique .

bouclier, contemplant la toison d'or qui est suspendue après un chêne, autour duquel est entorlillé le dragon chargé de la garder.

Absyrte, frère de la magicienne Médée, était encore très-jeune lorsque celle-ci prit la fuite avec Jason. Poursuivie de près par son père ^^étès, elle imagina pour retarder sa marche de couper son frère par morceaux, qu'elle dissémina sur le chemin, en ayant soin que la tête fût placée dans un endroit très-apparent, pour que le malheureux père la reconnût aussitôt. En effet, cet horrible spectacle arrêta le roi qui ne connaissait pas la cause du meurtre, et la magicienne i)ut ainsi trouver le temps nécessaire pour sa fuite.

Les filles de Pélias. — Pélias, lorsqu'il envoya Jason à la recherche d(î la toison d'or, comptait bien ne plus le revoir. Le bruit s'étant répandu que tous les Argonautes avaient péri dans leur avcntu-

reiiso expédition, Pclias s'empressa de faire périr .Esoii, père de Jasou. ainsi que toute la famille du héros. Quand Jason fut de retour, son épouse Médée se chargea de la vengeance : elle arriva à lolchos déguisée en vieille femme, et prétendit avoir le moven de ressusciter les morts et de rajeunir les vieillards. Devant les yeux de Pélias, elle de-\int une jeune personne, et changea en agneau un bélier qu'elle avait mis en pièces et fait cuire. Les filles'de Pélias, trompées par les artifices de Médée, et désirant rajeunir leur père, le coupèrent en morceaux et l(> firent cuire dans un vase de terre, comme elles a\aient \ii

Fig. l.")(i. — Mikli'C et los tilles de Pélias (^d'après une peinture de vase.

l'aire pour le bélier. Sur une peinture de vase, on voit Médée tenant une épée et donnant ses instructions aux filles de Pélias (fig. 156).

Pélias naturellement ne rajeunit pas du tout, mais Médée espérait, en le faisant tuer par ses filles, assurer ainsi le trône à son mari, qu'on ne ne pourrait en aucune façon accuser de complicité dans la mort du roi. Elle fut déçue dans son espoir, carie fils de Pélias monta sur le trône, et Jason fut obligé de s'exiler. Il partit avec Médée et les enfants qu'il en axait eus, et se réfugia àCorinthe où régnait alors Créon. Celui-ci, désireux de s'unir à un héros aussi illustre que Jason, lui proposa d'épouser sa fille Créiise qui était d'une admirable beauté ; mais, craignant la vengeance et les artifices de Médée, il chassa la magicienne de ses Etats. Jason, à (pii cette alliance plaisait, fut impitoyable, et tout ce que Médée put obtenir, ce fut un délai d'un jour pour préparer son départ : elle le consacra à accomplir ses sinistres projets. Feignant de reconnaître ses torts, elle voulut donner à Jason un gage de réconciliation, et chargea ses enfants de présents (ju'ils j)ortèrent à la jeiuie mariée. Ces présents

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étaient une couronne fror([ue Médée avait reruc (\u Soleil, son aïeul, el une robe niagnitlque dont elle-même avait préparé le tissu par ses sortilèges. Les enfants apportèrent c(?s cadeaux à Créiise, qui fut ravie envoyant cettesuperbe parure. La jeune fille s'ensaisit, mais ji peine eut-elle touché les objets qu(> la magicienne avait envoyés qu'elle se sentit brûlée [lar un feu intérieur et expira bientôt dans dhorrildes convulsions.

Les fureurs de Médée. — Méib'e pourtant n'est pas encore satisfaite : tant qu'il reste sur la terre ({uelqu'un (jui puisse aimer son intidelc époux, elle ne regarde pas sa vengeance comme complète. Dans sa fobc

Fig. Iô7. — Vlédée égorgeant ses enlaiits (d'après au groupe anti(iue, trouvé à Arles).

furieuse, elle prend ses enfants et les couvre de ses caresses brûlantes : « Donnez, mes enfants, donnez à votre mère votre main à baiser. 0 main chérie ! ô bouche chérie! maintien, noble visage de mes enfants, je vous souhaite le bonheur, mais là-bas, aux enfers; car ici votre père vous Ta ravi... 0 doux embrassements ! joues fraîches et délicates, délicieuse haleine de mes enfants.... Ah ! sortez ! sortez !... je ne puis soutenir votre vue.... mais.... ma colère est plus forte que ma volonté, et cette passion cause les plus grands malheurs des hommes... » (Euripide.)

Les pauvres petits ne comprennent pas, ils sont épouvantés, mais leur mère qui ne se connaît plus les égorge l'un après l'autre, et quand Jason, accouru au bruit, se présente devant elle, la magicienne Médée. montée suruncharque traînent deux dragons ailés, s'envole danslesairs.

NEPTUNt: ET GERES.

Le pointre Timomaqiie avait fait sur les fureurs de Médée un tal)leau qui avait unej^'^raude eéléhiité t't(|ui fut emporté à Uoine avec les autres chefs-d'œuvre de l'art grec. Plusieurs auteurs en parlent avec admiration, et il en est souvent (picstion dans lM//^//oA>y/> : «Lorsque la main de Timomaque peiguait la meui'trière Médée tiraillée par une jalouse haine et par l'amour matciiiel, Tartiste fit des efforts infinis pour bien rendre les deux passions contraires, la colère et la pitié. Il parvint à les exprimer; voyez son œuvre. La colère paraît sous les larmes, et la

Fig. lôS. — Médée (d'après Raphaël).

pitié n'est pas sans colère. L'hésitation de la mère suffit à mon œuvre, s'est dit le peintre; c'est à la main de Médée à verser le sang de ses enfants, et non à la main de Timomaque. » — Et ailleurs : « Approche, et vois avec admiration la colère et la tendresse qui brillent dans les yeux, le feu (|ui rayonne sous les paupières, la main de la mère et de l'épouse outragée, qui. d'un élan contenu, s'arme pour le meurtre. Le peintrea bien fait de ne pas nous montrer la scène de carnage; il n'a pas voulu que l'horreur émoussàt notre admiration. »