Un groupe antique trouvé à Arles, mais qui n'est pas un ouvrage de
premier ordre, représente Médée debout et tirant son épéc pour é"-orger ses deux enfants.
Dans l'art moderne, Eugène Delacroix a donné du même sujet une interprétation vraiment saisissante ; la magicienne est représentée dans une grotte tenant un poignard à la main. Son visage effaré et le geste de lionne ramassant ses petits, avec lequel elle retient ses enfants qui s'échappent est superbe d'invention. Ce tableau, une des œuvres capitales de Delacroix, fait partie du musée de Lille.
Un bas-relief antique conservé a Mantoue, et dont le musée du Lonvrc
Médée,
Créou. Creuse. Médée.
Fig. 159. — L'histoire de Médée (d'après un bas-relief antique).
possède une répétition avec de légères variantes, représente plusieurs groupes qui reproduisent les principales scènes de la tragédie d'Euripide (fig. 159). En partant de la gauche, on voit d'abord Jason, dans une attitude pensive, devant la porte du palais de Créon à Corinthe. Le palais est orné de festons, comme pour un mariage. La scène suivante se passe dans un appartement, indiqué selon l'usage des sculpteurs anciens, par une tenture. Médée assise semble en proie à de sombres réflexions, et sa nourrice placée près d'elle essaye en vain de la calmer. Elle regarde ces deux enfants qui portent les fatals présents destinés à Créiise. et
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(lorrière lesquels apparaît le génie de l'Hymen, tenant d'une main le llamboau nuptial prêt à s'éteindre, et dans Tautre des pavots, symbole de; l'oubli. Dans le groupe sui\ant Creuse, en [)roie à d'horribles douleurs, est déjà embrasée et a a tomber sur un lit, au pied du buste de Neptune, protecteur de Corintiie. Le vieuv Créon s'arrache les cheveux <le désespoir. Puis les entants de Médée sont en train de jouer, sans voir que leur mère est prête à les liapper. I]nlin, dans le dernier groupe, Médée, montée sur le char que traînent les dragons, tient sur ses épaules im de ses enfants qu'elle \icnt d'égorger, tandis que l'autre est couché .sur le char. Cette figure a été très-heureusement imitée dans une composition mythologique de r{a[)ha('l sur le mènn^ sujet.
Nous avons suivi dans le récit de l'histoire de Médée la tradition rapportée par Euripide, et il est facile de voir dans le tableau qu'il fait de son caractère l'horreur qu'inspirait aux Grecs cette magicienne venue d'une contrée lointaine. Dans d'autres pays, Médée a été au contraire fort honorée. « Selon Elien et quelques historiens évhéméristes, tout ce (jue l'on publiait au désavantage de Médée était faux. Une tradition en vogue à Corinthe rapporte ([ue Médée, venant régner dans cette ville par droit d'héritage, après la mort de Corinthus, cacha ses enfants dans le temple de Junon pour les rendre immortels. Jason, irrité, s'en retourna alors à lolchos, où Médée le suivit. Des légendes, provenues d'une même souche, nous montrent l'épouse de Jason tuée par les Corinthiens, et ajoutent que ceux-ci ayant lapidé ses enfants pour les punir d'avoir présenté à Creuse la cassette fatale, une peste frappa leur ville jusqu'à ce qu'ils eussent institué une fête expiatoire en l'honneur de ces infortunés. » (Jacobi, Dictminaii'e tni/t/iolotjique.)
CHAPITRE VU
LA MOISSON
T\pe el attribuls de Cérès. — Honneurs rendus à Céiè^ pine. — Désespoir de Cérès. — Proserpine aux enfers. ■ Les fêles d'Eleusis. — Triptolèine.
— Enlévenienl de Proscr-- La faim dhirésichthon. —
Type et attributs de Gérés. — Cérès, chez les Grecs Dcmcter, est la Terre personnifiée, la sœur et réponse de Jupiter, dont elle eut une fille. Proserpine (A'o/r) qui personnifie plus spéciatement la véaétafi(ui.
Fift. Kid. — Gérés (d'après une peinture d'Herculanuiu
Mais Cérès est la terre considérée dans sa fécondité; quclqueluis elle est assimilée au blé lui-même, comme Bacchus-Liber est assimilé au vin. Cicéron, dans son Traite de la nature des Dieux, prend soin de nous prévenir que ce n'est là qu'inie forme du langage. « Quand nous
NEPTUNE ET GERES.
«lonnons, dit-il, au blé le nom de Cérès, au ^in celui de Liber, nous employons un langage reçu ; mais, dans le lait, quel est au monde I liomiue assez sot pour croire que ce ([u'il mange soit dieu? >
Plusieurs sculpteurs fameux, entre autres Praxitèle, avaient fait la statue» de Cérès ; mais nous avons anjoui'd'bui bien peu d'ouvrages au-Ihenlicpies, représentant l'image de celte (h'esse. Nosiunsées possèdent, il est vi'ai, un grand nombre de statues mutilées, an\(|nell('s on a donné on les restaurant les allnbiits de Cérès, des pa\ots et une couronne d'épis ; mais les véritables Cérès sont très-rares, et le type de la déesse nous est surtout connu par des peintures d'Herculaninn. Les deux figures que nous reproduisons sont extrêmement célèbres. Dans la figure 160, nous voyons la déesse debout et nimbée. Sur la main gauche, elle porte une corbeille d'épis et tient dans sa droite le llambeau qu'elle avait al-
Fig. IGI. — Ccrès assise (d'après une peinture do Pompci).
Ininéau mont Etna et d'oii est venu l'usagedes torches qu'on portait aux cérémonies d'Eleusis. Le même emblème apparaît dans la figure 161. Mais ici la déesse est assise sur un trône richement travaillé. Vêtue d'une ample tunique et d'un pépins jeté par-dessus, elle tient d'une main le llambeau et de l'autre les épis.
Les attributions des sculptures sont beaucoup luoins certaines. Ont^l-ques-unes des statues qui portent le nom de la déesse sont néanmoins très-remarquables : parmi les plus fameuses, il faut citer la Cérès colossale (fig. 102) et la Cérès Borghèse (fig. 1G3). L'atirihution de celle-ci n'est pas douteuse, puisqu'une partie delà couronne d'épis est antique, mais l'extrême jeunesse de la déesse paraît convenir plutôt à Proser-pine qu'à Cérès.
« Cette déesse, dit Ottfried Muller, revêt le caractère d'une femme
Fig. \(\2. - Cérùs colossale (statue antique).
LA MOISSON.
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plus matrone cl plus mère que Junon; rexprcssion do son visage (\uc, cache derrière le vêtement de dessous ramené sur la tète ou un simple voile a quelque chose de plus doux et de plus tendre ; elle ne se montre qu'enveloppée dans des vêtements amples et traînants, seuls vêtements qui conviennent à la mère universelle. La couronne d'épis, le pavot ci les épis dans les mains, la corheille de fruits, et le cochon placé k côté d'elle, sont les signes qui la font reconnaître d'une manière indubitable. Il n'est pas rare de voir Cérès assise sur un troue, seule ou ayant sa fille, à ses côtés ; généralement cependant on est habitué à voir la déesse qui répand partout l'abondance, marchant à grands pas sur la terre... Le développement plus ample du caractère de Cérès dépend, dans l'art comme dans le culte, de la manière dont elle est envisagée dans ses rapports avec sa fille. Dans le rapt de Proserpine, elle est conçue et représentée comme une divinité profondément irritée, qui poursuit le ravisseur de sa fille, des flambeaux dans les mains, les vêtements fiot-
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IG3.
Cérès Borghèse d'après une slatiio antiqiicj.
tant au gré des vents, sur un char rarement attelé de chevaux, mais plus ordinairement de dragons. Il ne faut pas confondre avec cet enlèvement, ouvrage de la violence, la descente annuelle de Proserpine aux enfers et sa séparation d'avec sa mère. L'ascension de Proserpine dans les cieux et son introduction au milieu des divinités de l'Olympe, souvent en compagnie des Heures et du Printemps, forment une opposition pi-([uante avec les scènes précédentes. »